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Brèves

 

 

 

13 janvier: Cabu


Jean Cabut aurait eu aujourd'hui 13 janvier, 77 ans... L'âge limite pour lire Tintin. Son assassinat a donné lieu, c'était prévisible, à un festival d'impostures, dont la présence à la manifestation "républicaine" du 11 janvier à Paris, d'authentiques fascistes obscurantistes dans les délégations des chefs d'Etat de et de gouvernements. Gageons qu'il en eût ri.


07 janvier: Charlie Hebdo


Des fanatiques islamistes sociopathes, pardon pour le pléonasme, massacrent la rédaction de Charlie Hebdo. Il n'est pas évident que les conditions de sécurité autour de C.H. aient été à la hauteur des menaces connues qui pesaient contre cet hebdomadaire, ni que les forces de sécurité en France disposent des effectifs, des équipements et des moyens à hauteur suffisante. Pour l'heure la classe "politique", surfant sur une émotion  populaire réelle, joue, avec des couacs, l'Union nationale. Sans une réorientation des priorités et des choix budgétaires (cf. le communiqué de la FSU 13), il est douteux que cela soit, à soi seul, la bonne réponse.


20 décembre: Goldman Sachs

 

La banque américaine dont le management devrait être en prison si une quelconque justice existait, a fait une année formidable en intervenant à elle seule dans  35 % des fusions acquisitions; rappelons que cette opération juridico-financière ne crée aucun emploi, a même plutôt tendance à en supprimer et n'enrichit qu'une poignée d'actionnaires et un management intéressé. C'est cela la finance. Lisez Le capital fictif de Cédric Durand  aux éditions Les prairies ordinaires.

6 novembre: Abdelwahab Meddeb.

Intellectuel tunisien, porteur des Lumières et démocrate: "Son œuvre s'inscrira dans la longue lignée de ceux qui ont voulu placer la Tunisie dans le sillage des Lumières modernes, sans renier le lien qui la rattache à la civilisation de l'islam. Son dernier acte d'écriture aura été le geste d'un retour sur soi : Le Portrait du poète en soufi (Belin, 192 pages, 19  euros) paru quelques jours avant sa mort. Tous ceux qui l'ont connu garderont le souvenir d'une belle présence généreuse dans l'amitié et exigeante pour la pensée."

Fethi Benslama

 

Psychanalyste, professeur

à l'université Paris-diderot

22 octobre: Christophe de Margerie meurt, accident d'avion...

 Socialisme: Dénomination de diverses doctrines économiques, sociales et politiques condamnant la propriété privée des moyens de production et d'échange (Petit Larousse). 

Au moment où, alors que la nationalisation des autoroutes pourrait être envisagée d'après l'étude d'un cabinet aussi sérieux que n'importe quelle agence de notation, malgré le coût des indemnisations, pour assurer des ressources régulières à l'Etat, le gouvernement préfèrerait tuer une autre poule aux oeufs d'or en privatisant la FDJ!
Sabotage délibéré de l'intérêt général ou incompétence absolue?
Bref comme le propose Valls il faut enlever le mot socialiste d'une telle politique et d'un tel parti... Il y aura bien quelqu'un pour garder la vieille maison et un référentiel "passéiste" comme dit l'homme, qui voulait déjà débaptiser le PS avait d'être seulement ministre, mais encore cohérent!

En fait il n'y a pas plus passéiste que le droit de propriété et la direction d'une entreprise, comme les larmes de crocodile lors de l'accident de C.de M. , seul dans le Falcon avec 3 membres d'équipage, ont tenté de le faire oublier au populo !!

 14 octobre: des millionnaires toujours plus nombreux


Mi 2014 il y aurait donc, d'après le Crédit Suisse, 35 millions de millionnaires en dollars sur la planète soit 1 terrien sur 200 avec un patrimoine moyen par adulte de 56 000 $. Les moyennes ont ceci d'excellent: elles gomment les écarts et alors que ceux ci se creusent, les "classes moyennes" inférieures peuvent croire à leur survie!


08 septembre: Martine Aubry, le retour?


"On n'a pas besoin d'aider les banques (…) qui ne sont pas dans la concurrence internationale - ni - les entreprises qui préfèrent verser l'argent que leur a donné l'Etat pour donner des dividendes plus importants (…) au lieu d'investir dans l'avenir, l'emploi et la formation ".

 

02 septembre: la rentrée et les vérités premières!

Le retard scolaire à l’entrée en 6e : plus fréquent dans les territoires les plus défavorisés ( Insee)

 

25 août: Démission du gouvernement


Après les discours de la St Barthélémy de Frangy, Valls présente la démission de son gouvernement à la St Louis Roi ! Y voir une quelconque dimension symbolique reviendrait à confondre un ambitieux sans doctrine avérée à un homme d'Etat,  ou  un réformateur avec un liquidateur. Grâce au ciel, il a plu sur l'île de Sein.

 

31 juillet: Louis de Funès aurait 100 ans

 

Naître le jour de l'assassinat de Jaurès n'a pas marqué sa carrière et c'est tant mieux.

Il est vrai que le 31 juillet, c'est aussi la fête d'Ignace de Loyola. Les jésuites ont la réputation d'être cultivés, nos politiciens beaucoup moins mais ils ont généralement à coeur d'utiliser les méthodes souterraines que la voix populaire a souvent attribuées à la Compagnie.


 17 juillet: Debray et l'Occident

 

"(...) La France républicaine ayant renoncé à son système de valeurs et à son autonomie diplomatique, elle a réintégré les commandements de l'OTAN, décision anecdotique mais symbolique du président gallo-ricain Sarkozy, entérinée par son sosie Hollande. Et nous voilà de retour dans " la famille occidentale ". La double mort historique de Jaurès et de De Gaulle a donné à cette abdication le sens d'un retour à la normale".  Régis Debray, Le Monde daté du 18 juillet 2014.

 

 

25 juin: Anniversaires


Michaël Jackson, il y a 5 ans. Michel Foucault 30 ans après. En voilà deux qui auraient certainement eu des choses à se dire.

 

23 juin: Avignon...

 

 

24 mai: Demain l'Europe sociale...


Demain, vote pour le renouvellement du Parlement de l'UE. Un certain nombre de crétins ou de faux-culs (cumul possible...) s'étonnent du peu d'enthousiasme des électeurs.

Il est écrit dans le traité de Lisbonne que " l'Union reconnaît et promeut le rôle des partenaires sociaux à son niveau, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux. Elle facilite le dialogue entre eux dans le respect de leur autonomie ". Y a plus qu'à...

Ce n'est pas le vote (moins de 50 députés (39 ?)  en séance sur la proposition de loi du FdG, obligé de voter contre son propre texte vidé en partie de substance par des amendements de la majorité...) ni la négociation TAFTA qui peuvent redonner confiance aux électeurs.


8 mai: Chatons


Condamnés à de la prison ferme (pour avoir maltraité) ou avec sursis (le chaton est mort), la justice française fonctionne toujours aussi bizarement: délocaliser une entreprise au nom du droit de propriété et du profit n'est pas punissable par la loi, même quand ce droit de propriété s'exerce nonobstant l'intérêt général, les aides reçues, les dégrèvements fiscaux etc... avec des dommages collatérauxet des conséquences sociales indéniables.

La sanctuarisation du droit au travail et du droit du travail ne préoccupe ni les parlementaires, ni les chats fourrés...Quant au Conseil Constitutionnel...

 

16 avril


Une semaine après, la mort de Jacques Servier à 92 ans le jeudi 10 avril, est annoncée. Comme prévu le procès du Mediator se fera sans lui! La vitesse de la justice est assez variable en France.


22 mars ou l'espoir!


C'est toujours un anniversaire... On ne sait plus de quoi. A en croire le Nouvel Obs., vendu par son fondateur, les satellites espions US ou Chinois (mais oui, déjà!) pourraient repérer l'épave engloutie du Boeing 777, mais ce serait avouer un peu plus du manque de respect qu'ils professent à l'égard du reste de la planète. Alors on dépense du pétrole pour les bateaux et les avions de reconnaissance. En plus, ils se moquent du réchauffement climatique et du gaspillage d'énergie!

Cela n'empêche pas les media de parler d'espoir à l'idée de découvrir enfin où etc... Quel espoir? 


16 janvier


La vie privée de Hollande:

Ce qu'on doit retenir de la conférence de presse du 14 janvier, ce n'est pas que FH est social-démocrate ( qu'est-ce qu'un social-démocrate sans doctrine explicite ou qui serait celle de l'idéologie dominante ? ) car on sait, au plus tard depuis l'utilisation de l'expression "le socialisme de l'offre", que le mot socialiste avec lui n'a aucun sens. Ce qui a sauté aux yeux de tous ceux qui ne sont pas des courtisans, c'est un exemple parfait de goujaterie égoïste dépourvue de toute grandeur d'âme.


2 janvier 2014


Présent dans le voyage en Arabie avec le PR, Antoine Frérot, pdg de Véolia ( dont par ailleurs les syndicats, CFDT comprise, réclament la démission vu la stratégie de démantèlement qu'ils lui reprochent), expliquant l'absence de signature de méga-contrats : "l'économie, ça ne fonctionne pas à la nano-seconde, c'est un processus continu..." Sans doute, mais l'ennui, c'est que la "finance", elle, fonctionne ainsi, comme le prouve précisément la stratégie qu'il conduit!

 

9 décembre

 

Anniversaire de la loi de 1905 séparant les églises et l'Etat, après une mobilsation de la droite pas très différente dans sa forme  de celles que nous avons connues lors du vote de la loi sur l'ivg, le pacs ou le mariage pour tous. La droite n'a jamais vraiment admis le principe de laïcité et continue de confondre sacrement et contrat, science et foi... LA droite? Une bonne partie est sans religion mais continue d'y voir un opium du peuple, très utile pour  distraire de son affairisme ou de sa corruption.

Le 9 décembre 1777 le bon roi Louis XVI rétablissait les monts de piété, supprimés pendant le gouvernement de Mazarin pour complaire aux usuriers; cela, du moins, nous avait valu "l'Avare"!


22 novembre 1963


Aldous Huxley meurt à Los Angeles. La suite a prouvé que c'était malgré tout un optimiste. Nul n'a trouvé de lien entre sa mort et celle de JFK que son assassinat a fait rentrer dans la mythologie politique.


Valls et Léonarda 19.10


Il paraît que le ministre aurait menacé de démissionner si la jeune collégienne revenait en France. Un homme d'Etat l'eût pris au mot.

L'expulsion est une manie qui se soigne; rappelons que ce gouvernement s'est déshonoré d'entrée en livrant Aurore Martin à l'Espagne ( dont elle est ressortie) alors que ce dont elle est accusée dans ce pays étranger n'est pas incriminable dans le pays dont elle est citoyenne. Inconscience et incohérence des Français abusés de toutes parts... 

 

Edith Piaf et Jean Cocteau 10.10


Morts à quelques heures . Du talent, une vie remplie... Un demi-siècle passé...


32 ème anniversaire 09.10


Extrait d'un article de Nicolas Truong dans Le Monde d'aujourd'hui ouvrant les pages consacrées par ce quotidien à l'abolition : "Il n'empêche, au moment où le national-populisme se déclare favorable à son rétablissement, la parution de cette déposition faite à elle-même de Monique Mabelly est édifiante. Alors que la 11e Journée mondiale contre la peine de mort a lieu le 10 octobre, ce texte est un rappel utile. Car " qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ? ", écrivait Albert Camus."

 

Merkel 23. 09


Ok, ce n'est même pas son nom, ce qui prouve que les électeurs allemands ne sont pas si réacs dans toutes les cases du jeu social. La presse française est, comme d'habitude, d'une stupidité confondante en parlant de "triomphe"!

La Bundeskanzlerin n'a pas la majorité avec les seules CDU/CSU. autrement dit si elle a fait un triomphe, que dire de Hollande qui en 2012 n'avait pas mathématiquement besoin d'alliés pour gouverner. Il est vrai qu'à voir comment votent certains élus du PS, on peut tout de même s'interroger sur la solidité du parti!


Retraites 10.09 


Le Monde qui n'aime les syndicats que lorsqu'ils sont "réformistes", mais comme de fait ils le sont tous, cela signifie pour cet organe de presse, prêts  "à négocier le poids des chaînes"et à suivre l'idéologie dominante, écrit dans la Check-list de son site LeMonde.fr (11.09): "Retraites: mobilisation plutôt réussie". On saluera cette quasi objectivité... et cette lueur d'optimisme sur les capacités du mouvement social à peser dans un débat que certains, au nom de TINA (There is ...), voudraient unilatéral.

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Retraites  30.08

Dans l’Etrange défaite, à laquelle je faisais à l’instant allusion ( C'est L.Mauduit dans Mediapart qui parle), Marc Bloch a ces mots terribles : « Il est bon, il est sain que, dans un pays libre, les philosophies sociales contraires s’affrontent. Il est, dans l’état présent de nos sociétés, inévitable que les diverses classes aient des intérêts opposés et prennent conscience de leurs antagonismes. Le malheur de la patrie commence quand la légitimité de ces heurts n’est pas comprise ».

C’est un peu le malheur de nos socialistes d’aujourd’hui, qui gouvernent la France comme des notaires tristes…

Multiculturalisme 18.08

« Or le multiculturalisme est une fausse réponse au problème, d'une part parce qu'il est une sorte de racisme désavoué, qui respecte l'identité de l'autre mais l'enferme dans son particularisme. C'est une sorte de néocolonialisme qui, à l'inverse du colonialisme classique, "respecte" les communautés, mais du point de vue de sa posture d'universalité. D'autre part, la tolérance multiculturelle est un leurre qui dépolitise le débat public, renvoyant les questions sociales aux questions raciales, les questions économiques aux considérations ethniques. »
Slavo Zizek, Des idées-force pour éviter les impasses de la globalisation, Le Monde, 02/09/11.

Bichat 04.08


Un hôpital sans clim depuis plusieurs jours. La pièce manquante doit venir d'Allemagne. Il paraît que la France a une politique industrielle, que serait-ce sinon! Pendant ce temps les prédateurs du Medef donnent des conseils sous forme d'injonction au gouvernement sur les retraites; que ces misérables fassent d'abord leur travail d'industriels producteurs et qu'ils se taisent ou qu'on les fasse taire; un bon contrôle fiscal devrait suffire.


Islamofascisme 20.06


Le mot est tabou car il est utilisé par la droite identitaire, mais comment mieux traduire la politique répressive d'Erdogan? La Turquie est le pays membre du Conseil de l'Europe où les journalistes emprisonnés sont les plus nombreux, le seul où l'on arrête sans aucune base légale des avocats... La lutte anti- terroriste utilisée contre les libertés fondamentales, dont la laïcité.

 Quels sont les crétins qui dans l'UE veulent encore négocier l'entrée d'un tel régime, car c'est un régime qu'on accepte et qu'on laisse durer et non un peuple libre et souverain.


Ponts 10.05


Les serviteurs habituels du veau d'or évaluent à 2 mds d'€ le manque à gagner pour l'économie lié aux ponts de mai. Cela fait tout de même 40 fois moins que la fraude fiscale!


Renault pleure ? 25.04


 Renault  a perdu des ventes en Europe mais l'action Renault est en hausse de 2,12% à 50,54 euros (soit une capitalisation boursière de 15 milliards d'€ environ). L'action  a gagné plus de 20% depuis le début de l'année, après une montée de plus de 50% en 2012. Cela justifierait-il le chantage à l'emploi que le patron surpayé de la firme exerce à l'égard des salariés du groupe?


 

Le CE privatise la grève...13.04


 Le Conseil d'Etat  a décidé vendredi 12 avril d'autoriser EDF à limiter l'exercice du droit de grève dans ses centrales nucléaires. EDF l'avait fait en 2009 pour éviter l'interruption de l'approvisionnement du pays en électricité, au nom de sa mission de service public. Cette coquecigrue juridique, même si les conseillers ne sont que par abus assimilés à des magistrats, méconnaît le principe de base qui est l'exercice du droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent. On laisse donc l'employeur se substituer à l'autorité instituée. A quoi sert le CE si on privatise ainsi les fonctions de l'Etat?

 

 

Hugo Chavez 05.03


Le président vénézuelien est mort. Les classes populaires ont bénéficié de meilleurs accès à l'instruction et à la santé. Il est certain que les media français vont dire plus de mal que de bien de lui...

 

Stéphane Hessel 27.02


Né en 1917, mort dans la nuit du 26 au 27 février, cet homme à la vie bien remplie meurt couvert d'éloges, même par ceux qui le trouvaient "dérangeant". "Pus loin, plus vite" avait-il dit à François Hollande dans une motion signée avec Pierre Larrouturou pour le dernier congrès du PS. Plus loin, plus vite, mais pas pour complaire aux canailles de Wall street, de la City, du CAC 40, de la Commission de Bruxelles et du Medef réunis , collection de nains avides et arrogants. S'indigner et résister...


D'un 11 février à l'autre 11.02


Bernadette et l'Immaculée conception, la signature des accords du Latran, l'annonce de sa renonciation par Benoît XVI... des 11.02. Normal , c'est la fête de N.-D. de Lourdes... et cette année, la veille de Mardi-gras.


Question 02.02.2013


« Je suis frappé de voir que les intellectuels de gauche d’aujourd’hui cherchent à priver le peuple opprimé non seulement des joies de la connaissance mais aussi des outils de son émancipation en lui annonçant que « le projet des Lumières » est mort et que nous devons abandonner nos illusions de la science et de la rationalité – un message bien trop fait pour réjouir le cœur des puissants, trop heureux de monopoliser ces instruments pour leur seul usage. » 
Noam Chomsky, Science et rationalité.

http://loeildebrutus.over-blog.com/

 

Franco-russe  06.01.2013


C'est bon pour Depardieu...Qui se souvient des entremets du même nom?

 

Oscar Niemeyer 06.12


L'architecte brésilien qui aura le plus marqué son pays est mort  à 104 ans. Par delà son oeuvre et sans doute ceci n'est-il pas étranger à cela, on retiendra ses engagements pour la démocratie. La France a la chance d'avoir accueilli son travail.

 

Euromillions 15.11


Une grosse cagnotte de loto et une vie change. Mais la presse affiche sans commentaire que cette somme représente 19 années de salaire pour Zlatan ,"génie" du foot-ball... et 126 siècles de SMIC!

Et il y a des gens beaucoup plus riches encore que ce nouveau millionnaire chanceux ou ce footeux qui rapporte sans doute beaucoup à quelques parasites sociaux, rouages du système...


Valls et Aurore Martin 05.11


Manuel Valls prétend ne pas avoir à "s'excuser" au sujet de la livraison d'une citoyenne française à un état étranger pour un délit inexistant en France. Cet... n'a pas tort: la trahison des gouvernants français à l'égard de leurs électeurs est plus ancienne que sa nomination  dans un gouvernement dit de gauche; la France n'était nullement tenue d'accepter de livrer ses ressortissants...

 

Islamisme 21.09 (Le Monde)


Là encore, quand on lui fait observer que l'animosité envers l'islam cache parfois mal un racisme pur et simple, Rushdie se cabre : " Je n'ai aucune tolérance à l'égard de la xénophobie et du racisme, que j'ai toujours combattus. Ceux qui s'attaquent aux minorités, aux musulmans ou aux homosexuels, par exemple, doivent être condamnés par la loi. L'islamophobie, c'est autre chose, c'est un mot qui a été inventé récemment pour protéger une communauté, comme si l'islam était une race. Mais l'islam n'est pas une race, c'est une religion, un choix. Et dans une société ouverte, nous devons pouvoir converser librement au sujet des idées. "

 

Neil Armstrong 25.08


Le premier homme sur la lune (20 juillet 1969) est mort. Il est des moyens moins honorables d'atteindre à la notoriété.

Depuis lors les canailles qui dirigent les banques et s'en sont mis plein les poches, ont siphonné le pognon disponible pour ce genre d'aventure et imposé à des politiciens plus ou moins nanifiés des politiques contre leurs peuples!

 

SMIC 09.07

 

Le 1er juillet, le montant du Smic horaire a été revalorisé à 9,40 € (9,22 depuis le 1er janvier), soit un montant mensuel brut de 1 425,70 € sur la base de 151,67 heures, ou de 1 425,67€ sur la base de 35 heures × 52 / 12.

Cette augmentation de la valeur du Smic a pour conséquence d’ « immerger » certains coefficients conventionnels sous le salaire minimum légal.

Arcelor-Mittal 28.06


Magnifique photo de la  tour Arcelor Mittal Orbit construite pour les J.O de Londres... Le patron du groupe métallurgiste a financé 19,6 des 22,7 millions de £ du coût de ce monument de 1400 t et de 115 m de hauteur. Le genre d'info qui doit réjouir les ouvriers de Gandrange... Panem et circenses. Vous avez dit XXI ème siècle?

 


Programme commun 27.06


40 ans aujourd'hui. Certains ont gagné, d'autres ont perdu. Le peuple? Les 93 % de salariés? Les partisans d'un Europe démocratique? Les concepts de liberté, d'égalité et de fraternité? La dignité du citoyen? Bref les "valeurs" dont parlent les politiciens pour éviter de qualifier leur politique? Tous ceux là ont  perdu. Il y a des explications... et il y a des coupables, toujours là, leurs frères, leurs héritiers...


INSEE 20.06


71 % du patrimoine en France dans les mains de 20 % des ménages. Et si on regarde de plus près dans ces 20%, on constatera que l'agglomération de déciles sert surtout à dissimuler de plus grands écarts!



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Texte Libre

Les auteurs

 

Sylvain Bartet (29.01.76) et Jean-Paul Beauquier (02.02.46)  sont tous deux agrégés d’histoire (dans l’académie d’Aix-Marseille), militants syndicaux (FSU), militants politiques (PS) ; ils ont une génération d’écart. Leur travail d’écriture à deux vise à montrer que sur des sujets politiques sérieux, la référence aux origines des concepts de République et de démocratie et l’esprit critique doivent armer les citoyens contre les risques et la prévalence d’une démagogie de l’instant. Bref que l’espoir est possible en politique...

 

Articles RÉCents

10 novembre 2006 5 10 /11 /novembre /2006 17:06

 

 

Dans le désordre politique dans lequel nous nous trouvons, aussi bien la France que le Parti Socialiste, il faut cependant réagir à des élucubrations  quotidiennes et intéressées. Ainsi il paraît que l'actuel débat interne est un modèle dont devraient s'inspirer les autres partis politiques, qu'il a le mérite d'exister mais qu'il ne fait rien bouger.

 

La chose est trop sérieuse pour qu'on en reste là; il s'agissait tout de même d'éclairer les militants du parti, mieux, les adhérents, dans le choix qu'ils ont à faire, individuellement, du candidat qu'ils jugent le mieux à même de défendre les valeurs pour lesquelles ils se sont engagés. Autrement dit le candidat du parti.

 

 

Du parti!

 

Pas d'une opinion publique à laquelle on vendrait un candidat comme un autre produit; l'état-spectacle n'est pas le modèle de la démocratie représentative ni le paradigme de la démocratie participative, encore que dans ce cas la définition en est assez floue.

 

Notre parti n'a plus de direction depuis 2002, parce que notre parti a trop sacrifié à une règle du jeu qui lie le mandat présidentiel et la majorité législative; deux échecs en 2002, une timidité générale dans le débat politique de 2003, car la réforme du régime des retraites de la fonction publique est une question politique, et on rafle la mise en 2004 car la mobilisation du mouvement social contre le gouvernement Raffarin et malgré l'atonie du discours de l'opposition dont le PS est en principe le moteur, a eu une traduction politique. 

 

C'est le peuple qui, mobilisé en 2003, a choisi en 2004 de sanctionner la majorité et d'envoyer un appel clair à l'opposition. 

 

La victoire  dans les élections territoriales de 2004 a été telle que nombre de nos camarades dirigeants ont pensé qu'ils pouvaient continuer de se dispenser d'une analyse de fond des causes du choc du 21 avril 2002 et qu'un slogan sur le vote utile dès le premier tour des futures présidentielles en tiendrait lieu; la nature du débat interne sur le TCE, le positionnement du parti, le désaveu cinglant de l'électorat le 29 mai 2005, cinglant pour la droite et le président de la République, mais cinglant aussi pour le parti  car notre électorat et plus encore l'électorat populaire en général n'ont pas voulu d'un traité qui paraissait combler la droite et la gauche responsables, comme on dit dans ces cas là.

 

L'analyse n'a pas été faite une fois de plus, parce que certains de nos camarades ont pensé cette fois, que désigner un bouc émissaire devrait suffire à rassurer les militants sincères et désorientés par un tel désaveu. Revoilà  Fabius en bouc émissaire.

 

L'autocritique a laissé de sinistres souvenirs dans la vie politique européenne ou asiatique, mais on demeure ébahi qu'aucune voix ne se soit élevée pour demander où était la direction du Parti, ou était la mobilisation du Parti, où était la conviction du Parti après ce nouvel échec et cette nouvelle preuve que le débat interne n'avait pas eu lieu, que le potentiel intellectuel de la masse des militants n'avait pas été sollicité et que quelques experts avaient voulu croire qu'ils penseraient juste pour tous: orthodoxie!

 

 

C'est dans ce contexte, dans cette absence de leadership patent, dans ce déni méprisant de la capacité des militants, que les coups tordus, ceux que suscitent les ambitions personnelles peuvent se préparer. Ce qui fut fait. Car peser de l'extérieur, par l'électorat supposé, par l'opinion publique indéterminée sur le parti peut difficilement passer comme un respect des règles de fonctionnement du parti. Les partis concourent à l'expression de suffrages? Non, révolution inouïe, le parti doit suivre l'opinion! Mais alors à quoi sert le parti?

 

Ce ne serait plus qu'une machine périodiquement utilisée à l'occasion d'une votation, une machine sans référentiel philosophique d'ailleurs, l'un des compétiteurs pour la candidature a affirmé qu'il n'avait plus de base marxiste et dans la foulée, il s'est proclamé social-démocrate; mais ce concept n'a pas de sens historique sans cette base là !

 

Pour l'ordre juste, rappelons nous seulement que le juste est le conforme à la loi morale et que celle-ci est un principe d'action universel et obligatoire. A redire à tous ceux qui pourraient être séduits par l'apparente nouveauté de l'expression.

 

Alors redevenons raisonnables: le candidat du parti a pour mission de faire triompher un programme porteur d'une utopie, celle de l'émancipation démocratique d'un peuple rassemblé. Leur personne compte moins que les principes dont ils sont porteurs.

 

9 novembre JPB

 

 

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10 novembre 2006 5 10 /11 /novembre /2006 17:05

 

Si le dernier débat télévisé entre les trois compétiteurs pour l'investiture du parti socialiste a assez bien montré que l'exercice de hautes responsabilités donnait du poids aux propos de l'un plutôt que d'autres, il reste que cette question de l'Europe doit être un élément clef de la campagne à venir. Non seulement l'Allemagne qui doit prendre le 1er janvier la présidence de l'Union a des projets précis en matière de défense et de sécurité, en matière de sûreté de l'approvisionnement énergétique et de protection de l'environnement, mais elle souhaite surtout relancer l'idée constitutionnelle.

 

C'est précisément sur ce point et sur celui non réglé des frontières de l'Europe que les élections présidentielles doivent apporter des réponses aux citoyens de notre pays.

 

Le SPD s'est prononcé pour une armée européenne et pour l'intégration de la Turquie; les positions du futur candidat socialiste demanderont une aussi grande précision.

 

La relance du débat constitutionnel appelle également une prise de position susceptible de mobiliser les énergies pour un projet commun aux peuples et aux 27 nations désormais rassemblées.

 

La première difficulté tient toujours à l'ambiguïté du TCE: traité relevant du droit international "ordinaire" ou socle constitutionnel supranational? La deuxième difficulté tient à la forme de ratification qui serait soumise à l'approbation des Français: proposition logique d'un nouveau referendum ou passage devant le Parlement mais d'un texte à réécrire?  La troisième difficulté tient dans la nécessité de convaincre nos partenaires européens que le processus d'unification ne peut plus reposer sur le TCE rejeté par la France et les Pays-Bas, alors même que plusieurs d'entre eux l'ont approuvé, certes par la voie parlementaire.

 

La réponse négative du 29 mai 2005 oblige les candidats en France et les dirigeants des autres pays de l'Union à un exercice auquel ils ne sont ni les uns, ni les autres accoutumés: se soumettre à une volonté manifeste qui sort de la norme du fonctionnement habituel des institutions; il faut en tirer deux conclusions: ce traité est effectivement mort-né, nos institutions en France et en Europe ne sont plus en phase avec le sentiment qu'ont les Français de la démocratie. C'est donc bien dans la voie d'une double réforme qu'il faut s'engager pour redonner à l'Europe et à la France un nouveau dynamisme et aux peuples une nouvelle espérance.

JPB

 

 

 

 

 

 

 

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5 novembre 2006 7 05 /11 /novembre /2006 20:01
Maintenant ?

 

A partir de maintenant évidemment, puisqu’il a fallu la soirée du Zénith pour que les partisans, un ukaz affirmant qu’il ne faudrait pas parler de supporters, de l’un des candidats à la candidature, merveille de la grammaire française, acceptent l’idée qu’une campagne, ça se menait et qu’il valait mieux avoir le sens de la durée.

 

A partir de maintenant aussi, parce que si l’on en croit l’un des organes, relais complaisants, des  bourreurs de crânes qui essaient de lancer un hold-up sur le parti socialiste, avec il est vrai quelques complices dans la maison, pauvre vieille maison, Royal vote Fabius, aux primaires s’entend ! Il paraît que Fabius disposerait du seuil incompressible des 21% du congrès du Mans alors que DSK « ne pèse rien dans le parti », dixit l’homme du refus de la synthèse audit congrès, et qu’à tout prendre, Fabius serait plus facile à battre, grâce aux inimitiés haineuses qu’il a suscitées depuis quinze ans dans le parti ; on notera au passage que 15 ans cela correspond à l’année 1991 et qu’à cette époque le Président de la République s’appelait François Mitterrand et le Premier Ministre selon le mois choisi, soit Michel Rocard, soit Edith Cresson ! Sauf à vouloir croire et faire croire que la débâcle de 1993 lui est imputable, que l’élection de Chirac en 1995 lui doit tout ou que l’échec de 2002 est encore de sa  pleine responsabilité, on s’étonne de tels ressentiments à l’encontre de Laurent Fabius.

 

Si on parlait de ce qui fâche ?

 

Une autre raison serait liée à l’action menée par le candidat contre la ratification du TCE ; s’affranchir du vote du parti sur un sujet crucial pour l’avenir du pays et la nature de la construction européenne, quel crime impardonnable ! Avoir mis en évidence qu’un unanimisme d’appareil pouvait être coupé des bases électorales d’un parti dont la seule justification est dans la perspective de l’émancipation et de l’amélioration du sort des plus mal lotis !

 

Cette raison là tient mieux, lorsqu’on se souvient de la campagne du TCE, de la convergence ahurissante de l’ensemble de la classe dirigeante française en faveur du Oui, des insultes adressées à ceux qui étaient sommés de dénoncer leur rapprochement conjoncturel avec les positions souverainistes de l’extrême-droite, l’amalgame sordide avec la xénophobie de ses leaders, ; elle permet de comprendre pourquoi l’engouement pour un changement de style (ah,bon ?) et de génération (vraiment?) permet de lancer une campagne présidentielle sans parler de « notre avenir », l’Europe précisément !

 

Y a pas de lézard ? Mais si justement puisque les plus fermes soutiens de la favorite des sondages ne sont pas les plus convaincus défenseurs du programme même du  parti et que c’est son discours hors programme qui est monté en épingle pour expliquer sa « popularité » et affirmer que le débat tourne autour de ses idées ! De tels présupposés laissent mal augurer de la qualité des arguments et la question est bien une fois de plus celle du corps de doctrine du parti socialiste, puisque c’est de cela qu’on prétend se passer.

 

La démocratie d’abord

 

Quand plusieurs champions s’affrontent, il est normal que chacun ait ses supporters et dire qu’il ne faut pas donner à l’adversaire politique à vaincre, quel qu’il soit, d’argument contre le futur candidat du parti, quel qu’il soit, n’a de sens recevable que si ce candidat porte un projet alternatif à celui de la droite à battre. S’il s’avérait que ce n’est pas le cas, parce qu’on s’affranchirait d’un programme qui a fait l’objet d’un travail de synthèse, certes imparfait, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit chacun le voit bien, la manipulation alors aurait été parfaite et c’est bien d’une prise de pouvoir dans le parti qu’on aurait dû parler.

 

 

JPB

 

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3 novembre 2006 5 03 /11 /novembre /2006 17:43

 

La proposition  pas très bien ficelée mais assez bien vendue (pourquoi les élus auraient ils « peur du peuple ? » tant qu’on ne précise pas le sens du mot peur, voire celui du mot peuple (citoyens ? habitants ? contribuables ?) ça marche !) ne pose pas seulement un problème de philosophie politique aussi vieux que la république : entre deux élections qui est souverain ? le peuple ou les élus chargés, par délégation, de parler et d’agir en son nom ? Elle tranche aussi entre les divers types d’élections.

 

 

Certains, favorables à l’idée, ont invoqué la pratique de la démocratie athénienne où le tirage au sort pour un an concernait 500 citoyens de la cité, chargés de participer aux travaux de la boulê, véritable exécutif par sa permanence et ses responsabilités. Délibérant en séances publiques la Boulê élisait une commission permanente, les prytanes qui agissaient au nom de tous.

 

 

Du sein de ces prytanes tous les jours était élu par tirage au sort un président, l’épistate qui, présidant à la fois la boulê et l’ecclésia, assemblée de tous les citoyens lorsqu’elle était réunie, était le chef de l’Etat : oui, pour un jour ! Quand on songe au coût d’une campagne présidentielle, le tirage au sort assurément permet de solides économies !

 

 

Pourquoi au fond personne n’a proposé de tirer au sort le chef de l’Etat, et pas pour un jour ? Ca ne ferait pas sérieux dans le concert international ni auprès des électeurs ? L’idée que chaque citoyen pourrait l’être ne motiverait pas ceux-ci pour un surcroît d’esprit civique? La technicité de la fonction justifie qu’elle soit exercée par un professionnel de la politique? La complexité de nos sociétés rendrait ce système peu efficace voire dangereux ? L’appareil administratif de l’Etat pourrait manquer de loyauté ou de compétence pour suppléer aux carences possibles de cet élu ?

 

 

Mais alors pourquoi mettre en avant l’idée que la légitimité politique repose sur la life politics chère à M.Blair et à ses conseillers, qui partant des problèmes du quotidien aboutit à nier dans l’esprit public la hiérarchie des problèmes et à sombrer dans le relativisme en mettant sur le même plan ce qui est immédiatement perçu par les citoyens, l’absence de transport en commun, l’incivilité, la surcharge des prisons, la fermeture d’une école ou d’une structure hospitalière et les implications de la privatisation de GDF , d’une politique d’allègement des charges, de la réforme des retraites ou de la construction d’un second porte-aéronefs ?

 

 

Comme il existe des contraintes lourdes dans le fonctionnement de l’Etat ou de toute collectivité, une certaine forme d’usage de la démocratie participative nie allègrement la notion de représentativité des corps intermédiaires, de choix libre des citoyens (ah, le dialogue social à la française !) et justifie mécaniquement, pour des raisons techniques, le renforcement du pouvoir politique, à tous les échelons. Et de reddition des comptes ou de contrôle citoyen, il n’est plus question entre deux élections.

 

 

Chacun sait pourtant qu’il faut réconcilier le peuple avec ses mandataires : l’une des réponses tient dans leur rotation non pas seulement pour une question de style ou de génération, car cela c’est plutôt le degré zéro de la politique, mais régulièrement, par l’interdiction réelle du cumul et par la limitation de durée d’un même mandat . Ce n’est pas un exemple de démocratie parfaite que de voir à la tête d’une municipalité dans une ville où le corps social est assez étoffé, le même maire pendant trente ans ou davantage ; ce n’est pas d’une bonne gouvernance d’exercer à la fois une fonction de législateur ou de ministre à Paris et de diriger un exécutif local : la connaissance du terrain ne garantit nullement qu’une expérience particulière puisse être généralisable et, c’est du moins encore dans le premier article du Titre premier de la Constitution (De la souveraineté, et ce n’est pas rien), la République est une et indivisible et ce n’est que son administration qui est décentralisée.

 

 

Le basculement dans une démocratie d’opinion va loin, il ne semble pas cependant que le concours des partis à l’expression des suffrages soit remis en cause, mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

 JPB

 

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3 novembre 2006 5 03 /11 /novembre /2006 17:38

Dans la campagne interne du PS, Dominique Strauss Kahn se démarque en se qualifiant de « social-démocrate ». Sa définition, pour le « commun », de la social-démocratie, relève de la grossièreté et de la malhonnêteté intellectuelles : « le social comme priorité et la démocratie comme méthode ». Allons bon ! Comment ne pourrait-on pas être social-démocrate ?

Mais l’essentiel n’est pas dans la posture que se donne DSK. Aux yeux de tout ce qui nous sert de médias et d’intelligentsia des classes moyennes aisées, la connotation positive du terme de « social-démocrate » en fait une sorte de talisman magique, pour opposer la gauche réformiste, pragmatique et efficace à la gauche marxisante, archaïque et dépassée. Pour paraître encore plus « moderne », on ajoute une louche de la thématique du « contrat » opposable à la primauté de la loi et le (mauvais) tour est joué.

 

Mais avant de laisser DSK reprendre à son compte une notion aussi large et importante que la social-démocratie, ne faut-il pas s’interroger sur la légitimité de son utilisation ? A ce propos, citons un passage d’un ouvrage publié récemment, intitulé Le modèle danois. Un détail : son auteur, Mogens Lykketoft a été le ministre social démocrate des finances de 1993 à 2000 et le chef du parti social-démocrate de 2002 à 2005. Voilà ce qu’il écrit à la page 58 (que n’a pas dû lire son préfacier, un certain Michel Rocard, toujours prompt à vanter l’absence de recours à la loi) : « Le mouvement syndical a fait un bon bout de chemin dans la négociation avec le patronat pour garantir des meilleurs salaires et conditions de travail. Là où le chemin vers des accords ne laissait pas suffisamment de marges de manœuvre, les alliés politiques du mouvement syndical prenaient la relève. […] Dans certaines situations, les sociaux-démocrates ont légiféré afin que les améliorations, à l’origine, convenues lors des accords collectifs, s’étendent à tous les travailleurs pour que tous puissent en bénéficier, qu’ils aient été membres de syndicats puissants ou faibles, voire pas syndiqués du tout. »

 

Ce court extrait suffit à montrer deux choses à ceux qui se croient « sociaux-démocrates ». Premièrement, même en terre social-démocrate, la loi conserve une supériorité de principe, puisqu’elle universalise les droits (sociaux). Notons que le mot « contrat » n’est même pas utilisé ici, puisqu’il est question de « négociation » et « d’accords » qui ne se constituent pas un principe politique comparable et opposable à la loi : un bon social-démocrate n’est ni un libéral, ni un libertaire. Deuxièmement, négociations et accords n’ont de sens que s’ils sont des outils favorables aux syndicats.

Il faut rappeler que la social-démocratie est issue du marxisme (beaucoup plus que le socialisme français), et que si elle a évolué vers un compromis quasi-institutionnalisé Capital/Travail, c’est bien à la condition que les rapports de forces sociaux soient favorables, a priori, avant le compromis, au Travail. Ceci tient à la structure et à la forme d’organisation du mouvement ouvrier dans les pays de social-démocratie : un syndicalisme de masse ; l’unité syndicale et partisane du mouvement ouvrier ; le lien consubstantiel entre syndicat et parti ouvrier. C’est tout cela qui fait la spécificité de la social-démocratie, bien plus que des supposés acquis idéologiques : Schroëder et Lafontaine sont tous les deux des « sociaux-démocrates » et n’ont jamais eu grand chose en commun sur le plan des idées.

On peut rappeler également que dans les pays marqués par la social-démocratie, le financement des droits sociaux obtenus par le mouvement ouvrier s’est fondé sur l’impôt direct et progressif, et que DSK est partisan d’une augmentation de la TVA.

 

DSK entend-il donc servir de relais aux syndicats, et à quels syndicats étant donné la division du syndicalisme français ? Et sur quelles bases et sur quels objectifs entend-il fonder le dialogue social ? A-t-il remarqué qu’après 5 ans de libéralisme à marche forcée, le rapport de force social n’était pas des plus favorables au Travail ? Ou pense-t-il que sa présence au pouvoir renversera ce rapport, en s’en remettant au « contrat » entre les partenaires sociaux ? Le réformisme et le « contrat » tiennent-ils lieu pour lui de programme de gouvernement ? Pour se prétendre porteur d’un socialisme de la « vérité », comme si cela était un concept politique, il faut d’abord faire preuve de clarté et d’honnêteté.

 

SB

 

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 16:31

Une société politique et une société civile présentent une différence fondamentale. Dans l’une il existe autour de l’Etat une « volonté substantielle » qui crée une communauté de citoyens (ou de sujets !) dans laquelle la légitimité du politique fait sens. Dans l’autre on ne rencontre que l’unité purement formelle d’un ordre marchand, où  ne coexistent que des consommateurs de toutes choses, forcément inégaux puisque aucun projet commun de société ne les rassemble en vue d’une quelconque promotion par exemple de l’égalité. On peut agir sur une société politique. On ne choisit pas d’être ou de ne pas être d’une société civile.  

 

Dans un Etat démocratique, les citoyens se reconnaissent mutuellement comme égaux. Cette reconnaissance mutuelle passe par des pratiques politiques dans lesquelles les élus se tiennent eux-mêmes pour des citoyens interchangeables voire, en tant que personnes auxquelles est délégué l’exercice de responsabilités publiques en vue du bien commun, comme  personnes indifférenciées des individus citoyens.  

 

Le pouvoir politique existe dans une démocratie ; l’une des difficultés auxquelles sont confrontés depuis l’origine ceux que la légitimité de l’exercice du pouvoir interroge, c’est la nature de l’activité par laquelle s’élaborent et s’appliquent les décisions. Le cadre dans lequel ou à partir duquel se déroule cette activité est ce qu’on peut raisonnablement appeler une Constitution, qui sera considérée comme légitime si les citoyens souscrivent à ses principes essentiels, aux droits qu’elle accorde, aux obligations qu’elle crée. L’approbation collective d’un tel pacte ne peut pas être déléguée à une représentation du corps des citoyens et c’est bien pour cela que le recours au référendum a été utilisé en 1946, en 1958 et en 2005 pour le TCE (nonobstant dans ce dernier cas le caractère ambigu de la nature d’un texte qualifié à la fois de traité et de constitution). Le respect des minorités justifie que le principe de  la majorité qualifiée soit pris en considération pour l’acte fondateur d’une société politique nouvelle.   

 

Il est à noter, à ce propos, qu’une question demeure entière dans la modalité de ratification du TCE, c’est celle du cadre et des formes de la ratification elle-même : on a considéré que l’Europe existant, on pouvait à la fois, chaque nation étant réputée égale, ce qui se conçoit, considérer qu’il existait un peuple de citoyens européens, ce qui reste à démontrer, et que chaque partie était constitutive du tout, ce qui est faux, la France seule étant une République une et indivisible. On a donc tenté de faire, à l’occasion d’un vote décisif, comme si la question posée était déjà résolue. C’était bien l’Europe sans les peuples et dans certains pays de l’union, l’Europe sans LE peuple. 

 

De ce point de vue l’élection d’une Constituante pour l’Europe serait un évident progrès dans la recherche de la légitimité démocratique à la condition cependant que l’objectif ne soit pas simplement d’élaborer UNE constitution mais que la nature du système d’équilibre et d’exercice de pouvoirs définis au préalable, soit partie intégrante de la campagne électorale qui précèderait la mise en place de cette assemblée constituante. Toute autre procédure dépouillerait a priori les citoyens des conditions d’exercice réel de leur souveraineté.  

 

 

 

 

La question de la souveraineté populaire n’est assurément pas une question simple et des pays d’Europe ont montré qu’un système démocratique de consultation électorale pouvait amener à l’exercice du pouvoir politique des partis et des hommes peu respectueux des principes sur lesquels reposent des institutions démocratiques. La res publica n’est pas nécessairement la République au sens où ce concept a été forgé dans notre pays depuis la « grande révolution », matrice cependant de la démocratie et de la souveraineté populaire.  

 

En France en tout cas, c’est depuis cent trente ans la volonté du peuple souverain qui fonde toute politique juste et opposable à chacun, puisque chacun en est l’auteur et le garant. Il va de soi que cela suppose que les bases de cette souveraineté populaire ne fassent l’objet d’aucun dévoiement par ceux qui, devant la mettre en œuvre ou la traduire en actes de gestion, y trouvent la justification unique de leur légitimité.  

 

La première exigence citoyenne doit être d’empêcher la démagogie de triompher. Dans une forme d’Etat-spectacle, avec des media soucieux de scoops plus que d’informations et a fortiori de formation, avec des partis politiques dans lesquels le souci de réélection l’emporte sur la production de projets qui ouvrent véritablement le champ des possibles, comme si le pseudo-pragmatisme des élus l’avait définitivement emporté sur la pseudo coupure d’avec le peuple des théoriciens, avec l’omniprésence d’une pensée unique installée dans tous les cercles de pouvoirs, ce combat-là n’est pas facile : la vulgate  de l’idéologie dominante prétend que toutes les opinions se valent, qu’il n’y a pas de hiérarchie des cultures et elle a failli imposer comme vérité révélée la fin de l’histoire. C’est donc une grande responsabilité pour un parti politique de courir le risque de  présenter aux suffrages du « souverain » un démagogue : la conséquence en est toujours le repli sur soi des citoyens abusés, le « zapping » électoral et la perte de légitimité réelle des élus, autrement dit le contraire de la démocratie à l’expression de laquelle les partis doivent concourir. 

 

La deuxième exigence doit être de tordre le cou à quelques idées reçues à propos du libéralisme et des conséquences qu’en tirent quelques-uns de ses zélateurs : il n’est pas juste de dire que le libéralisme politique est inséparable du libéralisme économique ; qu’il ne faudrait pas distinguer des droits qui seraient d’essence politique et d’autres qui seraient d’essence économique ; que le marché lieu de rencontre entre individus rationnels leur permet d’atteindre le plus grand bien possible en fonction de leurs ressources et de leurs capacités à produire. Ce n’est pas juste parce que le présupposé de la philosophie libérale qui privilégie l’individu comporte une liste de droits naturels qui précisément, quand on parle d’économie, n’ont rien de naturel. Qu’est-ce qui est naturel dans le droit de propriété ? Au nom de quoi la liberté de penser serait-elle équivalente à la liberté d’entreprendre ? Penser peut être un acte « solitaire », entreprendre suppose l’utilisation de matières et de partenaires et pose donc la question de l’égalité des acteurs. Ce qui fonde la philosophie politique moderne, c’est le contractualisme, la relation contractuelle entre individus. Mais la société ainsi comprise suppose à la fois une consécration de ce lien et une condition de sa possibilité. Autrement dit il faut une contractualité centrale (et donc un Etat), qui pose pour principe que les rapports entre individus seront exclusivement des contrats interindividuels, alors qu’ils ne peuvent exister sans cette contractualité centrale... L’antinomie du libéralisme est un fait.  

 

L’un des plus représentatifs des philosophes contemporains en ces matières fut, on le sait, John Rawls qui avait défini une constitution démocratique comme « l’idéal politique d’un peuple qui veut se gouverner lui-même selon certaines normes ». Pour lui il ne peut y avoir de rapports d’autorité entre citoyens égaux mais un partage collectif de la responsabilité de la coercition que l’Etat exerce ; la démocratie implique l’existence de règles et de principes fondateurs qui forment la base morale du régime mais aussi une conception politique de la justice et Rawls n’excluait pas que la présence de vertus politiques dans le corps citoyen soit le meilleur outil de préservation des droits et libertés.  

 

 

 

 

La deuxième exigence donc c’est le contrôle citoyen sur l’exercice du pouvoir étatique. En 2007 les Français ont la parole ; ils eussent dû l’avoir plus tôt compte tenu des désaveux qu’ils ont infligés aux gouvernements appuyés par la chambre introuvable issue des élections de 2002. Le saccage social, le mépris de l’esprit des institutions méritent une sanction exemplaire mais en même temps, la faiblesse et la corruption des hommes doivent contraindre les citoyens de ce pays à s’intéresser vraiment au contrat social qui les lie, au projet politique qu’on leur tend comme un miroir ou qu’on leur demande d’approuver sans alternative. Il est nécessaire que les citoyens se ressaisissent pleinement des pouvoirs qui sont les leurs  et qui en font les maîtres du jeu pour peu qu’ils le veuillent.  

 

Cet essai ne vise à rien d’autre qu’à rappeler que la France a une histoire, qu’il n’est plus possible d’en confier les rênes à des imposteurs, à des liquidateurs ou à des importateurs de modèles dont la principale caractéristique est qu’ils sont nés d’une tradition historique, philosophique et culturelle qui n’est en rien fondée sur les principes de la République. Il n’y a pas de démocratie quand un exécutif prédomine sur le législatif ni quand il est lui–même maintenu dans l’ambiguïté et l’ambivalence fonctionnelle, entre un monarque républicain et un gouvernement qu’il choisit. Il n’y a pas de démocratie quand le cumul des mandats crée des «  professionnels » de la politique ou des prébendiers sans principes ou quand le pouvoir réel s’exerce dans des instances non élues par les citoyens. Et s’il est nécessaire de modifier le cadre politique du pays et de donner à la France des institutions républicaines pour une Europe des peuples, c’est maintenant.

 

 

 

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 16:29

 

 

Quelles institutions ? 

 

 

Si l’on veut enfin faire l’Europe par et pour les peuples, il faut que les institutions actuelles soient donc remodelées ou que de nouvelles apparaissent. Par exemple, tous les Européens sincères, qui ont pu être pour le « oui » ou le « non » au TCE, admettent que l’extension du vote à la majorité qualifiée est nécessaire et inévitable pour que les institutions fonctionnent à 25. Reste, et c’est une lourde affaire, à trouver des équilibres entre nations dans les institutions supranationales ou intergouvernementales, sur le nombre de représentants attribués à chaque pays au Parlement ou à la commission, ou sur la nature et la définition des votes à majorité qualifiée. Débats qui ont rebondi au moment du Traité de Nice ou du TCE et qui ne sont pas mineurs. Mais nous considérons qu’ils sont secondaires et qu’ils nous enferment finalement dans le cadre institutionnel actuel, hérité et inadapté. Au sujet des institutions, pour que les Européens se les approprient et pour que l’Europe progresse, il faut d’abord savoir quels pouvoirs leur sont délégués, quels sont les modes de leur désignation et la valeur de leur représentativité.  

 

Partons d’un point de méthode politique. Les voies nationales parlementaires ne peuvent légitimer de nouvelles formes d’organisation des pouvoirs en Europe, à l’inverse de ce qui s’est passé dans la plupart des pays ayant ratifié le TCE. Car, pour un Républicain en tout cas, un Parlement ne peut fonder un nouveau pouvoir ou de nouvelles institutions au nom de son peuple, s’il n’a pas été élu spécifiquement pour cela (c’est le principe de l’Assemblée constituante). Un parlement est seulement chargé d’exercer le pouvoir pour lequel le peuple l’a délégué, une fois ce pouvoir reconnu, « constitué » avant. Donc, dans une conception démocratique et républicaine de l’UE, à chaque fois qu’y serait prévue une nouvelle organisation des institutions et des pouvoirs, il faudrait au minimum que la décision de l’accepter ou non revienne aux peuples, par référendum, et non aux parlements. Mais la seule démarche qui partirait vraiment des peuples, après des débats publics sanctionnés par le suffrage universel, est l’élection de députés qui, suivant leurs mandats, représenteraient les choix institutionnels de leurs électeurs : dans ce cas l’élaboration des changements institutionnels partiraient vraiment de la source de la souveraineté, les citoyens, et pas d’une initiative « européenne » mal cernée. A propos d’une constitution européenne par exemple, on aurait alors des députés élus dans toute l’Europe qui formeraient une Assemblée constituante européenne.  

 

Par une telle dynamique, on arriverait à la question plus générale de la représentation parlementaire dans l’UE. Question cruciale, étant donné que cette représentation est la seule à la fois supranationale et issue du suffrage universel. Car en cas de Constituante, il resterait alors la question du mode d’élection et donc de représentation de cette Assemblée : soit un vote par nation, soit un vote continental. On pourrait même faire les deux, avec deux chambres, qui valideraient une nouvelle constitution : une chambre des représentants européens et une chambre des nations européennes. Et il semble d’autant plus nécessaire de donner aux peuples la véritable possibilité de transmettre leur volonté, quand dans la pratique, on peut constater que les gouvernements ou les chefs d’Etat n’expriment pas forcément cette volonté. Nous sommes bien placés pour le savoir en France, où l’on a vu le décalage entre la nette majorité refusant le TCE et le gouvernement ayant négocié et accepté au préalable ce TCE, entre le « non » à ce TCE et le refus de Jacques Chirac, pour la France, d’y retirer sa signature.  

 

Le bicamérisme, sur le modèle assumé du système fédéral (tel celui des Etats-Unis), pourrait devenir la base de fonctionnement parlementaire en Europe : une première chambre composée d’élus du corps électoral européen en général, en fonction du poids démographique des nations, et cela correspond au Parlement européen actuel ; une deuxième chambre composée d’élus représentant le corps législatif de chaque état membre. Cette assemblée supplémentaire pourrait être issue du suffrage universel direct, en donnant à chaque pays un nombre d’élus  sinon strictement égal, comme marque de souveraineté, du moins  tendant vers ce principe (aux Etats-Unis, tous les Etats, quelle que soit leur population, ont droit à 2 représentants qui assemblés forment le Sénat), pour privilégier le principe national sur le poids démographique. Elle pourrait aussi être formée de délégués élus par les parlements nationaux (comme l’était au départ le Parlement européen, jusque 1979). Dans tous les cas, l’ajout d’une seconde chambre à l’assemblée actuelle renforcerait certes le poids d’une représentation des nations, qui se fait en l’état de façon déguisée au niveau de la commission, chaque Etat nommant un nombre de commissaires hors de tout contrôle citoyen, et de façon hypocrite, puisque les commissaires ne sont pas sensés représenter leur pays. Mais un tel rééquilibrage du système parlementaire européen nous paraît nécessaire pour le clarifier et pour le renforcer, en lui donnant ensuite un pouvoir législatif complet, et pas un rôle de codécision, d’amendement et de proposition limité. Même si l’on peut imaginer garder le cadre de la codécision, mais cette fois sur tout, avec le conseil des ministres.  

 

En effet, à ce jour, l’Etat-nation reste le seul cadre de la citoyenneté et de la démocratie en Europe, tant qu’il n’y a pas de peuple ni de territoire (c’est-à-dire d’espace approprié par une société) européens. A condition aussi de reconnaître que la citoyenneté européenne qui existe actuellement, avec le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales de toute commune de l’UE, pour tout ressortissant de l’UE y résidant, n’en est pas réellement une puisqu’elle ne fonde pas de pouvoir européen. La chambre des nations se composerait alors de candidats élus sur la base des positions nationales de leurs partis. Elle légitimerait un renforcement du pouvoir parlementaire (et donc de la représentation des Européens), difficile autrement, tant qu’il ne peut relever d’un peuple de citoyens européens qui n’existe pas.  

 

Parallèlement, on peut dire qu’il n’y aura pas de citoyen européen tant qu’il n’y aura pas une Cité européenne, c’est-à-dire un espace politique et institutionnel qui relève directement de l’ensemble des Européens : la Cité produit la citoyenneté autant qu’elle en est le produit. L’apparition de cette Cité passerait donc aussi par l’accroissement des pouvoirs d’une chambre européenne purement supranationale, pour laquelle les candidats seraient issus de listes transnationales. La « circonscription » politique qui constitue et exprime la légitimité du pouvoir en Europe, pour le moment, ne peut-être que double : la nation d’abord, ensuite seulement l’union, tant qu’un peuple européen n’existe pas... encore. S’il y a plus de représentation des nations dans les institutions européennes, il n’y a plus de légitimité démocratique. Mais s’il n’y a pas de volonté pour constituer un supranational fort issu directement des peuples, il n’y aura peut-être jamais de peuple européen, c’est-à-dire une population qui se reconnaît dans une citoyenneté sur un territoire. Par le principe des deux chambres, des représentants et des nations, le niveau d’intégration européenne évoluerait alors selon l’équilibre réalisé entre elle et selon le poids global du Parlement par rapport au conseil des ministres, et non plus en fonction de l’équilibre entre organes technocratiques (commission et BCE) et organes intergouvernementaux (conseils des ministres ou conseil de l’Europe).  

 

Car par la même occasion, pour renforcer la légitimité démocratique des institutions européennes, une fois que l’on renforce les pouvoirs des institutions issues du suffrage universel, il faut vider des leurs, celles qui tirent leur légitimité de la nomination ou plutôt de la cooptation entre chefs de gouvernement : la commission et la BCE. Ce qui implique d’une part, que la BCE ne soit plus indépendante et que sa politique ne se réduise pas à l’application d’un traité, mais de politiques monétaires décidées en commun, comme on décide déjà de la PAC (politique agricole commune). En attendant de pouvoir en arriver là, il est plus que temps de lui donner comme priorité la croissance, et pas l’inflation. Ce qui implique d’autre part, que la commission n’ait plus le pouvoir de proposer, préparer et d’appliquer les directives ou les règlements, ou plus tard les lois, européennes… et donc que sous sa forme actuelle, nommée par les Etats membres, elle n’existe plus. Pourquoi l’organe supranational chargé de ce rôle ne serait-il pas un seul ou un petit nombre de comités exécutifs, composé de parlementaires élus par les chambres, sur le modèle de la Convention lors de la 1ère République en France (1792-1795) ? Ce système se substituerait à la commission nommée par les exécutifs nationaux, selon des arrangements politiciens et des tractations diplomatiques obscures. La fonction du ou des comités serait la même que celle de la commission. Mais dépendant des élus des Européens et émanant d’un pouvoir législatif renforcé (les deux chambres dans notre cas), ils n’auraient pas cette irresponsabilité face aux peuples qu’a la commission et n’auraient sans doute pas sa velléité d’agir sans eux.  

 

On aurait alors, face aux organes intergouvernementaux, déjà issues des nations et donc légitimes démocratiquement, un équilibre à rechercher avec une double représentation parlementaire renforcée et avec un ou quelques comités issus de cette représentation et responsables devant elle : pas une table rase improbable et toujours le « triangle institutionnel », mais sur la base de la citoyenneté et de la souveraineté populaire. Enfin ! Cela n’épuiserait pas le débat sur le poids à accorder aux différentes nations dans ces institutions, sur la nature des votes qui s’y dérouleraient (mode de calcul et de définition de la majorité, suivant le nombre de voix attribué à chaque Etat, ensuite suivant le nombre de voix et le nombre de pays nécessaires pour obtenir l’adhésion à un projet ou une décision…). Mais cela le remettrait à sa place, derrière une autre perspective, bien plus haute et plus porteuse : celle d’une démocratie et d’une citoyenneté supranationales, qui intègrent les nations, mais en partant de la réalité démocratique incontournable de ces nations et sans les contourner par les biais de la subsidiarité et de la technocratie, sans filtrer la relation directe, qu’en bon républicain, on doit attendre entre le pouvoir et les citoyens.  

 

Or, selon l’esprit socialiste et républicain, la recherche du progrès social pose en même temps la question des institutions et des régimes qui le permettent. Cette culture politique est forte en France. Elle est le substrat de la gauche française. C’est pourquoi, lors du débat sur le TCE, on a davantage entendu dans les rangs des partisans du « non » de gauche, des revendications fortes et immédiates d’Assemblée constituante, de renforcement des pouvoirs du parlement, de démocratisation des institutions, en même temps que l’on dénonçait la dérive libérale. Ce qui a traduit à la fois l’attachement à la construction européenne (et non à un rejet absolu qui profiterait aux nations) et le mécontentement que sa forme provoque maintenant : une volonté de réorientation à la fois démocratique et sociale. La démocratie, plus approfondie, peut alors être vue comme la condition et l’instrument du progrès social : c’est bien alors le pouvoir du peuple, dont la masse a des besoins et des attentes, qui à terme, pousse à l’amélioration de ses conditions d’existence et donc à la remise en cause des injustices et des inégalités. Il n’y a pas de raison de ne pas appliquer ce raisonnement à l’Europe.  

 

 

 

 

Quels chantiers pour l’Europe ? L’organisation de la solidarité et l’indépendance.

  

 

L’UE pourrait devenir un nouvel espace de démocratie, qui soit un autre lieu de l’expression de la souveraineté populaire et un espace de démocratie en plus, qui soit un moyen de réaliser la transformation sociale à une échelle plus grande et plus efficace.  

 

En effet, si l’on part de l’analyse couramment diffusée par les socialistes ou les sociaux-démocrates des pays européens, l’Europe unie serait un levier de transformation de la société et de « régulation » de l’économie, d’autant plus nécessaire que le capitalisme se mondialise et déborde des cadres nationaux. Cette idée, quelle que soit son utilisation politique ou médiatique, rencontre un écho jamais démenti dans les opinions et contribue d’ailleurs à l’attachement à la construction européenne. C’est ainsi qu’au sein de la gauche socialiste française, en 1992, la balance a penché en faveur du « oui » au traité de Maastricht, qui reposait pourtant sur le monétarisme, parce qu’il créait une monnaie commune, qui potentiellement, pourrait devenir un outil de politique économique à l’échelle de l’UE. Le principe d’une Europe comme nouvel espace de conquêtes sociales est donc central pour une gauche qui aspire à gouverner, à partir d’un cadre politique, mental et social donné, mais pour le transformer radicalement.  

 

Certes, de la part de directions politiques gagnées dans les grandes lignes par le social-libéralisme, la construction européenne a pu devenir un alibi pour abandonner toute politique réelle d’alternative. Au nom de l’idée que la réussite de politiques socialistes nécessitait de passer par un échelon supranational, il fallait accepter les compromis (n’importe lesquels) pour qu’avance à tout prix l’Europe (n’importe laquelle). Ensuite, éventuellement, on pourrait changer le cours des choses : reculer toujours pour ne jamais sauter. Si bien que lorsque ces directions sont arrivées au pouvoir dans la quasi-totalité des pays de l’UE, dans les années 1990, on n’a pas vu l’ombre de politiques concertées, qui esquissent le modèle d’une autre Europe, démocratique et sociale.  

 

Mais l’idée de départ est fondamentale et l’opinion progressiste et pro-européenne ne s’y trompe pas. Non que des politiques fortes de progrès social ne soient pas possibles au niveau national. La simple bonne foi est de reconnaître que les nations, y compris au sein de l’UE, ne sont pas sur le point de disparaître. Dans ce cadre, les Etats disposent toujours d’instruments essentiels, qui rendent à la fois possibles la compétitivité de leurs économies, l’attractivité de leurs territoires pour les investissements, le progrès social et le recul des inégalités : les infrastructures, les services publics, l’éducation, la recherche, la fiscalité, la dépense publique. Mais il est vrai que l’échelle européenne est incontournable pour aller le plus loin possible dans le sens du progrès, dans un monde mondialisé, c’est-à-dire traversé constamment par des flux dont le contrôle échappe, en plus ou moins grande partie, aux Etats nations : flux d’hommes, d’informations et surtout de capitaux et de marchandises. C’est aussi cet échelon qui pourrait permettre d’égaliser rapidement, par le volontarisme et l’interventionnisme publics, les niveaux de développement entre pays, et d’abord entre pays européens, pour ne pas jouer sur le dumping social mais sur le progrès général du bien être. Et c’est en ce sens que l’élargissement voudrait dire quelque chose. 

 

 

Pour que l’union et son élargissement s’appuient sur un principe politique clair, le thème de la solidarité doit dépasser (tout en l’englobant d’ailleurs) celui de la paix, qui n’a plus, nous l’avons vu, la pertinence nécessaire. Par définition, la solidarité est ce qui relie et ce qui va dans les deux sens. Dans le cas de l’Europe des 25, et pourquoi pas de plus à l’avenir, les peuples des PECO ont autant intérêt à un effort massif de développement (par le budget et l’harmonisation du droit fiscal et social) que les peuples des pays originels de l’UE. Tous sont confrontés, tant que cet effort n’est pas fait, à la logique de la mise en concurrence comparative des fiscalités, des salaires et des conditions de travail pour attirer les investissements des entreprises. De plus, dans les démocraties sociales, la solidarité est ce qui s’organise et se finance consciemment et collectivement, par la fiscalité et les cotisations sociales. C’est ce qu’illustrent les systèmes de protection sociale (comme notre « sécu »), reposant sur la mutualisation du risque et du financement. Il ne peut y avoir d’élargissement qui vaille s’il ne se fonde pas sur une volonté de conquête sociale chez les pays « arrivants » et sur la volonté d’organisation de la solidarité chez les pays  « accueillants ». C’est bien d’un intérêt général européen qu’il est question. On est bien loin de la situation actuelle de l’UE, sans fiscalité commune, dans laquelle le budget, ridiculement faible, ne peut permettre aucun effort de grande ampleur face à l’entrée en 2004 de 10 nouveaux pays, dans laquelle il paraît iconoclaste de parler de politiques économiques enfreignant les règles du libéralisme.  

 

L’élargissement est possible à l’infini s’il a des buts politiques et donc s’il se fait en fonction de conditions : faire de l’Europe un nouvel espace de droits mais aussi un espace de nouveaux droits, prévoir un budget et une fiscalité communes significatives pour financer des droits sociaux, et agir pour que l’économie n’échappe pas au contrôle du Politique. Si ces conditions ne sont pas remplies, l’élargissement n’est plus alors souhaitable puisqu’il devient le contraire de l’intérêt général. Sans elles, l’élargissement continuera à accroître l’étendue du « laisser faire, laisser passer », avant que soient mis en place les moyens politiques qui permettent d’organiser l’économie et de construire une cité européenne, qui ne réduise pas l’espace politique européen au jeu intergouvernemental et à une « technostructure » restreinte, et qui permettent aux peuples d’exprimer de nouvelles revendications sociales et de conquérir de nouveaux droits.  

 

Et ce qui manquait d’ailleurs au projet de constitution européenne, ce qui lui manque toujours nonobstant le fait que certains états s’obstinent au mépris des règles du droit international sur les traités multilatéraux (règle de l’unanimité) à le ratifier, c’est un souffle émancipateur et démocratique. Ce n’est ni sur les limites de l’Europe, ni sur les services publics, ni sur les droits sociaux, ni sur l’organisation de l’espace public, ni sur un projet économique partagé, ni sur la vision de l’Europe dans le monde, que ce traité constitutionnel permettrait de construire une Europe dont les peuples puissent être les acteurs enthousiastes. 

 

 

Poser un préalable politique à l’élargissement de l’Europe, faire que son approfondissement ne soit pas que l’extension d’un libre marché et d’un droit supranational qui le réglemente, c’est enfin poser la question du destin de l’UE sur la scène internationale. Et si l’on considère que l’UE doit être un espace de démocratie, elle doit aussi garantir le pouvoir aux Européens de choisir leur destin dans le monde. Le vide politique de l’Europe ne se traduit pas que dans le manque de démocratie, dans une vision de l’économie échappant au contrôle de la société ou dans un élargissement sans principes. Il y a aussi l’absence d’un projet international commun, établi en fonction de la donnée première du nouvel ordre international : la superpuissance unique des Etats-Unis. L’absence de projet dans ce domaine fait que plus l’Europe s’unira, plus elle existera, plus elle sera en tant que telle sous la protection et la dépendance politico-militaire des Etats-Unis, d’autant plus que l’élargissement a amené en son sein des pays atlantistes. Si l’on pense que l’Europe doit bâtir son indépendance, pour pouvoir choisir sa destinée, il est nécessaire de définir des objectifs concrets : la réalisation d’une armée commune, le poids politique sans le poids militaire n’existant pas et la définition d’une politique extérieure commune, à une seule condition préalable, au minimum la distinction et l’autonomie institutionnalisées vis-à-vis de l’OTAN et si possible, la sortie de l’OTAN. Soit l’inverse de ce que prévoyait explicitement le TCE.  

 

Ce point serait d’autant plus mobilisateur et constructif que s’il y a bien un domaine où la mise en commun des ressources étatiques apparaît évidente et immédiatement pertinente, c’est celui de la dépense militaire. Seules, les nations européennes n’auront jamais les moyens de peser comme des géants démographiques et économiques, comme les Etats-Unis, et plus tard sans doute comme la Chine. Mais en l’état, une simple addition des moyens militaires des états membres ne suffirait pas non plus. Se doter des moyens de l’indépendance passe aussi par un accroissement global de la dépense militaire. Cet accroissement serait pour l’essentiel contre-productif au niveau national : il amputerait les dépenses sociales sans donner un poids politique vraiment nouveau aux Etats. Il a son bien-fondé en Europe, s’il débouche sur la constitution d’une armée commune qui compte et qui soit le moyen de l’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis et d’un renforcement sur la scène internationale de l’UE.  

 

Certes, étant donné le poids de l’atlantisme dans l’UE et donc la difficulté de tenir une position commune sur la politique extérieure (nous l’avons vu à propos de la guerre en Irak de 2003), une armée et une politique extérieure communes ne sont pas envisageables entre les 25. Pourtant, sans puissance militaire, une politique extérieure reste symbolique. Et sans politique extérieure commune, une armée n’a pas de sens. Pour avancer, il faudrait donc permettre la constitution d’une armée, d’un commandement militaire et d’une représentation diplomatique dans le cadre d’une coopération renforcée, permise facilement et sans entrave institutionnelle tatillonne, même pour un nombre de pays très limité : l’axe franco-allemand, moteur historique de la construction européenne et existant plus facilement en pratique (contre l’intervention militaire en Irak, pour reprendre cet exemple récent), avec l’addition de quelques pays intéressés, serait largement suffisant.        

 

On voit là que l’accroissement du nombre d’états de l’UE n’est pas un élément en soi pour juger de sa capacité à accroître sa puissance ou à construire son avenir politique. Il peut même provoquer le contraire s’il continue de se faire sans objectif d’indépendance et de démocratie et si en parallèle, la constitution de cercles plus étroits de pays approfondissant leurs liens est difficile.

  

 

Pour conclure…

  

 

En somme, face à une construction faite sans principes et sans méthodes pensées clairement et présentées honnêtement par les directions politiques (partis et gouvernements) aux peuples, nous proposons une hiérarchie de principes, fondée sur l’appropriation de la construction européenne par les Européens eux-mêmes : la légitimité (démocratique) des pouvoirs européens avant leur approfondissement, puis l’approfondissement avant l’élargissement. C’est pour nous le préalable au développement de la solidarité (c’est-à-dire de l’organisation de l’économie et des droits sociaux) et de l’indépendance de l’UE, qui de fait, ne se font pas tant que les peuples et les Européens sont mis à l’écart des décisions communes. Cela suppose que la culture politique qui imprègne l’unification européenne ne soit pas celle de la démocratie chrétienne, ni même de la social-démocratie, mais celle de la démocratie républicaine ou si l’on préfère celle d’une démocratie dans laquelle les citoyens ont le dernier mot, toujours ! Car elle pose la question de la constitution de la cité et de la citoyenneté sur la base de la volonté générale, de la souveraineté populaire et de la relation directe entre les citoyens et l’Etat.  

 

On dira que la France n’est pas seule, que son histoire républicaine est étrangère aux traditions des autres pays, que sa prétention universaliste est désuète… Mais il n’y aura pas d’avancées possibles et de renouvellement politique en Europe, tant qu’aucun peuple et aucun gouvernement ne se décideront à les porter. Il faudra bien que cela vienne de quelque part : pourquoi pas de la France ? Ce serait l’occasion pour elle, et son futur président, de renouer avec l’universalité de la doctrine républicaine, bien mise à mal en France d’abord… Et il est sûr que si c’est une prétention, elle ne pourra être assumée par des représentants qui ne sont que des boutiquiers ou des boutiquières de la politique nationale et des relations internationales, incapables de s’inspirer du message émancipateur qui est né dans leur propre pays, qui se sont montrés tout juste bon à dire « oui » à tout ce qui « fait » européen et à parler en termes vagues, la main sur le coeur et l’œil humide, de la beauté de l’idée européenne.

 

 

 

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 16:23

 

 

 

La culture commune  

 

La définition précise et la diffusion égale d’une culture commune nous semble alors centrale et prioritaire, car la notion de culture commune renvoie en même temps au rôle et à l’organisation de l’institution scolaire et car les contours et le contenu de la culture commune ne sont ni débattus, ni fixés clairement et ouvertement. Remédier à cette situation est un enjeu politique, parce qu’il est question de l’institution du citoyen, par l’Ecole.  

 

Nous faisons nôtres ces éléments de définition de la notion de culture commune[1] : « une culture des cultures ouverte à tous les champs d’expérience et de connaissance de l’activité humaine, à la pluralité et la variation des pratiques, des œuvres » ; « une culture signifiante pour les élèves comme pour les enseignants et le public parce qu’elle répond à des problèmes et des valeurs de société, de vie personnelle, de savoir » ; enfin « une culture fondamentale, de haut niveau, prenant le pari de l’exigence pour tous. »  

 

Revenons ici sur des termes du rapport Langevin-Wallon, même s’il parle encore de « culture générale » : « Dans un état démocratique, où tout travailleur est citoyen, il est indispensable que la spécialisation ne soit pas un obstacle à la compréhension de plus vastes problèmes et qu’une large et solide culture libère l’homme des étroites limitations du technicien. […] L’organisation nouvelle de l’enseignement doit permettre le perfectionnement continu du travailleur et du citoyen. ».  

 

On peut même dépasser la distinction du citoyen et du travailleur, dans une conception à la fois politique et sociale de la citoyenneté et de la République : l’école doit permettre à tous l’accès à une culture, générale comme technique et professionnelle, pour donner naissance à des citoyens politiquement actifs, disposant tous de la raison commune nécessaire au débat démocratique, mais aussi socialement forts de leur valeur professionnelle. Il n’y a pas d’adaptation au monde du travail, ce qui signifie intégration sociale mais aussi capacité de défendre le progrès social comme travailleur, sans une culture et une formation initiale les plus poussées possible, comme il n’y pas de démocratie et de liberté abouties, sans individus disposant d’un jugement autonome et critique.    

 

En partant de là, on ne peut que rejeter le « socle commun » de connaissances, proposé par la droite, version appauvrie de la culture, ramenée « au lire, écrire, compter » et à quelques tâches fonctionnelles. On est bien loin des conceptions les plus avancées de l’école républicaine, telles que nous les a léguées en particulier Condorcet, philosophe des Lumières, révolutionnaire et théoricien de la République[2]. Il défendait un enseignement universel élémentaire, mais pas rudimentaire : un enseignement qui prépare au jugement libre et autonome, dans l’ensemble des disciplines, sur le modèle encyclopédique. D’ailleurs, il préférait parler d’instruction (et pas d’éducation) publique, pour la distinguer de l’éducation familiale première et pour montrer que l’école devait permettre au citoyen de s’éduquer lui-même, en le libérant des préjugés (y compris familiaux). Il écrivait ainsi, dans l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1793-1794): « [les hommes ont] tous un droit égal de s’éclairer sur tous leurs intérêts, de connaître toutes les vérités, et aucun des pouvoirs établis par eux sur eux-mêmes ne peut avoir le droit de leur en cacher aucune ».  Quant à l’école conservatrice préparée par la droite actuelle, on sait à qui elle réserverait son socle de connaissances rudimentaire : des enfants des classes sociales défavorisées, dont on admettrait pour mieux le justifier, l’enfermement dans leur condition socio-culturelle.  

 

 

 

 

Un choix progressiste de culture commune est au contraire un choix humaniste, au sens précis du terme : une recherche de perfectionnement humain par la connaissance, l’instruction et l’éducation (si l’on retient malgré tout ce mot couramment utilisé). La culture commune doit donc être diversifiée et équilibrée, pour toucher à tous les aspects du savoir et du développement de l’être humain. C’est la perfectibilité de tout individu et l’exercice des droits du citoyen qui sont en jeu.  

 

L’école devrait permettre à tous d’accéder au savoir, préparer à l’autonomie intellectuelle et au libre arbitre, indépendamment des contraintes sociales. Citons à nouveau une formule de Condorcet tirée de son Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique (1792) : « Jamais un peuple ne jouira d’une liberté constante, assurée, si l’instruction dans les sciences politiques n’est pas générale, si elle n’y est pas indépendante de toutes les institutions sociales, si l’enthousiasme que vous excitez dans l’âme des citoyens n’est pas dirigé par la raison ».  

 

Nous plaçons tout autant la culture commune dans la lignée d’un idéal éducatif socialiste, qui refuse la séparation entre travail intellectuel ou abstrait et travail manuel ou technique, maintenant les classes populaires (ouvriers et employés) dans la subordination. D’une part, cette séparation réduit le rôle de la pensée dans le travail manuel. Elle n’en est que plus dépassée, à l’ère de l’automatisation et de l’informatisation, qui accroît le contenu intellectuel des tâches manuelles. D’autre part, elle permet aux classes dominantes d’accaparer l’abstraction et la réflexion théorique et enferme les classes exploitées et dominées dans l’exécution. L’objet de la culture commune est bien la fusion de la culture technique et de la culture abstraite, dite « générale » ou « intellectuelle ». Le dépassement de leur opposition se traduit par un enseignement intégral et une culture globale, qui ne limitent pas précocement l’individu à l’exercice de compétences spécialisées.  

 

 

 

 

Cela dit, pour éviter une dérive « exhaustiviste » (ou si l’on veut encyclopédiste et pas encyclopédique) qui la rendrait inaccessible au plus grand nombre, la culture commune doit se centrer sur des contenus clairs et bien définis, ce qu’elle n’est pas pour le moment. Il serait temps que cette culture soit circonscrite au sein de la culture dite « générale » et distincte d’une vision trop « classique » et élitiste de la culture.  

 

En outre, la définition de la culture commune peut être un moyen d’égaliser les choix d’orientation et de permettre cette revalorisation de la voie professionnelle, dont on parle tout le temps sur un ton moralisateur. L’orientation vers cette voie est souvent un choix par défaut, car les élèves sont évalués, au collège, sur des résultats dans des matières uniquement ou presque uniquement générales. Revaloriser la voie professionnelle nécessite d’en faire une voie choisie en connaissance de cause et de ne pas la réserver à une base sociale populaire. La culture de l’enseignement professionnel et technique doit être découverte et connue par tous les élèves, dans le cadre du collège unique. Ainsi, son choix pourrait résulter d’un projet et non d’un échec dans les matières générales.  

 

Ce qui impliquerait, dans les programmes, des tris et des arbitrages, pour que la culture commune devienne le cœur de l’enseignement obligatoire (c’est-à-dire aujourd’hui seulement dans l’enseignement de premier degré et au collège), mais aussi un effort prolongé, pour que son acquisition puisse se poursuivre, au lycée, général comme professionnel. Ce qui impliquerait enfin des compléments, au sein de l’enseignement obligatoire, pour que les savoirs techniques et technologiques soient développés. La scolarité obligatoire portée à 18 ans imposerait le cadre institutionnel et la refonte des contenus attendus.

  

 

Une fois définie la culture commune, si l’on considère son acquisition comme la première condition du combat contre les inégalités scolaires, tout doit être fait pour que le service public la garantisse.  

 

Les pratiques pédagogiques, toujours perfectibles, doivent s’adapter en permanence aux difficultés des élèves, en particulier à celles des élèves issus des classes populaires ou défavorisées. Cette adaptation doit être raisonnée et pragmatique, en évitant l’écueil du passéisme comme du pédagogisme. Mais la réflexion pédagogique ne doit pas devenir une illusion (l’essentiel étant qu’il n’y a pas de recette miracle, définitive et uniforme dans ce domaine) ni un prétexte pour refuser la hausse des moyens consacrés à l’école. Tout serait possible avec des moyens constants, voire en diminution. La belle affaire !  

 

Aucune politique massive de recul des inégalités à l’école, ne pourra éviter une relance de l’investissement éducatif. Rappelons que c’est après des décisions politiques fortes et des efforts financiers massifs, notamment avec le retour de la gauche au pouvoir, que le système éducatif a connu ses progrès les plus considérables. Après l’instauration du collège unique en 1975, il fallut la mise en place des ZEP en 1981-1982 (qui peuvent permettre de diminuer le nombre d’élèves par classe, même si elles n’ont pas eu, globalement, les moyens nécessaires à leur réussite), la suppression du palier précoce d’orientation en 5ème et la création du bac professionnel en 1985. Le pourcentage de bacheliers d’une classe d’âge est ainsi passé, après une période de hausse très lente, de 29.4 % en 1985 à 63.2% en 1995. Dans le même temps, le nombre de jeunes sortant sans qualification du système éducatif chutait de moitié. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que les politiques de restrictions du budget de l’Etat ont entraîné la stagnation de la DIE (dépense intérieure d’éducation). Depuis, les « réformes » venues du ministère de l’éducation nationale se sont empilées, avec des résultats pour le moins limités, et avec un seul net élément de constance : arrêter et empêcher la hausse de l’investissement éducatif de la nation. Les priorités des gouvernements et des ministères de  l’éducation nationale sont devenues budgétaires et non pas éducatives.  

 

La relance d’une politique scolaire ambitieuse, visant à la démocratisation de la culture et de l’école, passera aussi par un plan de refinancement du service public de l’éducation. Ce qui implique une vision du budget, de la dette publique (qui peut être un investissement pour le futur) et de la fiscalité en rupture avec le libéralisme et le néoconservatisme : là encore, une question de choix politique. Il faut un sens certain de l’Etat pour l’assumer, un sentiment profond de la République et une volonté ferme de lutte contre les inégalités, pour en admettre la nécessité.



[1] Tirés de ROMIAN Hélène (dir.), Pour une culture commune, Hachette, 2000.

[2] Sur Condorcet, voir COUTEL Charles, Condorcet. Instituer le citoyen, Paris, Michalon, 1999.

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 16:16

  

Dans une édition du JT de France 2 (le 9 mai 2006) et dans un reportage du style : « les jeunes et l’Europe », il ne fut pas surprenant d’entendre que, depuis le rejet du projet de TCE (traité constitutionnel européen) par la France, il était difficile de faire repartir le « train de l’Europe ». Pas surprenant et à l’image de la vulgate médiatique qui, se voulant pro-européenne et ayant défendu le « oui » au TCE, se refuse à définir ou à décrire avec précision ce qu’est ce « train de l’Europe ».

Or, quoi que l’on pense sur le fond du projet de constitution, les « non » français et néerlandais au TCE ne sont pas seulement des rejets d’un texte jugé mauvais par une majorité. Ils se sont exprimés par la voie directe des peuples à travers deux référendums, dans deux des six pays à l’origine et constamment au centre de la dynamique européenne.  

 

En même temps, la majorité, au sein des peuples de ces deux pays (et de l’UE) reste vraisemblablement favorable et attachée à l’unification européenne. Ainsi ces « non » posent avec une acuité nouvelle le problème des origines, du bien-fondé et de l’avenir de « l’Europe ». Pourquoi continuerions-nous de faire l’Europe ? A quoi sert-il de poursuivre son approfondissement ou son élargissement ? Qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui et que voulons-nous qu’elle devienne demain ? Ces questions simples et fondamentales ne doivent alors plus être éludées, comme si la réponse allait de soi, comme si l’on craignait des réactions anti-européennes, ou comme si les propagandistes de l’européisme, dominants dans les médias et la classe politique, avaient peur du vide de leurs propres réponses. 

 

A gauche, on dénonce essentiellement, comme lors de la campagne de 2005 sur le TCE, la « dérive libérale » de l’Europe, avec ses conséquences économiques, sociales et politiques. Cette critique, salutaire, a heureusement structuré le débat sur le TCE. Mais elle est incomplète. Même si l’on met de côté les points de vue souverainiste et nationaliste, qui ne se confondent  pas conceptuellement, on ne peut réduire le débat sur l’Europe à un affrontement entre libéraux et anti-libéraux. Ce sont les objectifs originels de la construction européenne et son moteur politique historique, le compromis entre la démocratie-chrétienne et la social-démocratie, qu’il faut mettre en débat, analyser et repenser. Il faut alors savoir sur quelle légitimité l’on fonde la construction européenne et donc l’organisation des pouvoirs et des institutions en Europe. Nous voulons ici montrer qu’une vision progressiste de l’unification européenne et de la supranationalité, peut s’appuyer sur une démarche, qui interroge sur les bases de la légitimité, de la souveraineté populaire et de la citoyenneté au sein de l’UE et qu’on pourrait qualifier de véritablement « républicaine ».  

 

L’épuisement de la dynamique originelle : des objectifs trop «  datés » 
 

En gros, après la seconde guerre mondiale, deux familles politiques, à vocation transnationale ou internationaliste, se sont employées à « faire l’Europe » : la gauche socialiste ou social-démocrate et la droite démocrate-chrétienne. Elles se sont accordées sur des objectifs communs : garantir la paix ; favoriser le développement économique et social ; éviter le déclin du continent ; enfin, dans le contexte de la guerre froide, unir l’Europe de l’Ouest démocratique face au bloc de l’Est. Le socialisme démocratique, à juste titre, a aussi placé dans ce processus l’espoir de dépassement du capitalisme, car il débordait des cadres nationaux trop étroits. Tandis que les démocrates-chrétiens y ont vu l’opportunité de faire triompher leur conception de l’Europe, chrétienne sur le plan politique et plus ou moins libérale sur le plan économique. Il en est ressorti un modèle de construction par l’économie (marché commun et libre échange) et par le haut, avec un fonctionnement technocratique passant par des autorités supranationales « indépendantes ». 

 

 

Mais commençons par reprendre et examiner les différents objectifs de l’unification européenne, dans le temps historique présent. La paix d’abord : au centre de l’idée d’Europe unie, qui s’incarne dans un courant européiste vraiment organisé après la première guerre mondiale (avec par exemple Aristide Briand en France), elle est donc une des motivations fondamentales des projets naissant après la seconde guerre mondiale. Seulement aujourd’hui, il paraît difficile d’en faire un objectif mobilisateur, au moins dans les pays de l’ouest, qui sont en paix depuis 1945 et en particulier pour des générations qui ne suivent pas deux guerres mondiales. Non que les générations actuelles ne soient pas conscientes de l’horreur de la guerre et soucieuses de la préservation de la paix, ni qu’elles sous-estiment l’importance de l’idée d’Europe unie pour cela. Mais qui peut croire que la paix soit aujourd’hui un enjeu de la poursuite de l’intégration européenne et de son approfondissement ? Quelle analyse les jeunes générations pourraient-elles faire à ce propos des conditions de l’éclatement encouragé de l’ex-Yougoslavie et des crimes perpétrés pendant cette nouvelle guerre balkanique? L’Europe a alors plutôt montré son incapacité à tenir un discours commun sur un sujet de droit international et un enjeu pour la paix à nos portes, en considérant que les peuples des six républiques fédérées avaient moins de raison de vivre ensemble que de tenter une construction démocratique commune. 

 

Nous ne sommes plus au lendemain d’une guerre, après laquelle il fallait arrimer l’Allemagne à la démocratie et au reste de l’Europe de l’ouest, car c’était de cela que dépendait la paix. Qui peut croire alors, puisque cela a été dit, que le TCE aurait été une étape nécessaire pour garantir la paix, dans une Europe qui aurait été insuffisamment approfondie pour cela ? Les critiques adressées aux partisans du « non » semblaient d’ailleurs toutes animées de l’idée que la construction européenne serait un processus irréversible mais si fragile à chaque étape qu’une seule expression soit possible : ceci est une imposture. L’unification européenne est un processus durable. Rappelons également quelque chose de simple : la vie économique de notre pays est profondément liée à celle de nos voisins, spécialement à celle de l’Allemagne, notre principal partenaire en matière d’échanges, si liée que nous avons avec certains d’entre eux une monnaie commune, ce qui ne fut pas un mince abandon de souveraineté et cela, c’est un état durable non soumis aux aléas d’une consultation populaire. Rappelons également, sans faire une grande révélation, que la France et la Grande-Bretagne n’étaient pas franchement des pays amis jusqu’au 19ème siècle (inclus) et qu’ils ne le sont pas devenus grâce à une « communauté » européenne (dans laquelle les Anglais ne sont entrés qu’en 1972). C’est la progression de l’Etat de droit et de la démocratie dans les nations, puis secondairement la conclusion d’alliances « classiques », qui sont les véritables garanties de la paix entre elles. A-t-on vu au cours de la période contemporaine beaucoup de démocraties se faire la guerre ?  

 

Le thème de la paix n’aura pas la force nécessaire pour pousser l’UE à s’approfondir, ni pour justifier n’importe quelle nouveauté qui porte le label « Europe ». Cela est au moins vrai dans les pays de l’ouest, qui constituent le cœur de « l’européanité », où l’on se rend bien compte, objectivement, de la solidité de la culture de la paix, de la contribution mais aussi des limites de la construction européenne dans son établissement. Il reste que la paix est encore un enjeu immédiat dans l’Europe des Balkans, ce qui ne peut suffire à satisfaire les peuples bien ancrés dans l’UE, mais ce qui renvoie à la question de son élargissement. Mais là, la paix est surtout un élément préalable à l’entrée dans l’union avant d’en être une conséquence, comme le montre l’exemple des relations entre la Grèce, Chypre et la Turquie. Certes, ce préalable peut pousser dans le bon sens les pays candidats à l’adhésion. Mais cela montre que c’est le projet d’adhésion, comme processus progressif et constructeur de liens, qui compte au moins autant que son point final, l’adhésion elle-même. Or, l’entrée rapide des pays de l’Europe de l’Est (en 2004) n’a pas donné cette impression.  

 

Cette intégration de 10 nouveaux Etats, essentiellement des anciens pays du bloc communiste, a été faite comme s’il s’agissait d’enterrer un phénomène déjà mort, la guerre froide et un adversaire, la Russie, comme si c’était encore l’URSS. On arrive ainsi à un second aspect des origines de l’unification de l’Europe, la guerre froide : origine historiquement dépassée qui invite à se demander ce que veulent maintenant les anciens pays de l’union et ce qu’attendent les pays de l’Est de l’UE voisine. Pourtant les « décideurs » ont agi comme si la guerre froide structurait encore les pensées, comme s’il fallait la gagner jusqu’au bout, au lieu de penser sans elle. C’est aussi comme si l’UE devait s’étendre à des espaces vides d’emprise géopolitique extérieure mais sans fixer d’objectifs politiques à cela et sans même avoir une logique classique de puissance, puisque l’entrée de ces nouveaux pays est souvent synonyme d’un renforcement de l’atlantisme au sein de l’UE. Grossir, si c’est toujours dans la dépendance de l’OTAN et donc des Etats-Unis, n’est pas éviter le déclin. 

 

De plus, l’élargissement s’est fait sans qu’il y ait, dans aucun pays de l’union, de débat impliquant tout le corps des citoyens. Et si l’élargissement se traduit d’abord par une extension du marché commun et de la concurrence entre des pays très éloignés sur les plans fiscaux et sociaux, sensés favoriser la croissance économique générale, qu’y a-t-il d’autre pour le justifier aux yeux de l’opinion ? Une sorte de réflexe anti-guerre froide, qui justifie uniquement par le passé, un passé révolu, l’intégration des PECO (pays d’Europe centrale et orientale) : l’Europe unie aurait vocation à aller là où le bloc de l’Est n’est plus. Ce n’est pas très prudent quand on sait que l’éclatement de l’URSS de 1991 (continuité territoriale de l’empire russe) n’est pas due à un soulèvement enthousiaste des peuples mais à la volonté de hiérarques de conserver places et fonctions et quand on peut s’attendre à ce que la Russie ne supporte pas les empiètements, américains comme européens, sur son territoire historique. C’est de toute façon peu pour éteindre les questions que pose cette intégration faite sans harmonisation sociale préalable, sans programme de rattrapage volontaire de l’économie des nouveaux pays entrants. C’est peu pour donner une légitimité nouvelle à la poursuite de l’unification. 

 

 

 

Or face à un élargissement exceptionnel (par son ampleur et sa rapidité) et à une proposition d’approfondissement (par le TCE), qui n’ont d’autre fondement économique que l’autorégulation libérale par le marché (la « concurrence libre et non faussée »), la question sociale est plus que jamais posée à l’Europe. Une Europe dont les institutions supranationales (la BCE et la commission) contrôlent maintenant les deux instruments de la politique économique conjoncturelle : la monnaie et les dépenses budgétaires des Etats. C’est alors l’objectif de développement économique et social qui est en jeu. Une construction fondée sur le libre-échange était au départ acceptable, entre un nombre de pays limités (6 dans la CECA en 1951, puis dans la CEE en 1957 : Allemagne, Italie, France et pays du Benelux), dans une période de croissance forte et régulière (les fameuses « trente glorieuses »), qui rendait moins problématiques les disparités économiques. Pendant qu’au niveau des nations, quels que soient les gouvernements, dominaient des politiques sociales fortes : celles de l’Etat providence, interventionniste, régulateur et redistributeur. Mais à partir des années 1980, le libéralisme et la réaction dite « politique de réforme » (Thatcher… Chirac 2, Balladur…) ont balayé l’Europe et relégué ces politiques aux oubliettes, pendant que les traités européens s’établissaient toujours sur des bases libérales. 

 

La logique libérale en Europe a ainsi trouvé un premier aboutissement dans le traité de Maastricht (1992). La création de la monnaie unique est en effet, en même temps, la victoire du monétarisme, école économique du néolibéralisme (menée par Milton Friedman). Le monétarisme est fondé sur le refus de toute inflation, qui finirait toujours, comme une loi naturelle, par désorganiser toute l’économie. Traduit dans les critères de convergence (renforcés dans le Pacte de stabilité), il empêche toute politique de relance économique par la monnaie elle-même, avec des taux d’intérêt qui faciliteraient l’investissement. Mais la relance par la dépense budgétaire est aussi empêchée, par la limitation du déficit et de la dette publique, puisqu’elle est susceptible d’augmenter la masse monétaire et donc de créer de l’inflation… La politique budgétaire est prétendument laissée aux états mais leur possibilité de choisir cette politique est dérisoire, car contrainte par la limitation des déficits. Le résultat du monétarisme, à l’œuvre à travers le traité de Maastricht, est la croissance molle et l’aggravation du chômage dans la zone euro. Alors que les Européens auraient besoin de politiques qui soutiennent l’activité et l’emploi.  

 

La « dérive » libérale est aussi politique : pour les néolibéraux, la politique monétaire doit être confiée à une banque indépendante, chargée de faire respecter des critères économiques définis à l’avance et non issus de politiques conjoncturelles décidées par des gouvernements, pourtant démocratiquement constitués. Ainsi la BCE (Banque centrale européenne) est chargée d’empêcher l’inflation, quelles que soient les conséquences économiques et sociales. Citons pour illustrer ce point, les propos prémonitoires de Pierre Mendès-France, qui avant de voter contre la ratification du traité de Rome, créant la CEE, était intervenu le 18 janvier 1957 à l’Assemblée nationale, pour dénoncer les risques d’un Marché commun, fondé sur le « libéralisme classique du 19ème siècle » : « L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes : soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une « politique », au sens le plus large de mot, nationale et internationale ». En effet, l’absence d’influence des pouvoirs publics sur la politique économique freine également l’approfondissement démocratique des institutions européennes et donc l’émergence d’une citoyenneté européenne. Les Européens peuvent difficilement se reconnaître dans des politiques économiques qui leur échappent et dont bon nombre d’entre eux constatent les aberrations. Que peuvent être la légitimité d’institutions supranationales comme la BCE et la commission quand, sans être issues du suffrage universel, ni même contrôlées par des pouvoirs représentants des citoyens, mais en se référant uniquement à l’application de traités, elles n’assurent même pas le bien-être économique ? 

 

 

Une Europe démocrate-chrétienne,  comme obstacle à la démocratisation ?
   

Cela dit, le libéralisme ne suffit pas seul à expliquer la carence démocratique de l’UE. La critique antilibérale fait oublier la prégnance de la démocratie-chrétienne, acquise tout au long du processus d’unification européenne. Le manque de démocratie est en effet antérieur à la déferlante libérale. 

  

C’est le traité de Rome, fondant la CEE en 1957, qui définit les fondements institutionnels sur lesquels on vit toujours, prolongés par Maastricht et même par le projet de constitution de 2005. Faisant un compromis entre le pouvoir supranational et le pouvoir intergouvernemental,  le traité de Rome crée le « triangle institutionnel » : commission nommée et parlement élu, pour le supranational ; conseil des ministres, puis ajout de celui des chefs d’Etat, pour l’intergouvernemental. Il fait aujourd’hui apparaître à tous, son insuffisance démocratique. L’Exécutif, détenu à la fois par les Conseils des chefs d’Etat ou des ministres et la commission, est peu lisible. Et le pouvoir exécutif de la commission est d’autant plus grand qu’elle est, face à ces conseils ponctuels, un organe permanent. Le partage et la séparation des pouvoirs ne sont pas clairs : la commission et le conseil des ministres détiennent à la fois un pouvoir législatif et exécutif. Quant au Parlement, seul organe supranational issu du suffrage universel, il ne possède toujours qu’une part réduite et secondaire du pouvoir législatif. Enfin, depuis le traité de Maastricht, le triangle institutionnel est devenu un carré avec la création de la BCE, dont le directeur est nommé. 

 

Ainsi dans l’UE, la légitimité technocratique de la commission et de la BCE, l’emporte sur la légitimité démocratique. Or il n’y a pas de «  légitimité » technocratique théorisable dans une démocratie : la compétence sélective n’ouvre pas de droit particulier et être un « expert » ne peut donner aucun pouvoir qui échappe au principe de souveraineté populaire. 

 

 

Selon nous, c’est la démocratie chrétienne d’abord, ensuite conjuguée avec le libéralisme, auquel les démocrates-chrétiens n’adhéraient pas entièrement à l’origine, qui empêche l’émergence d’une Europe démocratique et celle d’un peuple européen, c’est-à-dire d’un ensemble de citoyens dont le pouvoir supranational  serait directement issu. A ce propos, rappelons le poids, dès le départ, des démocrates-chrétiens dans le processus européen, qui amènent une conception des institutions étrangère aux bases théoriques et originelles de la démocratie. Ainsi en 1947, une internationale démocrate-chrétienne (la NEI ou nouvelles équipes internationales, sous-titrée, Union internationale des démocrates-chrétiens) sait se saisir de l’opportunité historique d’emboîter son projet idéologique et la construction européenne. Et lorsque naît la CECA (marché commun du charbon et de l’acier, ancêtre de la CEE) en 1951, dans les 6 pays concernés, on trouve des chefs de gouvernement ou des ministres des affaires étrangères démocrates-chrétiens, comme Robert Schuman, ministre des affaires étrangères de la France. 

 

Les démocrates-chrétiens veulent refonder, à partir de la philosophie politique du christianisme, la démocratie, constituée théoriquement et en pratique sur des bases différentes ou opposées. Ils s’inspirent du rêve chrétien et médiéval d’une Europe communautaire et pacifiée, insistent sur le rôle du christianisme (surtout du catholicisme, et la série de films consacrés aux aventures de Don Camillo auxquels Fernandel garantit le succès est bien dans ce contexte-là) en Europe et sur l’unité « culturelle » du continent. Dans la période de la guerre froide les démocrates-chrétiens veulent que l’Europe unie présente un visage chrétien, comme arme face au communisme, et s’opposent à l’individualisme, source selon eux du collectivisme (en réaction) comme du nationalisme (comme dérive du principe de souveraineté nationale). Au contraire, dans la conception démocratique, les individus sont l’origine du pouvoir et de son organisation, puisqu’en eux, il y a d’abord les citoyens, dotés de droits politiques fondamentaux. L’Europe de la démocratie-chrétienne n’est donc pas un espace fondé sur la citoyenneté mais sur l’idée communautaire. 

 

Pour prendre un exemple concret, lorsque Robert Schuman, ministre des affaires étrangères MRP[1] de la France, présente le 9 mai 1950, le plan à l’origine de la fondation de la CECA, sa méthode a consisté à ne consulter, ni les ministres du gouvernement, ni les organisations professionnelles, à ne pas présenter son projet au Parlement français et à éviter toute diffusion publique. Pour lui, il fallait certes créer un choc psychologique. Mais sa démarche annonçait la construction d’une Europe par le haut, non par le politique mais par l’économique et surtout sans les peuples[2]. Quoique l’on pense par ailleurs des résultats de cette méthode, il faut reconnaître qu’elle a évacué la question de la souveraineté, de la citoyenneté et de la légitimité démocratique dans l’Europe unie. Il est bon de le rappeler, quand on parle de l’homme encensé, dans le consensus général, comme un des « pères » de l’Europe. Un père de l’Europe, en outre, qui ne s’était justement pas illustré par un passé politique de démocrate. C’est le moins que l’on puisse dire de Schuman, qui avait montré de la bienveillance envers le putsch de Franco, qui avait voté (pas seul il est vrai) les pleins pouvoirs à Pétain et qui avait refusé la collaboration mais sans jamais devenir résistant. Il est vrai que l’héroïsme ni la grandeur ne sont des obligations. 

 

Au regard de cette prégnance de la démocratie-chrétienne, ce n’est donc pas un hasard si le terme de « communauté » européenne s’est imposé. Comme si l’unification était une vocation culturelle, pour ne pas dire naturelle, s’imposant (par le haut en pratique) aux Européens et non un choix politique dépendant des citoyens. On rejoint alors l’autre origine de la faiblesse démocratique des pourtant nommés « démocrates » chrétiens : le principe de subsidiarité. Il est clairement énoncé par Altiero Spinelli (dans son projet d’UE en 1984). Pour ce militant italien du fédéralisme européen : le pouvoir européen est subsidiaire, l’union n’agissant que pour les tâches qui peuvent être entreprises en commun de manière plus efficaces que séparément par les Etats membres. La subsidiarité figure dans le traité de Maastricht et se trouvait au cœur du TCE. Mais c’est bien d’abord un pape, Pie XII (à la tête de l’Eglise catholique de 1939 à 1958), qui s’était efforcé de l’attacher à la construction européenne. 

 

Le principe de subsidiarité serait un moyen de sous-tendre un projet fédéraliste, mais véhicule également une idée fondamentale de la philosophie politique chrétienne. Avec le principe de subsidiarité (qui imprègne aux origines Thomas d’Aquin, théologien du 13ème siècle), selon lequel le pouvoir politique n’est là que pour donner de l’aide (subsidium) au bien commun, l’héritage de la pensée chrétienne s’oppose d’un point de vue théorique à la conception démocratique, qui fonde le pouvoir sur d’autres principes : la souveraineté des citoyens, les droits individuels ou le contrat social. Car cette pensée, aux 19ème et 20ème siècles, veut dépasser le tête-à-tête individu-Etat, pour fonder l’organisation sociale et politique sur les corps intermédiaires et les communautés : la famille, la corporation, la région… jusqu’à l’Europe, nous l’avons vu, considérée comme une communauté. C’est bien le contraire de la conception démocratique du pouvoir, d’Athènes comme de la République française, qui pose un rapport direct entre l’individu-citoyen et l’Etat ou le pouvoir, qui émane des citoyens et de leur volonté générale, dont la légitimité provient directement et uniquement des citoyens. Rappelons les termes utilisés par Robespierre, lors d’un discours à l’Assemblée constituante, le 22 octobre 1789 (où il était un des premiers et très rares démocrates) : « la souveraineté réside dans le peuple », c’est-à-dire précise-t-il immédiatement, « dans tous les individus du peuple ». Rien, ni aucun corps, ni aucune communauté, ni aucune institution d’ailleurs, ne doit pouvoir déposséder les individus de cette souveraineté. 

 

A l’opposé, on peut voir dans la subsidiarité, une explication (au moins partielle) du poids de ce qui devient des sortes de corps constitués, siégeant en permanence, sans beaucoup devoir aux gouvernements issus du suffrage universel et sans rien devoir du tout aux citoyens : groupe de technocrates comme la commission ; juges de la cour européenne qui interprètent les traités, peuvent sanctionner des Etats-membres concernant l’observation de leurs arrêts et  influent sur le contenu de l’union ; réunion de personnalités autoproclamée « convention » pour préparer le projet de constitution. C’est encore la subsidiarité qui sous-tendrait les unions transnationales de régions, sensées permettre le dépassement de cadres nationaux mal adaptés, mais sans en avoir les fondements démocratiques. 

 

 

Fonder un nouvel espace de démocratie : quels principes et quelle extension ?
  

Tant que l’on continuera à transcender la nation, dans l’unification européenne, par la subsidiarité ou la communauté, cela même si l’on parle officiellement de l’Union européenne (mais en continuant d’utiliser l’expression « institutions communautaires »), il ne faudra compter sur aucun progrès significatif de la démocratisation des institutions supranationales. Une démocratisation de la construction européenne impose de substituer la primauté de la citoyenneté à celle de la subsidiarité et de la communauté. Si l’on veut dépasser la nation, de façon démocratique, cela doit passer par des institutions supranationales ayant une légitimité comparable, c’est-à-dire issue du suffrage universel. Pour le moment, il n’y a que le Parlement européen. Et nous rajoutons que ce dépassement doit se faire de façon républicaine. C’est-à-dire par la volonté générale et au nom de l’intérêt général, donc par des choix conscients, volontaires et éclairés émanant directement des Européens, à travers des débats publics sur des traités et des questions présentées clairement et honnêtement : le contraire de ce qu’avait fait Schumann à l’origine de la construction européenne, le contraire de ce qu’avaient prévu de faire la convention et la commission ayant présenté le projet de constitution en 2005.  

 

Par ailleurs, comme l’unification européenne pose aussi la question de son élargissement, et pour que cet élargissement, sa poursuite ou son arrêt, aient une légitimité (et donc une force) démocratique, il faut définir ce que l’on entend par « l’Europe ». Si on prétend l’unifier, il faut savoir si l’on donne des limites à l’Europe et si oui, lesquelles.  Un autre problème, crucial, se pose alors : celui de l’extension infinie du droit international. Le droit international est fondé sur la volonté d’établir et de garantir la paix. Après la seconde guerre mondiale, sa thématique s’impose d’abord à travers la création de l’ONU, qui a vite fini par regrouper presque tous les Etats de la planète. Tout cela constitue un acquis historique majeur. Mais le problème est que le droit international dans sa version droit européen, qui prime sur le droit national, porte maintenant sur tout et que cela semble aller de soi. Il en ressort une construction européenne qui étend le droit supranational et qui s’étend géographiquement indéfiniment, sans que jamais cette logique ne soit explicitée aux citoyens par le groupe effectif « d’institutionnels », de technocrates, d’experts, de journalistes, d’hommes politiques… qui en est à l’origine. 

 

Or, la construction européenne est une démarche politique : son approfondissement comme son élargissement. Et le droit supranational qui va avec doit être approprié et mis en débat par les peuples qui en dépendent. Il n’y a même aucune raison à ce que, ce que nous nommons « Europe » au sens de l’UE, s’étende forcément sur tout ce que nous nommons « Europe », au sens de continent, ou exclut un pays qui n’y serait pas. En effet, on chercherait en vain un continent européen dans la géographie, l’histoire ou la culture. L’Europe n’a pas de limites géographiques a priori : les limites des continents sont des conventions cartographiques anciennes et artificielles. Et dans le cas du continent européen, la limite de l’Oural à l’Est n’a même pas de valeur naturelle (si tant est que cela ait une importance) : dire que l’Europe va de « l’Atlantique à l’Oural », comme le faisait De Gaulle, c’est en fait se positionner politiquement par rapport à la Russie. Rien dans l’histoire ne s’apparente non plus à cette « Europe » au sens de continent : ni le monde grec, ni l’Empire romain, ni l’Empire carolingien ne correspondent à cet espace. Il n’y a pas non plus de communauté de culture sur tout le continent Europe, qui la différencierait en outre de ses voisins. La « culture », assimilée souvent à l’héritage judéo-chrétien, est d’abord un faux argument utilisé par les opposants à l’entrée de la Turquie dans l’UE, et par des cléricaux soucieux de l’influence du christianisme dans le champ politique européen. Si l’on en reste aux rapports des sociétés avec la religion, il y a par exemple autant de diversité entre la France et la Turquie qu’entre la Pologne et la France : la France est un pays proclamé laïque, où le catholicisme reste la première religion mais où la croyance et la pratique religieuses sont particulièrement faibles ; la Turquie est un pays où l’écrasante majorité de la population reste musulmane mais où la laïcisation est assez avancée ; la Pologne est un pays où la population reste très catholique et où la laïcité est peu avancée. Aucune prédestination culturelle là-dedans pour se comprendre et s’unir a priori. Bref, l’Europe de l’UE est bien une construction politique, qui relève donc d’une volonté et non d’une vocation à s’étendre sur un continent qui n’a aucune réalité autre que cartographique ou sur des pays de l’Est qui en feraient géographiquement, historiquement ou culturellement partie.  

 

De la même façon, le droit européen n’a pas de vocation à s’imposer à celui des nations. C’est le choix des nations d’abandonner des pans de leur souveraineté. Comme c’est leur choix de s’unir à d’autres. Tout est possible, mais rien n’est légitime en soi. Comprendre cette idée, c’est refuser un approfondissement de l’UE qui échappe à toute référence doctrinale, si ce n’est celle d’un droit international qui n’est pas conçu pour cela ; c’est refuser un processus d’élargissement dans lequel les choix politiques ne sont pas révélés ; c’est refuser finalement la dépolitisation de la construction européenne. 

 

Les limites de l’Europe sont celles que nous lui donnerons. De même que l’importance du droit et des pouvoirs supranationaux est celui que nous acceptons : politiques communes, institutions, traités voire constitution future. Mais que proposer pour que ce « nous » soit celui des citoyens et des peuples et pas « d’élites » ou de groupes restreints, pour que ce « nous » corresponde à une volonté politique collective, à une volonté générale traduite dans un intérêt général européen et pas à une communauté fantasmée ?  

 

La construction européenne est restée entre les mains d’experts, obscurcie par le fonctionnement complexe de conseils spécialisés, développée subrepticement par une jurisprudence de la cour de justice européenne dont l’interprétation des conséquences des traités empiétait allègrement sur le champ politique, pour lequel elle était et demeure dépourvue de légitimité. Bref cette construction s’est faite comme à côté des peuples et sans leur mobilisation démocratique, pour la plus grande commodité de leurs propres gouvernements qui se défaussaient ainsi de la responsabilité de décisions difficiles à faire accepter par leurs opinions publiques. L’affaire de la directive Bolkestein en est une nouvelle illustration : ce n’est qu’avec la montée de la contestation antilibérale, portée par le « non » de gauche au TCE, que les responsables et les dirigeants qui avaient accepté le principe de cette directive (notre président en tête !) ou qui se gardaient d’en parler, se sont mis à la condamner.

 

 

 

 

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 16:12

 

Si l’on réunit des militants, de « simples » citoyens ou même des enseignants, si on lit la presse, si l’on regarde quelques émissions ou reportages des chaînes télévisées et si l’on écoute bon nombre de « politiques », on constate que l’Ecole est très souvent abordée sous l’angle de ce qui se passe dans LES écoles. Naissent alors des débats passionnés sur les méthodes de lecture et la pédagogie, la défaillance des familles qui se répercuterait sur l’enseignement, le poids des cartables, le « malaise enseignant », le bizutage, les rythmes de travail des enfants et les devoirs à la maison, la discipline, l’incivilité et la violence dans les établissements scolaires, le niveau des élèves français qui baisserait, l’ordinateur à l’école et les tableaux interactifs…  

 

Le succès de tels sujets s’explique en partie par le goût pour la mise en spectacle du « concret » par les médias, même s’ils abordent la plupart du temps l’école par ses marges ou par de faux clichés. Ainsi, la violence physique, entre élèves ou à l’encontre de professeurs, qui fait périodiquement les gros titres de la presse ou des journaux télévisés, est un phénomène grave, mais limité à des établissements très minoritaires et des situations ponctuelles. Ainsi, la méthode globale de lecture, dénoncée à l’envi, n’est plus d’actualité dans les écoles primaires et n’a jamais été répandue comme on se fait peur à le croire, tandis que la méthode syllabique, contrairement à ce que l’on se plait à dire, n’a pas fait que d’excellents lecteurs.  

 

 

La dépolitisation de l’école  

 

 

Surtout, ces débats ont deux limites. En premier lieu, concernant ce que l’on apprend à l’école et comment on l’enseigne, ils sont avant tout « techniques ». Or, discuter de pédagogie et des formes d’une éducation qui est collective nécessite, comme toute autre pratique de spécialistes et de professionnels, un degré minimum de connaissance et d’analyse et il ne suffit pas et même il n’est pas nécessaire d’avoir élevé des enfants pour avoir un avis sérieux dans ce domaine. En second lieu, ils ne permettent pas de répondre à des questions plus politiques, en rapport avec le fonctionnement de la Cité : quelles sont les attentes de la collectivité, quelles missions donne-t-elle à l’école et comment veut-elle que son gouvernement  permette leur accomplissement ? C’est pourtant à ce propos, dans une démocratie, que l’opinion, les besoins et les revendications de tout citoyen, sont nécessairement recevables. Cela est autre chose que de savoir comment les pratiques enseignantes et éducatives sont mises en oeuvre dans les établissements scolaires.   

 

L’Ecole, c’est en effet un ensemble d’établissements, avec des élèves, des professeurs et une administration, qui font leur métier (puisque l’on utilise aussi l’expression de « métier » d’élève) de telle ou telle manière et qui nouent telle ou telle relation. Mais l’Ecole, c’est aussi un système, qui mobilise des ressources collectives (humaines, matérielles et financières) et qui participe à la structuration de la société et de la nation. Et traiter d’un système, c’est s’interroger sur sa construction globale et son rapport avec la société et le pouvoir. Et comme en France l’enseignement est un devoir de l’Etat (selon l’alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946 repris en 1958 : « L’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque est un devoir de l’Etat »), ce qui sous-entend qu’il est un service public, l’école est plus qu’un système.

 

 

L’Ecole est une institution. Dans la vie de la nation, c’est donc un objet politique : son organisation, sa fonction et ses attributions relèvent des choix de la collectivité, que l’Etat et ses dirigeants doivent assumer et respecter. Théoriquement, dans la République, elle doit alors être fidèle aux principes de l’égalité en droit et de l’intérêt général, le rôle de tout gouvernement devant être normalement la perpétuation de ces principes. A moins qu’un gouvernement cesse de les reconnaître, ce qui n’a jamais été officiellement et publiquement assumé. 

 

Il est donc regrettable que, dans le débat public et sur la scène médiatique, l’Ecole ne soit pas prioritairement et essentiellement traitée comme une institution. D’autant plus qu’au cours de notre histoire républicaine, l’école publique a été au centre de la construction de la citoyenneté (selon le principe qu’il n’y a pas de démocratie sans des citoyens éclairés), le premier terrain de l’avancée laïque et un élément constitutif de l’idéal de service public. D’autant plus aussi, que le système scolaire est menacé (en France, en Europe et dans le monde) par la remise en cause libérale et marchande des services publics. Or, même quand nos concitoyens se perdent dans des sujets qui dépolitisent l’Ecole, ils posent encore de vraies questions et surtout ils continuent de prouver leur attachement à cette institution. Seulement, ils passent à côté de l’essentiel et de ce qui les concerne vraiment.  

 

La dimension institutionnelle du service public d’éducation a subi, il est vrai, de durs assauts. Ces assauts sont venus de gouvernements de droite : traditionnellement, pour les uns, sous le prétexte de la liberté d’enseignement, principe de valeur constitutionnelle ; plus récemment, pour d’autres et au vrai pour la plupart, dans le cadre de la marchandisation des services dans lesquels la tentation est grande d’inclure tout ce qui dans l’éducation peut être source de profits. Mais ils sont aussi venus de gouvernements de gauche, peu vigilants sur la sauvegarde de quelques piliers de la République et précisément de celui-ci. 

 

Voyons cela de plus près. Nous considérons que le service public d’éducation, à valeur constitutionnelle, comme obligation de l’Etat, n’a pas été défendu comme il aurait dû l’être par nos représentants, en particulier dans les instances européennes. Lorsque Luc Ferry, ministre de M. Raffarin, s’est laissé aller à dire que l’éducation nationale était une fonction régalienne, ce qui nous paraît juste puisque ses missions consistent entre autres à former des citoyens, il a commis une erreur d’appréciation sur l’état actuel de la jurisprudence européenne et donc de la réalité politique. Pour comprendre si un service public à valeur constitutionnelle est à l’abri d’empiètements des juges européens, il faut prendre en considération l’un des fondements de la fonction publique qui a été volontairement délaissé par nos représentants dans les vingt dernières années : la clause de nationalité. 

 

La clause de nationalité est légitimée par le désir de l’Etat d’être assuré de la loyauté de ses fonctionnaires ; le traité de Rome en 1957 prévoyait la libre circulation des travailleurs mais l’article 48, §4 en excluait « les emplois de l’administration publique ». C’est ce que ne purent supporter les partisans d’un intégration renforcée mais qui pour autant ne se sentaient pas en position de force pour engager le débat avec les opinions publiques ou si l’on préfère les électeurs et citoyens des pays constitutifs de l’Union. Ils eurent donc recours à ce qu’on a depuis appelé la « dérive jurisprudentielle », en faisant jouer à la Cour de Justice européenne un rôle politique car pesant sur l’organisation constitutionnelle interne des états membres. Les deux arrêts clefs de la CJCE[1] sont ceux du 17 décembre 1980 et du 26 mai 1982. Ils expriment une conception restrictive de la notion « d’emplois de l’administration publique » en les définissant comme ceux qui comportent «  une participation directe ou indirecte à l’exercice de la puissance publique ». L’Etat français n’émit pas de réserve sur un empiètement aussi manifeste de la part d’un corps judicaire international sur ses propres prérogatives  de souveraineté. Ce n’est qu’au Sénat que furent évoquées ces questions primordiales touchant finalement à la nature du lien entre les élus et les citoyens ; d’abord par une question préalable de Charles Lederman, lors de la discussion de la loi d’ouverture de la fonction publique, ensuite par Maurice Schumann qui déclara à propos de l’arrêt du 17 décembre 1980 que la CJCE avait par son interprétation nouvelle procédé de fait à une révision du traité fondateur  de 1957 : «  il s’agit de ce que l’on appelle tant en philosophie qu’en droit, saltus mortalis par-dessus la logique et par dessus la lettre d’un traité » (JO, débats Sénat, séance du 25 avril 1991). 

 

Comme le rappelle Ramu de Bellescize (Les services publics constitutionnels, LGDJ, 2005), « les effets de sa suppression (de la clause de nationalité) dépassent le stade d’une réforme dont le seul but serait de faciliter la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne. La réforme comporte indéniablement un aspect idéologique ». C’est bien le plus préoccupant dans la manière dont sont abordées les questions européennes : toujours de manière biaisée, comme si le peuple souverain n’était pas majeur. En 1991, le Conseil constitutionnel valida la loi en s’appuyant sur un raisonnement qui précisait que l’exercice de prérogative de puissance publique impliquait l’exercice du pouvoir de contrainte, que la clause de nationalité n’était pas supprimée, qu’il lui était seulement apportée une dérogation au profit des ressortissants de la communauté économique européenne, et uniquement pour les corps, cadres d’emplois et emplois dont les attributions étaient séparables de l’exercice de la souveraineté (cf Ramu de Bellescize, op .cit. et JO du 25 juillet 1991, CC 91-293, DC du 23 juillet 1991). 

 

Moyennant quoi 80 % des emplois de la fonction publique d’Etat sont présumés hors de l’administration publique et ce cataclysme institutionnel a été soigneusement occulté, car il s’inscrit dans une volonté de liquider le service public d’Etat. Bien entendu, dans la logique de tels errements, le gouvernement Rocard, en 1991, au lieu de réaffirmer que l’instruction d’un élève est une tâche fondamentale de l’Etat et pour l’exercice de la souveraineté nationale, laissa filer une des bases de la légitimité du lien entre le citoyen et les institutions, lien que celui-ci est censé valider par ses suffrages périodiques. Tandis que lors de l’élaboration de la loi de 1983 sur la fonction publique, la clause de nationalité allait de soi au point de ne pas susciter de débat. Il nous semble étonnant qu’à l’occasion de déclarations récentes sur le rôle de l’Ecole, le respect dû aux règles et les rapports avec une jeunesse en déshérence, ces péripéties oubliées d’une réforme en tapinois de l’Etat n’aient pas été rappelées. 

 

 

Dans un cadre ainsi bouleversé mais dont les gestionnaires des services publics sont, du moins ceux investis de pouvoirs de décision, parfaitement conscients et adeptes enthousiastes, il est naturel que l’opinion publique soit soumise à un flot de publications et de commentaires fort éloignés de ces questions essentielles sur la nature même des missions, du rôle social et de la place structurante du service public d’éducation. 

 

On peut trouver là l’origine de la diffusion de discours dépréciatifs et critiques, qui oscillent entre l’élitisme passéiste et un modernisme pédagogiste, comme leurres commodes. D’un côté le regret de l’école d’avant, où l’on savait ce qu’était la discipline, où l’on enseignait la morale, où l’on apprenait à lire selon la bonne vieille méthode du B-A,BA, dont sortaient des élèves qui ne faisaient pas de fautes d’orthographe, dans laquelle on faisait des  compositions et où le niveau était plus élevé… : une vision très « IIIe République », du temps d’une école publique mythifiée et idéalisée, dont la création est un acquis historique fondamental, mais qui est en fait celle d’avant la massification et qui excluait les classes populaires de l’accès au secondaire. Une vision qui touche d’autant plus que c’est encore, pour beaucoup de nos concitoyens nés avant 1960, l’école de leur jeunesse et de leur bagage intellectuel : des choses que l’on ne remet pas en cause facilement. 

 

D’un autre côté, le rejet du « conservatisme » de l’Education nationale et des professeurs, qui refusent l’innovation pédagogique, qui ne changent pas leurs méthodes, qui brident la créativité des enfants et ne tiennent pas compte de leurs besoins, qui ne veulent pas s’adapter à leurs élèves, qui restent fermés au monde extérieur et à l’avis des parents, qui ne travaillent pas assez et qui ne restent pas assez longtemps dans leurs établissements… Une critique qui se répand d’autant plus qu’elle est facile, qu’elle évite de s’intéresser à la réalité, plus complexe, d’une école et d’un enseignement qui ont considérablement évolué, et qu’elle sonne progressiste tout en flattant les instincts les plus bas contre la fonction publique. 

 

De tels discours sont construits, à l’origine, par des organisations syndicales d’enseignants plus ou moins minoritaires (le SNALC pour la droite passéiste, le SE-UNSA et surtout le SGEN-CFDT pour la gauche pédagogiste), des figures intellectuelles plus ou moins médiatiques (Finkielkraut pour les passéistes, Dubet pour les « modernes »), plus ou moins « politiques » (dont l’archétype fut Claude Allègre), des « experts » ou des technocrates. 

 

M. Thélot nous paraît être une illustration de ces producteurs de discours qui négligent la dimension institutionnelle. C’est lui qui dirigea la rédaction du rapport sur l’Ecole, à la commande du ministre François Fillon (sous le gouvernement Raffarin), dont les conclusions ne correspondaient pas aux attentes et aux revendications qui s’étaient exprimées dans les débats, menés dans les établissements scolaires et sensés pourtant servir d’inspiration : par exemple, l’expression du besoin d’un effort budgétaire accru pour l’Education nationale était par avance (mais on s’en doutait) écartée. Sans grande référence politique ou doctrinale, ces discours sont relayés dans les grands partis et les médias sans correspondre vraiment au clivage droite/gauche. Ils se transmettent ensuite de façon plus ou moins caricaturale dans une partie de l’opinion et se mélangent souvent dans les esprits. 

 

Entre les deux, il est parfois difficile de construire un projet authentiquement progressiste, qui parte des réalités, des pratiques et des vécus (des enseignants comme des élèves) divers et complexes de l’école et qui cherche à les mettre en perspective dans une approche vraiment politique. Il est révélateur que ce soit la FSU, syndicat majoritaire et le plus représentatif des enseignants, le mieux à même et le plus décidé à avoir une telle approche (malgré ses limites et ses hésitations), qui subisse les attaques les plus dures des passéistes élitistes comme des pédagogistes.

  

Face à une école publique menacée, ne pas reculer sur  l’exigence de service public.

  

Il est alors facile pour une autre rhétorique et une autre politique de s’imposer, portées par la droite (mais présentes aussi dans une partie de la gauche). Elles tournent autour de deux principes, détournés à des fins anti-sociales : l’individualisation et l’égalité des chances.

 

D’une part, l’Ecole devrait ressembler à un service individuel permettant aux élèves d’accumuler le « capital humain », nécessaire à l’insertion dans le marché du travail et dans la société de la connaissance. En sachant bien sûr, qu’une partie d’entre eux (dont on ne peut guère douter du milieu social et de l’origine) verra ses ambitions réduites à la maîtrise d’un « socle commun » (selon les termes de la loi Fillon-Robien) minimaliste et à des « compétences comportementales » (l’expression est dans le rapport Thélot). C’est à la fois un recul historique et un renoncement à une conception égalitaire de l’école. Les jeunes concernés devraient ensuite occuper, docilement, les emplois les plus déqualifiés. Emplois pour lesquels ils seront de toute façon en surnombre. Mais cela n’a pas d’importance quand sont menées, par ailleurs, des politiques néolibérales qui ne visent plus le plein emploi. 

 

D’autre part, les inégalités scolaires, qui mènent aussi à l’« échec scolaire » (que personne ne définit précisément) sont expliquées par des facteurs individuels ou familiaux. La dimension sociale de ces inégalités est écartée ou mise au second plan. Cela facilite l’action et la communication de ceux qui, à droite, veulent conserver l’ordre établi ou ceux qui, à gauche, ont  renoncé à la transformation sociale. Pourtant, les parcours scolaires dépendent d’abord de l’environnement socio-économique de leurs écoles et des dispositions acquises par les jeunes, qui sont beaucoup plus complexes. Elles résultent de déterminismes sociaux (le milieu socioculturel), du bain « culturel » familial aux aspects les plus matériels (les conditions de vie à la maison), de la valorisation du savoir (lui-même lié à l’environnement social) et de relations humaines (influant ou non dans le bon sens). Mais il est plus facile de renvoyer la culpabilité de l’échec aux élèves, aux familles et aux maîtres qu’à la société, à la montée globale des inégalités ou aux politiques… néolibérales.  

 

 

 

Pour fonder d’un point de vue théorique l’individualisation, il faut bien alors revenir sur ce qu’est originellement l’égalité dans la République : l’égalité en droits. L’égalité des chances lui est substituée. C’est ce qu’a illustré Jacques Chirac lors de son allocution télévisée du 14 novembre 2005, dans sa navrante réponse aux émeutes des banlieues de l’automne 2005, déclarant : « Le devoir de la République, c'est d'offrir partout et à chacun les mêmes chances. » Alors que le premier devoir de la République, c’est de garantir l’égalité des droits et sa réalité, dans les faits. La théorisation de l’égalité des chances n’est qu’une façon secondaire et plus ou moins libérale, d’adapter ce passage de l’égalité de droit à l’égalité de fait. Dans une société parfaite, elle pourrait être discutable. Mais dans la société réelle, inégalitaire, le concept d’égalité des chances n’est pas opératoire, puisque de fait les élèves ne partent pas avec les mêmes chances et il ne suffit pas de leur donner les mêmes « opportunités » pour qu’ils puissent réussir. 

 

Par ce concept, on dérive facilement sur l’idée que si l’on a eu sa « chance », on a ensuite ce que l’on « mérite » : toutes les inégalités sont justifiées voire moralisées. L’Ecole n’est plus un service public, pour lequel l’Etat doit tout faire pour que tous en profitent également. C’est une sorte de service universel minimum, qui ne doit pas avoir les mêmes ambitions pour tous, mais seulement ouvrir des établissements gratuits. Si l’on y échoue, tant pis pour soi. Il ne reste alors à l’Ecole que son rôle de sélection. A l’opposé, ces termes issus du projet Langevin-Wallon, centré sur le principe de justice et élaboré à la Libération en 1945-1946, dans l’esprit rénovateur qui animait le CNR (Conseil national de la Résistance), nous semblent indépassables, en tout cas indépassés car correspondant à des objectifs qui n’ont jamais été atteints : «L’enseignement doit donc offrir à tous d’égales possibilités de développement, ouvrir à tous l’accès à la culture, se démocratiser moins par une sélection qui éloigne du peuple les plus doués que par une élévation continue du niveau culturel de l’ensemble de la Nation ». L’éducation n’est pas une chance, mais un droit : un droit à l’épanouissement intellectuel et à un développement individuel complet. Et un droit ne se mérite pas. Avec le thème de l’égalité des chances, on arrive vite à tuer le principe d’égalité réelle des droits ou celui d’égalité tout court. 

  

L’utilisation des termes de « motivation », de « goûts », de « capacités » ou de « talents » des élèves, sous-entendus inégaux, vient ensuite expliquer les inégalités scolaires. L’éducation nationale, qui serait trop uniforme, devrait les accepter, les reconnaître et les sanctionner par les diplômes plutôt que de penser à l’égalité, à l’élévation générale du niveau et des qualifications. Comme si la motivation, les goûts et les capacités étaient des données naturelles, alors qu’elles sont liées à l’environnement économique, social et culturel.  

 

L’argumentation sur la prétendue uniformité ou rigidité du système est en outre une supercherie. Avec les créations des voies professionnelles et technologiques, le système scolaire s’est considérablement diversifié au niveau du lycée, à partir de l’âge auquel on pense raisonnablement que les élèves peuvent choisir une orientation. Et si les inégalités sociales s’accroissent à l’école, c’est d’abord à cause d’une tendance à l’éclatement du système scolaire et non de son uniformité. Cette tendance est due à l’approfondissement des fractures sociales et urbaines, aux détournements de la carte scolaire et à l’évitement des établissements mal réputés. Les élèves les plus en difficulté se concentrent dans les mêmes lieux. En outre, pour limiter le départ des meilleurs élèves, des classes homogènes de niveau sont souvent créées dans les collèges, renforçant les différences entre élèves. C’est d’abord cette inégalité entre établissements qu’il faut combattre, au lieu de s’en servir pour prouver que chaque établissement et chaque individu devrait avoir des solutions propres. Mais c’est bien l’habitude de ceux qui ne remettent pas en cause les inégalités sociales et scolaires, que de les entériner telles qu’elles se présentent. 

 

 

Ainsi, la droite a accéléré une politique, à l’œuvre dans une série de mesures, qui vise toujours à réduire les ambitions du service public scolaire et l’effort budgétaire qui lui est consacré. Tout d’abord, il s’agit de réduire le rôle de l’Etat comme garant, grâce à la fonction publique, d’un service également profitable pour tous les individus et sur tout le territoire : un service de même nature et de même qualité partout et pour tous. La décentralisation (relancée par le gouvernement Raffarin en 2003) et « l’autonomie » des établissements scolaires sont les instruments de ce recul organisé. 

 

Dans cette logique, qui sous-tend la loi Fillon-Robien, les établissements scolaires seraient autonomes, c’est-à-dire tributaires de leurs « projets » et définissant des « objectifs » pour obtenir des moyens. Comme si le projet éducatif, dans le cadre du service public, ne devait pas être identique et donc également unique dans tout le pays, à moins de reconnaître que les établissements scolaires n’ont pas à rendre le même service suivant les élèves qu’ils accueillent… On devine qui seraient les perdants dans ce cadre. Quant aux personnels enseignants, ils sont de plus en plus dépendants de leurs hiérarchies administratives locales (chefs d’établissement et autorités rectorales) pour leur carrière (avancement, promotions et mutations). Sans parler des autres personnels présents dans les établissements qui sont maintenant « décentralisés » comme si leurs missions ne participaient pas à la qualité du service public d’éducation : ainsi des  93 000 TOS, chargés de l’entretien des établissements. Leurs fonctions auraient-elles des spécificités locales ? 

 

En somme, on voit comment est préparée et réalisée, avec continuité, une gestion managériale et concurrentielle, comme privatisée, de l’école : des établissements déliés des ambitions collectives, dans lesquels toujours plus de personnels et donc de missions sont abandonnés par l’Etat, qui ont leurs propres projets et objectifs, décidés par des hiérarchies administratives intermédiaires. Ces hiérarchies (d’abord celles des principaux et des proviseurs) sont renforcées dans leurs attributions et leur pouvoir sur les professeurs, y compris dans le domaine pédagogique. Ce qui est aussi d’ailleurs une façon, utilisée continûment depuis  plusieurs décennies, de dévaloriser la fonction enseignante, d’abord de manière relative, ensuite de manière absolue. L’une des caractéristiques de la dimension « collégiale » de la gestion des lycées et des collèges tenait au fait que les chefs d’établissement étaient issus des corps de professeurs et n’avaient donc aucune différence de qualification reconnue avec eux ; si cette réalité dans la qualification originelle des principaux et proviseurs subsiste, elle a été cependant largement compensée dans la gestion de la carrière ou dans les avantages attachés à ces fonctions et le décalage dans les conditions de rémunération et dans la place sociale est donc plus visible. 

 

C’est l’opposé de ce que sont le principe, l’organisation et l’idéal d’un service public, car ils sont fondamentalement liés aux principes républicains d’égalité des droits, d’unité et d’indivisibilité du territoire. C’est la nation souveraine qui définit sa mission : un projet et des objectifs collectifs. La hiérarchie administrative et les pouvoirs territoriaux ne sont que des rouages qui concourent à l’application de cette mission. La fonction publique repose sur la fidélité à cette mission et la qualité de son recrutement. Les fonctionnaires doivent travailler, non pas en visant des buts particuliers à leur lieu d’exercice, ni pour obéir aux objectifs de leur hiérarchie (ni même à ceux qu’ils auraient établis) mais pour remplir la mission, que l’Etat, au nom de la nation souveraine leur a confiée. En pratique ensuite, leur haut niveau de qualification doit leur permettre de s’adapter à leurs conditions d’exercice, c’est-à-dire dans le cas des enseignants à leurs élèves, leurs classes et leurs établissements : il s’agit de méthodes (éducatives et pédagogiques), et non des objectifs ou des projets propres.  

 

Avec l’abandon des références théoriques du service public, il s’agit ensuite de réduire son financement par l’Etat. L’éducation, première dépense de l’Etat est alors particulièrement visée et on voit comment, depuis 2002, les postes de professeurs et de personnel de vie scolaire sont massivement et systématiquement réduits. Des déguisements pédagogiques, justifiés par l’individualisation et l’égalité des chances, sont sensés cacher cela : parcours personnalisés pour des élèves que l’on cherche à occuper plus qu’à éduquer, avant que l’on arrive aux « contrats » passés avec les élèves en difficulté prévus par la loi Fillon-Robien ; création par cette même loi de collèges « ambition réussite » disposant de moyens supplémentaires, dérisoires face à leurs difficultés et pris sur d’autres établissements classés en ZEP[2] ; mesures de discrimination positive pour qu’une infime minorité des élèves issus des ZEP aient accès aux grandes écoles, pour que cela serve d’alibi à l’existence d’un système élitiste dont il serait enfin temps de se débarrasser… 

 

La loi Borloo (dite sur « l’égalité des chances » justement) a même avancé l’âge d’entrée en apprentissage à 14 ans. Ce qui est un contresens complet, quand on pense aux besoins de qualification que nécessite la société de la connaissance et quand on connaît le profil des élèves visés, en rupture avec la société en général, ne s’intégrant pas souvent mieux dans les entreprises qu’à l’école. Les propositions récentes de Ségolène Royal, prétendant pourtant représenter le PS aux élections présidentielles, sur le traitement de la primo-délinquance participent de cette logique : placement « des élèves qui perturbent la vie scolaire » dans des « internats-relais de proximité », puis à partir de 16 ans, « au premier acte de délinquance » dans « des établissements à encadrement militaire ».[3] Autant dire que l’on renonce au pari de l’éducabilité au sein de l’école d’abord, de tous les jeunes et que l’on sortira ces élèves de leurs collèges pour ne pas rechercher des solutions éducatives à leurs difficultés : elles coûteraient sans doute trop cher… Autant avouer que l’on cherche à séduire une partie des classes moyennes, qui attendraient seulement que l’on ne mélange pas leurs enfants avec ceux des classes populaires, comme si aucun discours progressiste sur l’intérêt général ne pouvait les toucher, contrairement à ce qu’a prouvé l’histoire de notre pays et de notre peuple. Le PS n’a pas à se mêler à ce jeu, auquel d’ailleurs il perd souvent, à moins de renier tout attachement à la démocratisation et toute confiance dans la conscience politique de nos concitoyens. Il lui revient, avec toute la gauche, d’assumer une politique fiscale égalitaire, permettant de financer les adaptations nécessaires de l’école : pour le travail en groupes réduits, pour l’encadrement et le suivi des élèves qui posent problème. La gauche au pouvoir ne pourra mener aucune action sociale d’envergure en abandonnant l’idéal du service public. 

 

Pour une droite débridée, qui veut, elle, remettre en cause cet idéal du service public et donc de l’école républicaine, il est logique d’organiser le recul du statut des professeurs (en matière de retraites, de salaires, de garanties de carrière…) et de revenir sur leur niveau de qualification. Les choses sont liées : une école minimale n’a pas besoin d’un effort budgétaire et de formation des maîtres élevés  et des personnels moins formés coûteront moins tout en revendiquant moins pour leur reconnaissance. On voit par exemple (toujours avec la loi Fillon-Robien), la bivalence réintroduite dans le secondaire, avec des professeurs pouvant enseigner une deuxième matière, après avoir passé une certification complémentaire sommaire : un retour en arrière de presque 40 ans (c’est en 1969 qu’avait été décidé le recrutement des PEGC[4]). Cette bivalence sera réintroduite d’abord dans les établissements les plus en difficulté (les fameux collèges « ambition réussite ») : bel aveu de ce que pense la droite des jeunes de ces collèges, à qui l’on pourrait réserver des professeurs moins qualifiés dans les matières qu’ils enseignent. Ce qui est également regrettable, c’est que cette idée puisse être admise dans les rangs d’un grand parti de gauche, le PS même, par souci d’économie budgétaire, de proximité syndicale (certains syndicats y étant favorables) ou par contamination de l’exemple d’autres pays européens, dont on se garde bien d’étudier les autres caractéristiques du service public d’éducation. 

 

 

Enfin, pour légitimer leurs réformes aux yeux de l’opinion, tous les refondateurs libéraux et réactionnaires de l’école développent une propagande catastrophiste et « décliniste ». Sans mettre en évidence leurs propres références théoriques, ils reprochent à leurs détracteurs de refuser l’adaptation à la réalité et à la diversité des situations individuelles et locales et présentent les échecs de l’école publique comme des erreurs de principe. L’école souffrirait ainsi d’un excès d’ambition démocratique. Face à un peuple français attaché à « son » école, les politiques qu’ils préconisent sont présentées comme des remèdes indispensables aux blocages du système scolaire. Alors que ces politiques, qui rompent avec la logique de la démocratisation et de l’égalité, aggravent ou créent les difficultés de l’école : des politiques conçues pour s’opposer à un traitement global des inégalités scolaires ; des politiques qui cherchent à diminuer les dépenses publiques éducatives, trop onéreuses pour l’orthodoxie budgétaire libérale. 

Ce n’est pas le fait du hasard si l’on constate que ces blocages du système éducatif ont lieu depuis que la dépense intérieure d’éducation (DIE) a cessé d’augmenter : la part de la richesse nationale consacrée à l’éducation stagne depuis 1993 (autour des 7%). C’est justement depuis 1995, par exemple, que le pourcentage de bacheliers ne décolle plus des 62-63% et que le nombre de jeunes sortants de l’école sans qualification (environ 100 000) ne diminue plus. Certes liée à l’effet mécanique de la croissance du PIB, cette stagnation révèle surtout que l’effort national pour l’éducation, la répartition et la redistribution des richesses vers l’éducation, n’ont plus été à la hauteur des enjeux de notre temps : la montée des inégalités et la nécessaire adaptation à l’économie de la connaissance. 

 

Si l’on veut proposer des alternatives à l’argumentation libérale et réactionnaire sur l’Ecole, tout en répondant à une situation qui n’est pas satisfaisante, il faut bien aborder l’Ecole à travers son caractère institutionnel, de service public, lié aux principes républicains, puisque c’est cela qui est remis en cause. Montrons qu’au lieu d’en adapter les missions en les éclatant localement et suivant les individus, il faut redéfinir les missions de l’école globalement, pour l’adapter à tous et répondre à des ambitions collectives. Ensuite seulement, le traitement social des inégalités scolaires doit reposer sur des bases territoriales, en fonction de l’environnement socio-économique des établissements scolaires.

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