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Brèves

 

 

 

13 janvier: Cabu


Jean Cabut aurait eu aujourd'hui 13 janvier, 77 ans... L'âge limite pour lire Tintin. Son assassinat a donné lieu, c'était prévisible, à un festival d'impostures, dont la présence à la manifestation "républicaine" du 11 janvier à Paris, d'authentiques fascistes obscurantistes dans les délégations des chefs d'Etat de et de gouvernements. Gageons qu'il en eût ri.


07 janvier: Charlie Hebdo


Des fanatiques islamistes sociopathes, pardon pour le pléonasme, massacrent la rédaction de Charlie Hebdo. Il n'est pas évident que les conditions de sécurité autour de C.H. aient été à la hauteur des menaces connues qui pesaient contre cet hebdomadaire, ni que les forces de sécurité en France disposent des effectifs, des équipements et des moyens à hauteur suffisante. Pour l'heure la classe "politique", surfant sur une émotion  populaire réelle, joue, avec des couacs, l'Union nationale. Sans une réorientation des priorités et des choix budgétaires (cf. le communiqué de la FSU 13), il est douteux que cela soit, à soi seul, la bonne réponse.


20 décembre: Goldman Sachs

 

La banque américaine dont le management devrait être en prison si une quelconque justice existait, a fait une année formidable en intervenant à elle seule dans  35 % des fusions acquisitions; rappelons que cette opération juridico-financière ne crée aucun emploi, a même plutôt tendance à en supprimer et n'enrichit qu'une poignée d'actionnaires et un management intéressé. C'est cela la finance. Lisez Le capital fictif de Cédric Durand  aux éditions Les prairies ordinaires.

6 novembre: Abdelwahab Meddeb.

Intellectuel tunisien, porteur des Lumières et démocrate: "Son œuvre s'inscrira dans la longue lignée de ceux qui ont voulu placer la Tunisie dans le sillage des Lumières modernes, sans renier le lien qui la rattache à la civilisation de l'islam. Son dernier acte d'écriture aura été le geste d'un retour sur soi : Le Portrait du poète en soufi (Belin, 192 pages, 19  euros) paru quelques jours avant sa mort. Tous ceux qui l'ont connu garderont le souvenir d'une belle présence généreuse dans l'amitié et exigeante pour la pensée."

Fethi Benslama

 

Psychanalyste, professeur

à l'université Paris-diderot

22 octobre: Christophe de Margerie meurt, accident d'avion...

 Socialisme: Dénomination de diverses doctrines économiques, sociales et politiques condamnant la propriété privée des moyens de production et d'échange (Petit Larousse). 

Au moment où, alors que la nationalisation des autoroutes pourrait être envisagée d'après l'étude d'un cabinet aussi sérieux que n'importe quelle agence de notation, malgré le coût des indemnisations, pour assurer des ressources régulières à l'Etat, le gouvernement préfèrerait tuer une autre poule aux oeufs d'or en privatisant la FDJ!
Sabotage délibéré de l'intérêt général ou incompétence absolue?
Bref comme le propose Valls il faut enlever le mot socialiste d'une telle politique et d'un tel parti... Il y aura bien quelqu'un pour garder la vieille maison et un référentiel "passéiste" comme dit l'homme, qui voulait déjà débaptiser le PS avait d'être seulement ministre, mais encore cohérent!

En fait il n'y a pas plus passéiste que le droit de propriété et la direction d'une entreprise, comme les larmes de crocodile lors de l'accident de C.de M. , seul dans le Falcon avec 3 membres d'équipage, ont tenté de le faire oublier au populo !!

 14 octobre: des millionnaires toujours plus nombreux


Mi 2014 il y aurait donc, d'après le Crédit Suisse, 35 millions de millionnaires en dollars sur la planète soit 1 terrien sur 200 avec un patrimoine moyen par adulte de 56 000 $. Les moyennes ont ceci d'excellent: elles gomment les écarts et alors que ceux ci se creusent, les "classes moyennes" inférieures peuvent croire à leur survie!


08 septembre: Martine Aubry, le retour?


"On n'a pas besoin d'aider les banques (…) qui ne sont pas dans la concurrence internationale - ni - les entreprises qui préfèrent verser l'argent que leur a donné l'Etat pour donner des dividendes plus importants (…) au lieu d'investir dans l'avenir, l'emploi et la formation ".

 

02 septembre: la rentrée et les vérités premières!

Le retard scolaire à l’entrée en 6e : plus fréquent dans les territoires les plus défavorisés ( Insee)

 

25 août: Démission du gouvernement


Après les discours de la St Barthélémy de Frangy, Valls présente la démission de son gouvernement à la St Louis Roi ! Y voir une quelconque dimension symbolique reviendrait à confondre un ambitieux sans doctrine avérée à un homme d'Etat,  ou  un réformateur avec un liquidateur. Grâce au ciel, il a plu sur l'île de Sein.

 

31 juillet: Louis de Funès aurait 100 ans

 

Naître le jour de l'assassinat de Jaurès n'a pas marqué sa carrière et c'est tant mieux.

Il est vrai que le 31 juillet, c'est aussi la fête d'Ignace de Loyola. Les jésuites ont la réputation d'être cultivés, nos politiciens beaucoup moins mais ils ont généralement à coeur d'utiliser les méthodes souterraines que la voix populaire a souvent attribuées à la Compagnie.


 17 juillet: Debray et l'Occident

 

"(...) La France républicaine ayant renoncé à son système de valeurs et à son autonomie diplomatique, elle a réintégré les commandements de l'OTAN, décision anecdotique mais symbolique du président gallo-ricain Sarkozy, entérinée par son sosie Hollande. Et nous voilà de retour dans " la famille occidentale ". La double mort historique de Jaurès et de De Gaulle a donné à cette abdication le sens d'un retour à la normale".  Régis Debray, Le Monde daté du 18 juillet 2014.

 

 

25 juin: Anniversaires


Michaël Jackson, il y a 5 ans. Michel Foucault 30 ans après. En voilà deux qui auraient certainement eu des choses à se dire.

 

23 juin: Avignon...

 

 

24 mai: Demain l'Europe sociale...


Demain, vote pour le renouvellement du Parlement de l'UE. Un certain nombre de crétins ou de faux-culs (cumul possible...) s'étonnent du peu d'enthousiasme des électeurs.

Il est écrit dans le traité de Lisbonne que " l'Union reconnaît et promeut le rôle des partenaires sociaux à son niveau, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux. Elle facilite le dialogue entre eux dans le respect de leur autonomie ". Y a plus qu'à...

Ce n'est pas le vote (moins de 50 députés (39 ?)  en séance sur la proposition de loi du FdG, obligé de voter contre son propre texte vidé en partie de substance par des amendements de la majorité...) ni la négociation TAFTA qui peuvent redonner confiance aux électeurs.


8 mai: Chatons


Condamnés à de la prison ferme (pour avoir maltraité) ou avec sursis (le chaton est mort), la justice française fonctionne toujours aussi bizarement: délocaliser une entreprise au nom du droit de propriété et du profit n'est pas punissable par la loi, même quand ce droit de propriété s'exerce nonobstant l'intérêt général, les aides reçues, les dégrèvements fiscaux etc... avec des dommages collatérauxet des conséquences sociales indéniables.

La sanctuarisation du droit au travail et du droit du travail ne préoccupe ni les parlementaires, ni les chats fourrés...Quant au Conseil Constitutionnel...

 

16 avril


Une semaine après, la mort de Jacques Servier à 92 ans le jeudi 10 avril, est annoncée. Comme prévu le procès du Mediator se fera sans lui! La vitesse de la justice est assez variable en France.


22 mars ou l'espoir!


C'est toujours un anniversaire... On ne sait plus de quoi. A en croire le Nouvel Obs., vendu par son fondateur, les satellites espions US ou Chinois (mais oui, déjà!) pourraient repérer l'épave engloutie du Boeing 777, mais ce serait avouer un peu plus du manque de respect qu'ils professent à l'égard du reste de la planète. Alors on dépense du pétrole pour les bateaux et les avions de reconnaissance. En plus, ils se moquent du réchauffement climatique et du gaspillage d'énergie!

Cela n'empêche pas les media de parler d'espoir à l'idée de découvrir enfin où etc... Quel espoir? 


16 janvier


La vie privée de Hollande:

Ce qu'on doit retenir de la conférence de presse du 14 janvier, ce n'est pas que FH est social-démocrate ( qu'est-ce qu'un social-démocrate sans doctrine explicite ou qui serait celle de l'idéologie dominante ? ) car on sait, au plus tard depuis l'utilisation de l'expression "le socialisme de l'offre", que le mot socialiste avec lui n'a aucun sens. Ce qui a sauté aux yeux de tous ceux qui ne sont pas des courtisans, c'est un exemple parfait de goujaterie égoïste dépourvue de toute grandeur d'âme.


2 janvier 2014


Présent dans le voyage en Arabie avec le PR, Antoine Frérot, pdg de Véolia ( dont par ailleurs les syndicats, CFDT comprise, réclament la démission vu la stratégie de démantèlement qu'ils lui reprochent), expliquant l'absence de signature de méga-contrats : "l'économie, ça ne fonctionne pas à la nano-seconde, c'est un processus continu..." Sans doute, mais l'ennui, c'est que la "finance", elle, fonctionne ainsi, comme le prouve précisément la stratégie qu'il conduit!

 

9 décembre

 

Anniversaire de la loi de 1905 séparant les églises et l'Etat, après une mobilsation de la droite pas très différente dans sa forme  de celles que nous avons connues lors du vote de la loi sur l'ivg, le pacs ou le mariage pour tous. La droite n'a jamais vraiment admis le principe de laïcité et continue de confondre sacrement et contrat, science et foi... LA droite? Une bonne partie est sans religion mais continue d'y voir un opium du peuple, très utile pour  distraire de son affairisme ou de sa corruption.

Le 9 décembre 1777 le bon roi Louis XVI rétablissait les monts de piété, supprimés pendant le gouvernement de Mazarin pour complaire aux usuriers; cela, du moins, nous avait valu "l'Avare"!


22 novembre 1963


Aldous Huxley meurt à Los Angeles. La suite a prouvé que c'était malgré tout un optimiste. Nul n'a trouvé de lien entre sa mort et celle de JFK que son assassinat a fait rentrer dans la mythologie politique.


Valls et Léonarda 19.10


Il paraît que le ministre aurait menacé de démissionner si la jeune collégienne revenait en France. Un homme d'Etat l'eût pris au mot.

L'expulsion est une manie qui se soigne; rappelons que ce gouvernement s'est déshonoré d'entrée en livrant Aurore Martin à l'Espagne ( dont elle est ressortie) alors que ce dont elle est accusée dans ce pays étranger n'est pas incriminable dans le pays dont elle est citoyenne. Inconscience et incohérence des Français abusés de toutes parts... 

 

Edith Piaf et Jean Cocteau 10.10


Morts à quelques heures . Du talent, une vie remplie... Un demi-siècle passé...


32 ème anniversaire 09.10


Extrait d'un article de Nicolas Truong dans Le Monde d'aujourd'hui ouvrant les pages consacrées par ce quotidien à l'abolition : "Il n'empêche, au moment où le national-populisme se déclare favorable à son rétablissement, la parution de cette déposition faite à elle-même de Monique Mabelly est édifiante. Alors que la 11e Journée mondiale contre la peine de mort a lieu le 10 octobre, ce texte est un rappel utile. Car " qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ? ", écrivait Albert Camus."

 

Merkel 23. 09


Ok, ce n'est même pas son nom, ce qui prouve que les électeurs allemands ne sont pas si réacs dans toutes les cases du jeu social. La presse française est, comme d'habitude, d'une stupidité confondante en parlant de "triomphe"!

La Bundeskanzlerin n'a pas la majorité avec les seules CDU/CSU. autrement dit si elle a fait un triomphe, que dire de Hollande qui en 2012 n'avait pas mathématiquement besoin d'alliés pour gouverner. Il est vrai qu'à voir comment votent certains élus du PS, on peut tout de même s'interroger sur la solidité du parti!


Retraites 10.09 


Le Monde qui n'aime les syndicats que lorsqu'ils sont "réformistes", mais comme de fait ils le sont tous, cela signifie pour cet organe de presse, prêts  "à négocier le poids des chaînes"et à suivre l'idéologie dominante, écrit dans la Check-list de son site LeMonde.fr (11.09): "Retraites: mobilisation plutôt réussie". On saluera cette quasi objectivité... et cette lueur d'optimisme sur les capacités du mouvement social à peser dans un débat que certains, au nom de TINA (There is ...), voudraient unilatéral.

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Retraites  30.08

Dans l’Etrange défaite, à laquelle je faisais à l’instant allusion ( C'est L.Mauduit dans Mediapart qui parle), Marc Bloch a ces mots terribles : « Il est bon, il est sain que, dans un pays libre, les philosophies sociales contraires s’affrontent. Il est, dans l’état présent de nos sociétés, inévitable que les diverses classes aient des intérêts opposés et prennent conscience de leurs antagonismes. Le malheur de la patrie commence quand la légitimité de ces heurts n’est pas comprise ».

C’est un peu le malheur de nos socialistes d’aujourd’hui, qui gouvernent la France comme des notaires tristes…

Multiculturalisme 18.08

« Or le multiculturalisme est une fausse réponse au problème, d'une part parce qu'il est une sorte de racisme désavoué, qui respecte l'identité de l'autre mais l'enferme dans son particularisme. C'est une sorte de néocolonialisme qui, à l'inverse du colonialisme classique, "respecte" les communautés, mais du point de vue de sa posture d'universalité. D'autre part, la tolérance multiculturelle est un leurre qui dépolitise le débat public, renvoyant les questions sociales aux questions raciales, les questions économiques aux considérations ethniques. »
Slavo Zizek, Des idées-force pour éviter les impasses de la globalisation, Le Monde, 02/09/11.

Bichat 04.08


Un hôpital sans clim depuis plusieurs jours. La pièce manquante doit venir d'Allemagne. Il paraît que la France a une politique industrielle, que serait-ce sinon! Pendant ce temps les prédateurs du Medef donnent des conseils sous forme d'injonction au gouvernement sur les retraites; que ces misérables fassent d'abord leur travail d'industriels producteurs et qu'ils se taisent ou qu'on les fasse taire; un bon contrôle fiscal devrait suffire.


Islamofascisme 20.06


Le mot est tabou car il est utilisé par la droite identitaire, mais comment mieux traduire la politique répressive d'Erdogan? La Turquie est le pays membre du Conseil de l'Europe où les journalistes emprisonnés sont les plus nombreux, le seul où l'on arrête sans aucune base légale des avocats... La lutte anti- terroriste utilisée contre les libertés fondamentales, dont la laïcité.

 Quels sont les crétins qui dans l'UE veulent encore négocier l'entrée d'un tel régime, car c'est un régime qu'on accepte et qu'on laisse durer et non un peuple libre et souverain.


Ponts 10.05


Les serviteurs habituels du veau d'or évaluent à 2 mds d'€ le manque à gagner pour l'économie lié aux ponts de mai. Cela fait tout de même 40 fois moins que la fraude fiscale!


Renault pleure ? 25.04


 Renault  a perdu des ventes en Europe mais l'action Renault est en hausse de 2,12% à 50,54 euros (soit une capitalisation boursière de 15 milliards d'€ environ). L'action  a gagné plus de 20% depuis le début de l'année, après une montée de plus de 50% en 2012. Cela justifierait-il le chantage à l'emploi que le patron surpayé de la firme exerce à l'égard des salariés du groupe?


 

Le CE privatise la grève...13.04


 Le Conseil d'Etat  a décidé vendredi 12 avril d'autoriser EDF à limiter l'exercice du droit de grève dans ses centrales nucléaires. EDF l'avait fait en 2009 pour éviter l'interruption de l'approvisionnement du pays en électricité, au nom de sa mission de service public. Cette coquecigrue juridique, même si les conseillers ne sont que par abus assimilés à des magistrats, méconnaît le principe de base qui est l'exercice du droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent. On laisse donc l'employeur se substituer à l'autorité instituée. A quoi sert le CE si on privatise ainsi les fonctions de l'Etat?

 

 

Hugo Chavez 05.03


Le président vénézuelien est mort. Les classes populaires ont bénéficié de meilleurs accès à l'instruction et à la santé. Il est certain que les media français vont dire plus de mal que de bien de lui...

 

Stéphane Hessel 27.02


Né en 1917, mort dans la nuit du 26 au 27 février, cet homme à la vie bien remplie meurt couvert d'éloges, même par ceux qui le trouvaient "dérangeant". "Pus loin, plus vite" avait-il dit à François Hollande dans une motion signée avec Pierre Larrouturou pour le dernier congrès du PS. Plus loin, plus vite, mais pas pour complaire aux canailles de Wall street, de la City, du CAC 40, de la Commission de Bruxelles et du Medef réunis , collection de nains avides et arrogants. S'indigner et résister...


D'un 11 février à l'autre 11.02


Bernadette et l'Immaculée conception, la signature des accords du Latran, l'annonce de sa renonciation par Benoît XVI... des 11.02. Normal , c'est la fête de N.-D. de Lourdes... et cette année, la veille de Mardi-gras.


Question 02.02.2013


« Je suis frappé de voir que les intellectuels de gauche d’aujourd’hui cherchent à priver le peuple opprimé non seulement des joies de la connaissance mais aussi des outils de son émancipation en lui annonçant que « le projet des Lumières » est mort et que nous devons abandonner nos illusions de la science et de la rationalité – un message bien trop fait pour réjouir le cœur des puissants, trop heureux de monopoliser ces instruments pour leur seul usage. » 
Noam Chomsky, Science et rationalité.

http://loeildebrutus.over-blog.com/

 

Franco-russe  06.01.2013


C'est bon pour Depardieu...Qui se souvient des entremets du même nom?

 

Oscar Niemeyer 06.12


L'architecte brésilien qui aura le plus marqué son pays est mort  à 104 ans. Par delà son oeuvre et sans doute ceci n'est-il pas étranger à cela, on retiendra ses engagements pour la démocratie. La France a la chance d'avoir accueilli son travail.

 

Euromillions 15.11


Une grosse cagnotte de loto et une vie change. Mais la presse affiche sans commentaire que cette somme représente 19 années de salaire pour Zlatan ,"génie" du foot-ball... et 126 siècles de SMIC!

Et il y a des gens beaucoup plus riches encore que ce nouveau millionnaire chanceux ou ce footeux qui rapporte sans doute beaucoup à quelques parasites sociaux, rouages du système...


Valls et Aurore Martin 05.11


Manuel Valls prétend ne pas avoir à "s'excuser" au sujet de la livraison d'une citoyenne française à un état étranger pour un délit inexistant en France. Cet... n'a pas tort: la trahison des gouvernants français à l'égard de leurs électeurs est plus ancienne que sa nomination  dans un gouvernement dit de gauche; la France n'était nullement tenue d'accepter de livrer ses ressortissants...

 

Islamisme 21.09 (Le Monde)


Là encore, quand on lui fait observer que l'animosité envers l'islam cache parfois mal un racisme pur et simple, Rushdie se cabre : " Je n'ai aucune tolérance à l'égard de la xénophobie et du racisme, que j'ai toujours combattus. Ceux qui s'attaquent aux minorités, aux musulmans ou aux homosexuels, par exemple, doivent être condamnés par la loi. L'islamophobie, c'est autre chose, c'est un mot qui a été inventé récemment pour protéger une communauté, comme si l'islam était une race. Mais l'islam n'est pas une race, c'est une religion, un choix. Et dans une société ouverte, nous devons pouvoir converser librement au sujet des idées. "

 

Neil Armstrong 25.08


Le premier homme sur la lune (20 juillet 1969) est mort. Il est des moyens moins honorables d'atteindre à la notoriété.

Depuis lors les canailles qui dirigent les banques et s'en sont mis plein les poches, ont siphonné le pognon disponible pour ce genre d'aventure et imposé à des politiciens plus ou moins nanifiés des politiques contre leurs peuples!

 

SMIC 09.07

 

Le 1er juillet, le montant du Smic horaire a été revalorisé à 9,40 € (9,22 depuis le 1er janvier), soit un montant mensuel brut de 1 425,70 € sur la base de 151,67 heures, ou de 1 425,67€ sur la base de 35 heures × 52 / 12.

Cette augmentation de la valeur du Smic a pour conséquence d’ « immerger » certains coefficients conventionnels sous le salaire minimum légal.

Arcelor-Mittal 28.06


Magnifique photo de la  tour Arcelor Mittal Orbit construite pour les J.O de Londres... Le patron du groupe métallurgiste a financé 19,6 des 22,7 millions de £ du coût de ce monument de 1400 t et de 115 m de hauteur. Le genre d'info qui doit réjouir les ouvriers de Gandrange... Panem et circenses. Vous avez dit XXI ème siècle?

 


Programme commun 27.06


40 ans aujourd'hui. Certains ont gagné, d'autres ont perdu. Le peuple? Les 93 % de salariés? Les partisans d'un Europe démocratique? Les concepts de liberté, d'égalité et de fraternité? La dignité du citoyen? Bref les "valeurs" dont parlent les politiciens pour éviter de qualifier leur politique? Tous ceux là ont  perdu. Il y a des explications... et il y a des coupables, toujours là, leurs frères, leurs héritiers...


INSEE 20.06


71 % du patrimoine en France dans les mains de 20 % des ménages. Et si on regarde de plus près dans ces 20%, on constatera que l'agglomération de déciles sert surtout à dissimuler de plus grands écarts!



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Texte Libre

Les auteurs

 

Sylvain Bartet (29.01.76) et Jean-Paul Beauquier (02.02.46)  sont tous deux agrégés d’histoire (dans l’académie d’Aix-Marseille), militants syndicaux (FSU), militants politiques (PS) ; ils ont une génération d’écart. Leur travail d’écriture à deux vise à montrer que sur des sujets politiques sérieux, la référence aux origines des concepts de République et de démocratie et l’esprit critique doivent armer les citoyens contre les risques et la prévalence d’une démagogie de l’instant. Bref que l’espoir est possible en politique...

 

Articles RÉCents

20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 10:27

D’accord, cela n’existe pas en France, les courtisans du Parlement, y ont veillé ; et il y a tant d’aspirants à la fonction présidentielle parmi eux ou de quémandeurs de miettes…mais on doit pouvoir trouver une solution !

Passe encore que ce président, élu parce, qu’il n’y avait personne face à lui, ne soit digne de la fonction ni par son style, ni par ses idées.

Passe encore qu’il ignore ou méprise l’histoire de son propre pays et même ses intérêts nationaux.

Passe encore qu’avec un culot d’acier, il ose reprocher à une presse « globalement » compréhensive avec sa politique liquidatrice (en novlangue : réformatrice) de jouer l’opposition.

Passe encore qu’il n’aime ni les professeurs, ni les fonctionnaires, ni les services publics, ni l’intérêt général.

Passe encore qu’il n’ait qu’une très vague idée du sens même de « dialogue social ».

Passe encore qu’il veuille ressouder un électorat hétéroclite confronté pour une partie, la plus nombreuse, à des difficultés de vie réelles, animé pour les autres, sociologiquement minoritaires, par un revanchisme honteux et ranci contre le monde salarial et ses droits durement acquis.

Passe encore qu’il soit évident, sans attendre la fin d’un mandat, ah ! le beau leurre, pour faire passer toutes les insanités déjà votées, que Nicolas Sarkozy aura été le pire des présidents de la V ème république !

 

Mais venons en à la nouvelle qu’annonce le Canard Enchaîné de cette semaine : ainsi donc, si l’information est avérée, on sous- évaluerait Areva pour le refiler à Alsthom, c’est-à-dire au contrôle de son plus gros actionnaire, lequel pourrait vendre sa chaîne de télévision à un autre ami, prêteur de yacht ?

Ce monopoly n’a rien à voir avec l’esprit d’entreprise, ne s’accompagne d’aucune prise de risque et ressemble furieusement à ce qu’un code pénal digne de ce nom  interdirait absolument.

Mme Dati préfère s’occuper des petits délinquants et de la manipulation compassionnelle de l’opinion, sans se soucier de l’Etat de nos prisons, indigne de la nation des Droits de l’homme. Il est vrai que de ceux là aussi, le président se moque éperdument.

 

Et il faudrait attendre 4 ans ?

Et puisqu’il est question d’une réforme constitutionnelle, pourquoi ne pas exiger qu’elle commence par l’introduction de l’impeachment ?

 

Une réforme constitutionnelle : quand le crime se conjugue avec la connerie

La Constitution va garantir l'équilibre des finances publiques à moyen terme et le déficit de la Sécu sera interdit. Des lois de programmation pluriannuelles, voilà le remède pour faire croire à la vertu et montrer à l'Europe qu'on fait des efforts ! C'est qui l'Europe ? Le peuple a retoqué le tce; des canailles et des lâches ont excipé de l'élection de Sarkozy pour passer outre et refourguer la même marchandise frelatée.

On dessaisit, au nom de la BCE, le Parlement dès qu'on installe une programmation pluriannuelle. Et il paraît que la réforme constitutionnelle redonnerait du poids aux députés et sénateurs ? De qui se moque-t-on ? Le contrôle annuel des finances publiques est une des raisons d'être du Parlement! S'il y renonce et se lie les mains, il fait la preuve de son inutilité et démontre que la gouvernance française est pilotée par l'exécutif seul et des gnomes bruxellois.

Quant à l'interdiction du déficit de la Sécu, il ne signifierait qu'une chose: c'est que la solidarité entre les seuls salariés va s'accentuer et que les malades, les pauvres, les vieux vont en baver !

 

La seule question  désormais, puisqu'il peut empêcher ces infamies, c'est au PS qu'elle se pose; alors, une trahison de plus ? Ou enfin une prise de conscience que ce président d'occasion, ce gouvernement d'imposteurs et cette majorité de godillots peuvent être réduits a quia?

 

Un traquenard de plus dans le projet de réforme constitutionnelle

 

Et c’est Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil Constitutionnel, qui attire l'attention, pour le dénoncer, sur un amendement qui permettrait "au Parlement de transférer sans limite au juge judiciaire le contentieux des actes administratifs".

Mine de rien, et aussi parce que la majorité de nos concitoyens ignore l'existence d'une juridiction administrative et son objet, cela reviendrait une fois de plus à accroître la confusion dans la répartition des pouvoirs : le juge administratif se penche sur les actes relevant des prérogatives de puissance publique, en lien avec l'intérêt général.

L'Etat n'est ni un particulier, ni une entreprise : banaliser les juridictions est à la fois une mise en cause de la séparation des pouvoirs (il est vrai qu'en France, il ne restait guère précisément que le juge administratif pour rappeler son existence), une attaque sournoise contre la notion d'intérêt général portée, en principe, par l'exercice de la puissance publique, et une délégitimation supplémentaire du politique.

Décidément avoir le sens de l'Etat est devenu d'une extrême rareté! Mais où est l'opposition?

 

JPB

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7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 17:44

Un milliardaire en euros, 1ère ou  3ème fortune d’Italie, sera donc pour la troisième fois, président du conseil.

Certains ont voté une fois de plus pour lui, en pensant qu’au moins il ne les volerait pas ; optimisme très exagéré, la biographie du cavaliere laisse quelques interrogations sur l’origine même de sa réussite; mais l’état de la morale publique en Italie est quelque peu conditionné par les chaînes de télé dudit Berlusconi. Ce qui ici paraît crime, ne l’est pas ailleurs.

La coalition de droite a donc gagné les élections, avec un système électoral complexe (seuil de barrage de 4% à la Chambre pour 630 sièges , 8% au Sénat pour 315 sièges, avec une prime de majorité pour la liste arrivée en tête), apte à dégager une majorité mais assez peu conforme au vieux principe d’égalité des suffrages, un homme, une voix.

 

Quand on perd, c’est parfois qu’on l’a voulu :

Le parti démocrate conduit par Walter Veltroni est un parti de centre gauche, exactement ce qu’un aussi fin connaisseur de la vie politique française qu’Edgar Faure localisait derrière la première porte à droite ; c’est évidemment ce parti qu’un certain nombre de dirigeants du PS ont soutenu.

Il est vrai qu’on y retrouve d’anciens communistes, d’anciens socialistes, d’anciens démocrates-chrétiens etc.  L’ennui pourtant, c’est que ce parti qui était le pivot du gouvernement de Romano Prodi avait oublié que pour gagner des élections il faut une base électorale qui se reconnaisse à la fois dans la politique conduite précédemment et dans le programme proposé ; il faut aussi que le programme se distingue de celui de l’adversaire ou du compétiteur, il faut encore que son choix apparaisse comme une véritable alternative quant au fond  du projet de société dont il est porteur.

Avant même la démission de R.Prodi et la convocation de nouvelles élections, W.Veltroni avait annoncé son refus de toute alliance avec la gauche radicale, c’est-à-dire en fait, en Italie, celle qui faisait remarquer que les salariés n’étaient pas écoutés.

La gauche arc-en-ciel n’est pas représentée au Parlement qui ne compte plus désormais aucun élu étiqueté Vert, PC ou PS ; il va de soi que certains s’en réjouissent, surtout à droite ou dans les classes aisées, surtout en France, mais la chasse au centre de Veltroni  et le vote utile dans un système à couperet a laissé chez eux nombre d’Italiens, dégoûtés d’un système où la tentative de séduction de l’électeur l’emporte sur la conviction des candidats ; et ceux qui ont voté, ont quelquefois cru voter utile dans un cadre de bipolarisation forcée mais présentée comme plus efficace, la question étant toujours : efficace pour quoi ? 

Dans une telle pratique de la politique le meilleur histrion gagne toujours et sa victoire est d’autant plus facile qu’il a, lui, rallié son camp, même dans une unité contrainte, sa base électorale, même hétérogène.

Pourquoi diable le centre gauche italien n’a-t-il pas analysé l’élection présidentielle française ? De mauvais esprits diraient peut-être que les mêmes causes produisent les mêmes effets, et que l’absence de doctrine à gauche perd toujours devant l’idéologie dominante de la droite. Il est vrai que substituer au combat sur la doctrine et l’idéologie, une logorrhée sur les valeurs a moins d’implications militantes. Ce qui produit les valeurs, c’est forcément une théorisation politique, ce qui les popularise c’est forcément leur mise en œuvre, en particulier quand on est au pouvoir !

 

L’Italie n’est pas la France ?

C’est ce que ne manqueront pas d’affirmer un certain nombre de liquidateurs de la gauche française, soit qu’ils n’aient en vue qu’une alternance sans référentiel doctrinal, soit qu’ils confondent pragmatisme et trahison, soit qu’ils croient sincèrement que les structures politiques et institutionnelles de la France, avec en particulier l’élection du président au suffrage universel, distinguent suffisamment les deux pays.

C’est ce que pourrait laisser croire l’affligeant spectacle que donne aujourd’hui la direction nationale du PS:  chaque personnalité un peu forte croit d’abord en sa bonne étoile et travaille d’abord à sa propre ambition.

Comme si cela n’était pas déjà assez évident, il se trouve même un chercheur, Gérard Grunberg, pour théoriser la nécessité d’une présidentialisation du PS, à l’image du régime instauré par le quinquennat, alors que, d’après lui, perdure au PS la représentation mentale d’un parti parlementaire. Le fait que le PS soit essentiellement un parti d’élus ne nous amène pas à la même conclusion.

Il est exagéré de poser comme base de la réflexion que la mentalité parlementariste caractérise le PS : s’il demande une revalorisation du rôle du Parlement, il ne propose pas pour autant la suppression de l’élection du président au suffrage universel, alors que c’est bien cela qui avec le quinquennat voulu par Lionel Jospin, le scrutin majoritaire à deux tours par circonscription et la transcription dans les lois françaises des directives européennes, a fait de l’Assemblée nationale, une assemblée de godillots.

Si le PS aujourd’hui n’apparaît pas comme assez présidentialisé pour être en phase avec l’opinion, c’est parce qu’il n’a pas réglé correctement ses problèmes de succession et donc son problème de leadership ; il est comme dans la fable de La Fontaine un dragon à plusieurs têtes. S’il n’a pas réglé son problème de leadership, c’est parce qu’il n’a pas non plus établi un projet crédible, mobilisateur et alternatif et cela un travail collectif aurait pu le permettre car on ne peut construire un tel projet à la remorque de l’opinion ; c’est alors la question de la démocratie interne du PS qui est posée : comment s’établissent les orientations collectives du Parti ? Par la confrontation d’idées portées par des courants ou par des manœuvres d’appareil ? Quelle est la base doctrinale du PS ? Celle des modes sondagières, autrement dit l’idéologie du moment non critiquée, ou un appareil théorique sans cesse travaillé et questionné ?

Quant au reste…Berlusconi n’est pas président de la République italienne, mais c‘est lui qui a été élu, parce que c’est lui qui a uni les droites, y compris extrêmes; ce que le centre gauche, complaisamment qualifié de gauche en France n’a pas fait ! Berlusconi maîtrise les media  de l’audiovisuel? L’équivalent français serait absent ? L’Italie connaît plus que la France des forces centrifuges  et des oppositions régionales fortes ; évitons que des évolutions non maîtrisées aboutissent en France au même résultat.

Regardons bien l’Italie ; elle est plus proche de nous que l’Allemagne.

 

.JPB

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25 avril 2008 5 25 /04 /avril /2008 12:49

Réformisme : système politique selon lequel la transformation de la société, en vue d’une plus grande justice sociale, peut s’effectuer dans le cadre des institutions existantes, au moyen de réformes législatives successives, et sans recours à la révolution. (Dictionnaire Larousse)

 

La messe est dite: à en croire les commentateurs de l’actualité politique, les acteurs de la majorité et malheureusement aussi la plupart des rhéteurs de l’opposition, en élisant Sarkozy, les Français auraient non seulement élu un président mais validé ad libitum un programme.

Cette coquecigrue politique est, évidemment, complaisamment reprise par les media du monde audio-visuel et par les experts brevetés conformistes qui ont envahi  les plateaux des spectacles auxquels se résument les émissions de débat. Il est certes regrettable, pour le respect de l’esprit humain, que certains d’entre eux, universitaires par ailleurs, éditorialistes et idéologues de service, ne trouvent rien de mieux que de dénigrer à longueur de tirades la fonction publique statutaire, l’exception française, le préambule  de la Constitution, le Code du travail et d’encenser le libéralisme, la flexibilité, la précarité et la rémunération du mérite illustrée, sans doute, par les stock-options. Le tout sans prendre le risque pour eux-mêmes de travailler sans filet !

Si une élection politique dans ce pays avait jamais eu pour objet de faire adopter la totalité du programme d’un candidat, y compris les éléments précisés après l’élection, ce serait à la fois su et connu de tout le monde mais surtout historiquement prouvé ; or il n’en est rien et sans remonter à une époque où le suffrage universel n’existait pas, l‘approbation massive, un peu aidée ici ou là, d’un homme et de ce qu’il incarnait, pas nécessairement de ce qu’il portait, ne s’est rencontrée que deux fois dans l’histoire de notre pays, sous Louis-Napoléon Bonaparte, devenu après coup et dans le même « enthousiasme » Napoléon III, et sous Charles De Gaulle, que le Canard Enchaîné un peu injustement, a quelquefois caricaturé sous la défroque du précédent. Nous ne comparerons pas les deux personnages, l’Histoire a su leur donner  la place qui revient à chacun. Mais dans les deux cas cependant, il est utile de rappeler qu’il s’agissait de mettre fin à une crise de régime et de compenser l’incapacité d’une « classe politique » à répondre aux défis du temps, à satisfaire les intérêts des possédants ou à donner une réponse appropriée et collectivement acceptable à un blocage institutionnel et politique.

Rien de tout cela en 2007, sauf peut-être le caractère non crédible d’un autre choix. Réussir à se faire désigner comme candidat à une fonction, ne signifie pas nécessairement qu’on peut  l’exercer et tenir le rôle qui par une espèce de schizophrénie politique l’accompagne.

Mais c’est une incarnation et non un programme qui a été élue, cette fois encore ; les deux candidats ont d’ailleurs à peu près tout joué dans cette épiphanie du sauveur, et leur campagne à tous deux, au second tour, a parfaitement illustré le césarisme médiatique qui caractérise la dérive de la vie politique avec une élection d’un chef de l’exécutif au suffrage universel, sans équilibre des pouvoirs constitués.

Dans un tel contexte, à quoi rime un discours qui attribuant au président élu une légitimité indéniable, 53 % des suffrages exprimés avec un taux de participation de 84%, ne pose pas la question pourtant fondamentale de la nature de cette légitimité ? C’est pourtant ce que fit encore, Pierre Moscovici, qui n’est peut-être pas le meilleur possible des premiers secrétaires du PS possibles, mais assurément pas le pire envisageable, au Grand Jury-RTL/LCI/Le Figaro le dimanche 20 avril 2008.  S’il s’agit de ne pas toucher aux institutions, on comprend mieux, mais on est assez loin de la perspective d’un renforcement des pouvoirs du Parlement en France ou d’un approfondissement de la démocratie, participative ou non.

 

Le totem de la réforme

Par un curieux retournement, la droite, en France, s’est faite héraut de la réforme, oubliant la phrase de Niklas Luhmann : « les conservateurs commencent par la déception » ; à moins que la rigidité de père Fouettard de François Fillon, ne soit que le courage d’assumer cette formule !

Depuis que le Medef a théorisé la refondation sociale par la remise en cause de la totalité du compromis véritablement organique de 1945, ce que certains d’ailleurs continuent d’appeler le compromis gaullo-communiste, les partis politiques de droite, mais hélas, pas seulement eux, se sont ralliés en termes pratiques à son postulat de départ : la France est bloquée, pas dans le siècle, empêchée d’agir au mieux de ses intérêts dans la compétition mondialisée ; il faut donc déconstruire les bases de son fonctionnement actuel comme système social.

Il va de soi que les intérêts en question ne sont pas précisés, et il faut disposer effectivement de tous les moyens des techniques modernes de communication pour arriver à faire croire que les intérêts d’une minorité de privilégiés sans grand talent, encore moins de génie, puissent être, par une espèce de transsubstantiation, forcément mystérieuse, ceux du plus grand nombre.

La formule la plus célèbre en est : « Travailler plus pour gagner plus » alors que chacun sait au moins depuis Guizot de manière certaine, que ce n’est pas par le travail et par l’épargne qu’on peut espérer devenir véritablement riche.

Il va de soi également que la dimension historique de la construction du système social français est mise de côté, le peuple n’étant, par définition, pas un acteur de son histoire, pour un conservateur digne de ce nom, a fortiori pour  un idéologue zélé au service des dirigeants de l’économie…

Il va de soi, enfin, que la difficulté de la tâche, ce foutu peuple étant capable de réveils, sera grandement atténuée si la gauche est divisée ou ralliée à l’idée que rien d’autre n’est possible dans une fin de l’histoire désirée, au moins par ceux qui préfèrent, et pour cause, raconter des histoires que la faire ou la subir.

Il faut avouer qu’entre une extrême-gauche qui n’a tiré aucune leçon du renvoi dans l’utopie du communisme, en tant que société en acte, sinon comme processus pratique de libération humaine, et un parti socialiste qui pense pouvoir proposer une alternance sans alternative et convaincre sans un corps de doctrine, la droite en France, ou en Italie, ne pouvait rêver mieux.

 

Nous pensons que les institutions ne sont ni gratuites, ni inopérantes et que certains choix, à certains moments, ont des conséquences sur leur évolution et, plus largement, sur la vie politique en général.

Il est assez facile de reprocher au Parti Socialiste de n’avoir plus produit d’idée neuve depuis longtemps.

Pourquoi ne pas essayer de dater cette stérilisation progressive d’un intellectuel collectif dont la mission, au moins pour que sa revendication de l’exercice du pouvoir, ait un embryon de légitimité, est précisément de produire des idées ?

A tort ou à raison, il nous semble que la gratuité du choix, ou l’absence de choix fondamental, ou le refus de proposer une alternative à la gestion tranquille et « loyale » du capitalisme, remonte en France, de manière délibérée, parce qu’il s’agissait bien d’une interprétation de la Constitution, de la remise en cause des intentions de son initiateur et d’un jeu politique induit ainsi banalisé, à 1986 et à la première « cohabitation ».

Ce qui a pu être présenté comme une pacification du débat politique en introduisant après une alternance, une complication (comme on parle de montres à complication) dans la relation entre l’exécutif et le législatif et au sein de l’exécutif, fut en fait une banalisation du politique au niveau de la gestion.

Dans ce nouveau contexte, expérimenté de manière symétrique par deux présidents différents, ce qui n’était plus en débat, du moins plus en débat pour l’opinion, c’est l’intérêt de proposer des politiques réellement alternatives.

Dans une certaine mesure, c’est V. Giscard d’Estaing, annonçant qu’il laisserait l’Assemblée nationale élue en 1973, 1 an avant sa propre élection, aller à son terme qui avait montré la voie; dans « 2 français sur 3 », il donnait d’ailleurs la clé de son attitude. Mitterrand a mis ses pas dans les siens.

C’est peut-être choquant pour certains, mais quelles autres motivations qu’un accord de fond sur l’essentiel invoquer ?

La conséquence, c’est évidemment que le mot « Réforme » est désormais abusivement employé et dans tous les cas de figure : adapter les institutions aux besoins à court terme des actionnaires ou sous la pression d’un modèle néolibéral indéfini, ou au contraire, mais est-ce bien le contraire car il faut toujours admettre une contractualité centrale, renforcer les possibilités d’intervention d’un Etat régulateur, ce n’est plus de la réforme, c’est de la gestion au quotidien.

Mais comme le discours politique biaise généralement avec le réel, on préfère utiliser le mot, même si certains, plus provocateurs, ont adopté pour se faire élire, celui, plus juste dans un certain nombre de domaines, de rupture.

De la rupture à la révolution, il n’y a qu’un pas, et en voulant  tuer 1945, c’est presqu’à la « révolution nationale » que renvoie le programme du Medef, la dimension « nationale »  en moins. Casser le Code du Travail, réduire la fonction publique pour privatiser au maximum l’espace public et marchandiser la quasi totalité des activités humaines, y compris la garde des prisonniers condamnés, ce qui est le comble de la régression, c’est bien une révolution, à rebours certes !

Parler de réforme à droite, c’est donc, tout simplement et toujours, mentir, soit parce qu’on est dans une « gouvernance » mieux adaptée aux besoins, intérêts ou modes (ne négligeons pas le dérisoire) du moment, soit parce qu’on est effectivement dans la rupture ou la tentation de la rupture, et qu’il faut éviter, pour la paix civile, que les citoyens prennent le mot au sérieux.

 

Le tabou de la révolution 

Le mot  n’est plus dans la nouvelle déclaration de principes du Parti Socialiste, et cela fait la joie des fermes soutiens du « Système »  mais le concept n’en est pas pour autant totalement évacué, au grand dam, de quelques-uns de nos idéologues de service évoqués plus haut. On peut lire en effet comme la définition d’une perspective de révolution dans l’expression « projet de transformation radicale », et la précision utile : «  qui ne se décrète pas » et qui « résulte d’une volonté collective forte assumée dans le temps, prenant en compte, l’idéal, les réalités et l’histoire » ; la deuxième partie de la phrase, cependant, est littéralement ce qu’on appelle de la bouillie pour les chats, car une transformation sociale radicale passe par un seuil de crise dont la durée peut être plus ou moins longue, mais assurément pas faire l’objet d’une théorisation a priori pour en éviter les hypothétiques dégâts collatéraux.

Ce qui explique sans doute cette définition embrouillée, c’est qu’il manque dans cette déclaration un concept  qui n’est plus guère opérationnel il est vrai, mais qui demeure beaucoup plus combattu, car plus réel, plus sensible et toujours pertinent  dans la vie sociale, qui est celui de classe sociale. On ne saura pas si les auteurs de cette déclaration ont lu le livre de Peter Sloterdijk Colère et temps (traduction française, Paris, 2007), et c’est dommage car on y trouve des analyses intéressantes sur l’histoire et la réalité du concept et sur ses corollaires, la conscience de classe et la lutte des classes.

On n’est pas pour autant obligé d’en conclure que définir l’appartenance à une classe aboutit à désigner ceux qu’il sera légitime de tuer.

Il manque un autre mot, une autre précision : s’il est question de capitalisme, on ne trouve rien à dire sur le capital, or le capital est un être animé, en perpétuel mouvement ; c’est un acteur de l’histoire et se refuser à le définir, c’est se refuser à construire sur des bases crédibles « une société nouvelle « qui dépasse les contradictions du capitalisme », elles-mêmes non précisées.

« Aller à l’idéal et comprendre le réel », selon la formule de Jaurès, ne semble guère facilité par ce texte en l’état.

On relèvera enfin une série d’à-peu-près et de formules ambiguës, voire rédhibitoires.

Que signifie l’expression, reprise plus loin, du préambule : « il fait siennes les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité proclamées par la Révolution française» ? L’intention est peut-être bonne, mais la traduction en est calamiteuse : qui en France peut penser que le PS n’est pas inscrit dans cet héritage et cette continuité ? Mais pourquoi revendiquer « l’héritage » de la République ? N’y serions nous plus ?

Le parti socialiste évoque, pour le récuser, le fonctionnement spontané de l’économie et de la société ; mais cela revient à accréditer malgré tout  l’idée totalement fausse qu’une société sans règles, une économie sans cadres peuvent fonctionner ; dans l’état sauvage du plus fort ou du mieux armé sans doute, mais dans nos sociétés du XXIème siècle, sauf dans une science-fiction décrivant un retour à la barbarie, tout fonctionne selon des règles et c’est même cela qui justifie l’existence d’une société politique, de partis et de politiciens.

Il n’est pas davantage convenable qu’un parti qui se propose de « contribuer à changer la vie « décrive notre société » comme une « société duale où certains tireraient leurs revenus de l’emploi et d’autres seraient enfermés dans l’assistance » ; faut-il voir dans cette simplification abusive une conséquence de l’absence de définition du capital ? L’emploi, sans autre précision, n’est nullement la source des revenus des patrons du CAC 40, des traders, des stars du monde la culture ou des sports, ou des héritiers ! Cela fait peu de monde, certes mais quelques-uns possèdent l’équivalent du PIB d’un état. Nier la réalité, n’est peut-être pas le meilleur moyen de la changer.

Enfin, si le parti socialiste s’affirme républicain, il est singulier que les citoyens soient liés par « un contrat entre citoyens libres et responsables » et accomplissent « aussi » leurs devoirs vis-à-vis de la collectivité, comme si cette deuxième caractéristique de la condition de citoyen pouvait être en débat ; il est tout aussi singulier qu’à propos de la laïcité, ne soit pas fait le rappel de l’obéissance à la loi commune.

La République est une et indivisible !

La conception de la citoyenneté gagnerait donc à être précisée pour que « sa pratique dans tous les domaines et sous toutes ses formes » n’aboutisse pas à un furieux désordre ou à une regrettable confusion.

 

Tous les principes  qui redéfinissent les bases idéologiques du Parti Socialiste sont résumés dans l’article du Larousse cité en exergue ; il est vrai que pour l’accepter tel quel, il faut partir d’un héritage social-démocrate historiquement fondé et inscrit dans une continuité de la philosophie politique occidentale, alors qu’aujourd’hui cet héritage est nié et remplacé par du storytelling,

La planète s’en remettra mais la politique n’est pas affaire de séduction, elle est affaire de pensée, de doctrine et de conviction. C’est ce qui fait la vraie force des néo-libéraux !

 

JPB

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15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 17:27


Beijing :
Voir Pékin, parce qu'il n'y a pas de raison de prendre une graphie anglo-saxonne pour un nom de ville qui de toute façon se prononce autrement !

Bruxelles :
S'assurer que la Belgique existe encore ; le gouvernement ethnolinguistique est une stupidité manifeste, probablement contradictoire avec quelques textes européens validés par les membres fondateurs de l'UE et dans le cadre du Conseil de l'Europe, mais la classe politique belge paraît aussi intellectuellement corrompue que la représentation italienne... (Voir Strasbourg)

Défense européenne :
Soit il s'agit de la politique de défense d'un ensemble pleinement indépendant et, dans ce cas, la défense doit être tous azimuts et sans interférence de tiers, alliés compris ; le cadre de l'OTAN comme principe même de cette politique étrangère et de défense va à l'encontre de cette possibilité, car contrairement à ce qui est dit ou écrit ici ou là, les USA n'ont pas la volonté de partager véritablement les orientations stratégiques.
En outre, les équipements militaires, la recherche-développement dans ce secteur industriel font l'objet d'une concurrence féroce entre certains états de l'UE et avec les USA. Il serait illusoire de penser qu'il puisse en aller différemment, sauf à renoncer à des secteurs scientifiquement et économiquement porteurs.
S'il s'agit de la coordination renforcée des membres de l'UE, dans le cadre de l'OTAN, la première question à traiter est celle de la fonction actuelle de l'OTAN, très éloignée désormais des causes originelles de sa création. Il s'agit donc de préciser la stratégie globale de cette alliance élargie, y compris en affirmant des priorités :
- La thématique de la lutte planétaire contre le terrorisme ne peut être LA réponse.
- Le communisme étant retourné à l'état d'utopie, il n'est plus un fédérateur, ni dans un sens, ni dans l'autre.
- La stigmatisation de l'Islam, y compris dans sa forme fondamentaliste ou radicale, c'est-à-dire politique, ne peut faire l'objet de communication convaincante, sauf en réaffirmant le principe de laïcité; mais ce concept français, effectivement exportable par ailleurs, ne correspond à rien de comparable dans le vocabulaire ou la culture politique d'un certain nombre d'états de l'UE ou de l'OTAN ; d'autre part il ne peut être assumé par un certain nombre de dirigeants politiques de ces pays.
- Le développement économique des pays dans lesquels le terrorisme trouve des affidés ne peut être l'objet d'une politique de défense commune à l'UE, encore moins à l'UE+l'OTAN. Le disparate des % de PIB consacrés par lesdits états au développement des états les plus pauvres en est une illustration parmi d'autres possibles.
- la Russie ne peut être considérée comme devant rester à l'écart des affaires européennes et la question de l'Ukraine ou de la Biélorussie n'est pas tranchée par des indépendances voulues par des apparatchiks ambitieux bien plus que par des peuples désunis et convertis au modèle politique occidental. Une frontière commune entre l'OTAN et la Russie n'est pas une réponse pertinente aux problèmes de sécurité politique, écologique ou économique à venir.
- Il convient enfin de ne pas oublier que l'Europe n'est pas la négation des nations qui la constituent, même si c'est l'idée de quelques technocrates à courte vue, et que la France doit développer des liens propres avec la Russie.

Europe sociale :
Le 18 décembre 2007 la Cour de Justice européenne a confirmé qu'une entreprise étrangère n'était pas tenue d'appliquer le droit du travail du pays dans lequel elle fait travailler ses employés : autrement dit, une entreprise qui emporte un marché du fait de ses bas coûts de production est gagnante dans son pays d'origine et dans le pays où elle exerce avec sa main d'œuvre importée.
Cette résurgence de l'esprit Bolkestein est clairement le contraire de ce qu'on appelle ordinairement « une concurrence libre et non faussée » et cet arrêt est une fois de plus une interprétation unilatérale, idéologiquement marquée.
Les arrêts Viking, Vaxholm-Laval, Rüffert accentuent cette dérive jurisprudentielle de la CJE qui s'arroge le droit d'intervenir dans des domaines qui, ne relevant pas des traités, ne relèvent pas non plus du droit communautaire.
La justification « juridique » du dumping social au nom d'une « concurrence » qui serait le propre de la seule Europe et le fondement de toutes ses législations, en incluant toutes les législations nationales, n'est pas dans la logique des traités fondateurs et résulte d'une trop grande liberté laissée à la CJE, dont la légitimité est seconde par rapport à celle du Parlement ou du Conseil ; la progression par cette dérive jurisprudentielle de l'idéologie néo-libérale, est le signe manifeste du refus des dirigeants politiques européens d'assumer une stratégie commune explicite de construction d'une puissance européenne.
Les marchands n'ont jamais créé de « civilisation » durable.
La grève des ouvriers de Dacia en Roumanie montre que les facilités que s'accordent les entreprises qui ont délocalisé des productions, n'apparaissent plus comme « normales ».
Cet exemple ne manquera pas d'inspirer d'autres salariés, du moins dans les pays qui connaissent un régime démocratique dans lequel la liberté d'association et le droit de grève existent, conformément à quelques textes internationaux, nonobstant les interprétations abusives de la CJE.
La concurrence « libre et non faussée » n'est qu'un leurre si précisément elle ne s'applique pas en positif aux conditions de travail des salariés; aujourd'hui elle signifie simplement, double avantage pour l'entreprise, double handicap pour le salarié.
La dissymétrie dans la relation de l'employeur et de l'employé est devenue d'autant plus insupportable que le capitalisme financier montre avec la crise des subprimes (un exemple parmi d'autres) son irresponsabilité quant aux conséquences de ses choix aventureux ; il est vrai que la sphère politique aurait pu, là encore, intervenir quant à la définition des produits licites et illicites dans un tel domaine d'activités.

France :
Se souvenir qu'elle existe, qu'elle a une histoire et des intérêts particuliers, que la France d'outre-mer lui confère quelques responsabilités loin de l'Europe, parfaitement originales par rapport à tous les autres membres de l'UE, y compris ceux dont le drapeau peut flotter sur des terres lointaines, comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni.
Se souvenir que l'alliance franco-russe a précédé l'entente cordiale avec le Royaume-Uni.
Se souvenir que la réduction du champ d'intervention de l'Etat par des agents le représentant et à statut particulier, est une amputation générale de la légitimité de l'Etat à intervenir dans la vie des citoyens. L'absence d'Etat européen ne peut sans risque s'accompagner d'un appauvrissement des valeurs tutélaires dont les Etats-nations sont porteurs, et avec eux leurs élus.

Politique agricole commune :
Ce fut un sujet d'affrontement entre la France et ses partenaires européens, une forme d'opposition déjà (De Gaulle pensait qu'une nation qui n'était pas capable de se nourrir n'était pas indépendante) entre producteurs et marchands, entre développement durable et spéculation à court terme.
La France est la première puissance agricole d'Europe. La FAO a déclaré en état de « grave insécurité alimentaire » une trentaine d'états ; depuis juin 2007 le coût des produits alimentaires a augmenté de 55% et la FAO appelle à un sommet mondial en juin ; il importe que la France et avec elle l'Europe aient des propositions à faire à ce moment là, la présidence française de l'Union pouvant permettre d'impulser des initiatives efficaces.
Les causes de cette crise sont multiples : mode des biocarburants qui met hors du marché alimentaire des dizaines de millions de tonnes de maïs, spéculation irresponsable sur les matières premières accentuée par la recherche d'une compensation après la crise des subprimes, dérégulation libérale qui rend les pays pauvres plus vulnérables alors que l'aide au développement stagne ou régresse, effets des changements climatiques et de la transformation progressive des modes de vie (imitation du modèle alimentaire occidental) ; si les deux derniers points sont inscrits dans une évolution de long terme, les deux premiers sont de ceux qui imposent une prise de décision de nature politique.
L'une d'elles est l'annulation du paiement des intérêts de la dette des pays du Sud, aussi bien envers les états qu'envers les banques privées du Nord (l'impact de cette décision pour les prêteurs n'existe que dans la logique comptable d'une économie financière, virtuelle).
Une autre est une approche techniquement équilibrée de la question des OGM, entre la nécessité de l'investissement dans la recherche-développement, et d'abord en laboratoire ou sur des parcelles séparées des cultures « naturelles », le respect du principe de précaution, la demande de produits « bio » et la prise en compte des spécialités des terroirs, AOC entre autres, pour envisager une reconnaissance patentée de la gastronomie française.
Une autre encore est la mise en œuvre sérieuse d'une politique de régulation des marchés des matières premières agricoles, la spéculation en ce domaine pouvant avoir des conséquences criminelles qui devraient être traitées comme telles.
Il faut donc envisager l'élaboration à l'échelle planétaire, et cela passe d'abord par une entente Europe/USA/Brésil de véritables lois frumentaires.

Pékin :
La Chine n'est pas qu'un marché, elle est une puissance, dirigée par un régime dictatorial.
Puissance, elle a des intérêts géostratégiques particuliers et le contrôle du Tibet aux frontières extérieures duquel elle entretient des contentieux territoriaux avec l'Inde, fait partie de ses priorités en ce domaine.
Le Tibet ne fut considéré vraiment comme un protectorat chinois qu'avec la dynastie mandchoue, la dernière dynastie impériale, de même que le Sin-Kiang ou la Mongolie. Pour mémoire, la différence entre la langue tibétaine et le chinois (mandarin ou cantonais) est plus importante qu'entre l'ukrainien et le russe ! Puissance et dictature, même si elle n'est pas en état de conquérir militairement Taïwan, elle se donne les moyens par l'encadrement de la population, expropriations sans indemnités, y compris dans l'aménagement de Pékin, esclavage de facto dans des unités de production, y compris dans des joint-ventures avec des sociétés étrangères peu regardantes, d'un développement économique forcené au mépris des normes du BIT.
Ses fonds d'Etat en font un banquier et un investisseur qui peut prétendre peser sur les décisions de partenaires occidentaux ou sur celles des camarillas corrompues d'un certain nombre d'états de l'ex-tiers monde ; cependant l'absence de respect de normes nécessaires contre la pollution, la situation dramatique de déracinement de plusieurs centaines de millions de ruraux, la surpopulation de centres urbains aux réseaux insuffisamment développés, font que les équilibres sociaux actuels de la Chine ne sont pas satisfaisants et peuvent poser de redoutables problème de gestion du pays, pas seulement en matière d'ordre public. La redistribution des richesses est fortement inégalitaire même si une classe « moyenne » consommatrice, aux contours et au volume difficiles à définir existe, assez différenciée puisque, selon des évaluations diverses, les chiffres vont d'une soixantaine à plusieurs centaines de millions d'individus.
Dictature par le contrôle des media, la fierté nationale sollicitée, le gouvernement peut manipuler l'opinion sur un sujet comme la question tibétaine ou d'éventuels incidents pendant les J.O.
Il est probable que dans les sphères du pouvoir, comme partout, s'affrontent des partisans de l'ouverture et de l'écoute et des partisans de l'affrontement ou de la fermeture, prêts à se saisir de toute occasion ; la volonté d'accéder au rang de puissance durable est cependant probablement un plus fort moteur et la Chine ne renoncera pas à des contrats qui lui assurent et lui assureront l'accès à des technologies dont elle aura besoin et dont elle aura pu se dispenser de financer la recherche et la mise au point.
De ce point de vue là, la seule question est celle du gap technologique et de la compétitivité qualitative des produits français.
Le Président de la République française n'a donc pas à manger face au gouvernement chinois, un chapeau que d'ailleurs il ne porte pas.
Il ne devrait pas non plus prendre la risque d'aller à rebours de ce qui pourrait être l'état de l'opinion au moment de la cérémonie d'ouverture ; il est, par ailleurs, confondant que ces jeux planétaires, marqués autant par l'affairisme et le dopage depuis quelques décennies que par le dépassement de soi dans l'effort sportif et gérés par des personnes privées dans le cadre du CIO, puissent être un élément à prendre en considération dans les relations internationales entre états souverains...
Le Président de la République française ne pourra pas dissocier en août 2008 son statut de président en exercice de l'Union européenne et sa fonction de chef de l'Etat ; cette ambiguïté n'aurait d'utilité pratique que si une décision collective des états membres de l'UE indiquait la nécessité d'une présence du plus haut représentant de l'UE à Pékin... ou celle de son absence. La question de la double présence du président de l'UE et du président de la Commission peut aussi être posée mais elle ne se substitue pas à la précédente ; le président de la Commission, n'est pas le président de l'UE.

Piraterie :
L'heureux dénouement de la prise du « Ponant » a mis en évidence la nécessité de disposer de moyens d'intervention variés et d'équipes aguerries.
La Marine nationale doit donc disposer des équipements nécessaires d'autant plus que la principale voie commerciale qui relie l'Europe à l'Asie, passe par la Méditerranée, le canal de Suez, la mer Rouge et l'océan Indien : l'Europe et la France sont logiquement appelées à participer à cette entreprise de sécurisation des voies maritimes et cela donnera un contenu supplémentaire à l'activité d'une Union pour la Méditerranée.
La CMA-CGM, basée à Marseille, compte toutes les 3 heures un navire quittant l'Asie pour livrer sa cargaison en Europe ; les approvisionnements de l'Europe sont essentiellement liés au trafic maritime : un gros porte-conteneurs peut stocker l'équivalent d'un milliard de dollars.
Une police des mers efficace est possible, y compris dans le respect du droit maritime, codifié depuis des décennies et sur certains points depuis plus d'un siècle (traité de Berlin en 1878) ; le financement d'une flotte européenne équivalente à la marine US est actuellement hors de portée, d'autant que des choix politiques récents apparaîtraient comme un peu contradictoires avec cet objectif, mais le développement conjoint au moins de la flotte britannique et de la flotte française, les deux grandes nations maritimes de l'UE, pour des missions communes à toute l'Europe et sous mandatement de l'ONU est une priorité politique, technologique et économique. L'idée d'un « Charles De Gaulle », unique et immobilisé 18 mois est tout simplement affligeante.

Présidence modo Lisbonne :
Des portraits de candidats potentiels ont été tracés ; il vaut mieux à tous égards que ce président soit issu d'un état qui a intégré la zone euro et qui n'a pas multiplié les clauses dérogatoires aux traités ; il vaut mieux également qu'il ne soit pas marqué par un engagement idéologique qui heurterait la sensibilité moyenne des ressortissants d'autres nations de l'UE. Tout état pouvant sortir de l'Union, sans que de réels moyens de rétorsion existent (et c'est heureux !), il faut donc éviter à la fois le risque d'un despotisme fédéral et celui d'une impuissance confédérale.
A partir de ces données, le jeu semble très ouvert mais l'action passée à la tête de son propre pays, ou dans des fonctions éminentes dans ce pays ou dans des instances internationales, doit être prise en considération. Le blanchiment d'argent, un soupçon de corruption, un alignement atlantiste ostentatoire, un affichage pour une religion particulière sont des motifs de rejet pour la population d'autres nations.
En tout état de cause, il convient de renforcer en attendant la présence française dans les administrations de la Commission.

Strasbourg :
Obtenir un engagement définitif que le Parlement européen a son siège à Strasbourg ; l'incongruité réside tout entière dans la volonté de tenir des sessions à Bruxelles pour les commodités de la Commission et le confort de quelques élus ; or il serait temps d'accorder au Parlement une pleine reconnaissance de sa légitimité par rapport aux autres instances européennes. La Cour de justice est à Luxembourg.
Le TGV- Est peut parfaitement accueillir, si nécessaire, des rames directes Londres- Strasbourg ou Bruxelles -Strasbourg et rien ne prédispose la capitale de l'Alsace à jouer les culs de sac en matière de transports rapides au cœur de l'Europe.
Au demeurant, la France peut déclarer simplement qu'elle n'acceptera jamais le transfert du Parlement de l'Union européenne à Bruxelles ; il n'y a pas d'Europe sans la France et le seul autre pays qui, à l'évidence, peut affirmer la même chose, est l'Allemagne.
Cela paraît arrogant, mais c'est géopolitiquement exact et cela peut être mis en musique plus diplomatiquement !

Union pour la Méditerranée :
Cette idée a été en partie dénaturée par les partenaires de la France ; le programme de dépollution de la Méditerranée, dont l'intérêt n'est pas en débat, associe la banque européenne d'investissement (BEI) et le programme des Nations Unies, appelé PAM (plan d'action pour la Méditerranée). L'environnement n'est peut-être pas vu comme l'urgence absolue par les riverains du Sud, en tout cas pas comme devant se substituer à des grands travaux d'infrastructures ou à des investissements dans l'éducation.
Au moment où le Maroc se lance dans un programme de LGV entre Tanger et Casablanca et dans la construction d'un complexe portuaire spécialisé dans les conteneurs, il paraît assez évident qu'une politique de grands travaux associant des entreprises européennes, leaders dans ce secteur, pourrait contribuer à une meilleure utilisation des ressources de certains états du Maghreb, assurer de l'emploi à une jeunesse nombreuse et « désoccupée » et rapprocher des pays dont les relations interétatiques sont insuffisantes (même si les causes en sont connues : cas de l'ancien Sahara espagnol, opposant Maroc et Algérie, par exemple)
Il peut paraître anormal que certains chantiers algériens aient été confiés à des entreprises chinoises apportant dans un pays au chômage préoccupant, non seulement les réponses techniques pour lesquelles des entreprises européennes n'auraient pas concouru, mais aussi leur main d'œuvre, vivant en vase clos dans des espaces séparés de la population autochtone.
Il n'est pas non plus certain que le choix des autorités algériennes de construire des autoroutes au détriment d'une modernisation de leur réseau ferré, ait été le plus judicieux en matière d'aménagement du territoire ou d'investissement durable.
Cela dit, il reste la possibilité de lancer un vaste projet international de LGV entre Tunis et Casablanca, la traversée Est/Ouest du Maghreb relevant a priori du bon sens, d'autant qu'il est techniquement possible d'envisager une liaison fixe entre le Nord du Maroc et le Sud de l'Espagne : le détroit de Gibraltar mesure 14,4 km et sa profondeur est de 300 m.
Le financement de tels projets est à l'échelle de l'Europe et peut permettre des investissements rentables pour les revenus tirés des hydrocarbures algériens, ou pour d'autres partenaires.
Le plus difficile n'est pas la faisabilité technique, industrielle et financière du projet, mais sa prise en charge par les états concernés directement.
Il est certain aussi que l'accès à l'Europe par le sud en serait facilité, de même que les flux touristiques venus du Nord de l'Europe ; migrations et concurrence touristique pourraient poser un problème à l'Espagne, mais pas seulement
Enfin, mais chacun a cela présent à l'esprit, le principal point critique demeure la situation de conflit entre l'état d'Israël et les Palestiniens, ses conséquences pour leurs voisins, les initiatives d'une nouvelle présidence américaine au proche et au moyen orient, et cela ne peut manquer de peser sur la possibilité d'avancer dans l'approfondissement de cette Union pour la Méditerranée.

JPB

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7 avril 2008 1 07 /04 /avril /2008 12:42

Il est une certaine façon de considérer le politique, qui n’aide sans doute pas à diffuser des analyses susceptibles d’éclairer le corps civiques sur l’évolution, l’état et les enjeux de notre vie démocratique : c’est cette façon de l’aborder, avant ou au-dessus de tout, par le culturel, les représentations et la subjectivité des individus.

Se centrer sur le sujet et ses représentations, en d’autres termes finalement, renvoyer les individus à eux-mêmes ou à ceux, pour leur exotisme, du passé : voilà une tendance qui d’une part, pose un problème aux sciences humaines (le « tout culturel ») et qui d’autre part, encourage les individus à se complaire dans leur subjectivité et dans la relativisation sans mesure du rôle du politique, tout en le laissant suivre ses plus mauvais penchants.

 

L’exemple de l’histoire : le rapport aux  cultures politiques

 

L’histoire, qui devrait particulièrement contribuer à la compréhension du politique, car elle permet l’exercice du regard critique sur le champ des sociétés passées et contribue à comprendre les interrogations du présent, n’échappe pas à cette tendance.

 

La notion de « culture politique » est au centre de l’approche de l’histoire politique actuelle. Ensemble de représentations soudant des groupes, au sein de la société, sur le plan politique, elle permet de décrire une dimension de la vie politique et de mettre l’accent sur la variabilité des comportements et des attentes en fonction de l’espace et du temps.

C’est la survalorisation des représentations, considérées comme le niveau le plus global de la compréhension, aux dépens des éléments objectifs (l’Etat, les régimes, les institutions, dont les partis) et rationnels (les pensées politiques, les idéologies), qui est gênante.

 

Serge Berstein, dans Les cultures politiques en France (2003), propose une composition équilibrée de ces cultures – « racines philosophiques, références historiques, régime politique » – et une explication, à travers elles, de l’intériorisation de certaines causes ou opinions par les individus, qui ne relève pas de l’inconscient mais de « l’adhésion profonde », d’un « acte quasi-automatique ».

Ceci admis, a-t-il raison de prétendre aussi qu’elles forment « l’identité des grandes familles politiques, bien au-delà de la notion réductrice de parti ou de force politique, chargée de dire le dogme et de veiller à sa pureté » ? N’est ce pas trop caricaturer les partis et en même temps minimiser leur importance et la dimension institutionnelle, rationnelle et objective de ces identités et familles politiques ?

Si « la force d’une culture politique est de diffuser un contenu politique par des voies autres que celles du politique », à quel point cela limiterait-il le rôle du politique lui-même ?

 

D’autres propos vont plus loin en faveur des représentations et du culturel. Jean-Jacques Becker et Gilles Candar, par exemple, dès l’avant-propos de la récente Histoire des gauches en France,  affirment bien que « l’histoire politique doit être d’abord une histoire culturelle de la politique».

Jean-Jacques Becker, concluant cette Histoire des gauches, à travers l’exemple d’une structure fondamentale du politique, la bipartition droite/gauche, insiste à la fois sur ses limites actuelles voire son inefficience et sur le fait que cette bipartition reste proclamée et réelle. Il est, selon lui,  « une loi de l’Histoire que les représentations sont infiniment plus durables que les réalités qui les ont fait naître ». Si l’on pousse cette logique, les éléments contextuels et contingents auraient été le moteur de la bipartition droite/gauche, perdurant à cause d’un attachement culturel (subjectif), alors même qu’elle n’aurait plus de raison (objectives) d’être.

On voit là que se dessine une vision particulière de l’histoire politique… et du politique, tout court.

 

Dans le même ordre d’idées, Etienne Schweisguth écrit, à propos des recompositions des cultures politiques, dans l’ouvrage dirigé par S. Berstein (Les cultures politiques en France) : « Qu’on le regrette ou qu’on s’en accommode, le déclin des identités politiques, au sens de systèmes de valeurs fondant l’identification à une organisation politique, semble inexorablement inclus dans l’évolution des structures politiques et idéologiques. Peut-être est-ce le prix à payer pour le triomphe de la modération politique auquel on assiste aujourd’hui dans les démocraties occidentales. Peut-être encore une fois faut-il y voir l’effet de l’élévation générale du niveau d’instruction et du niveau de vie, qui développe le sens du relatif, réduit les frustrations, et affaiblit les visions du monde manichéennes en renforçant la tolérance à l’ambiguïté. […] En France, comme dans tous les pays d’Europe, c’est la conquête du centre qui assure la victoire électorale. » Le culturel explique le culturel : exit les responsabilités du politique, le cadre institutionnel et l’œuvre de la pensée ? Voilà surtout qui relève sans doute moins de l’explication et de la compréhension, que d’une volonté de souscrire à l’affaiblissement de la société politique, avec les repères, les délibérations, les contradictions et les confrontations qu’elle suppose.

 

A la fin, les représentations à la fois dépassées et en recomposition, relègueraient au second plan les régimes, les pensées politiques et les partis, en même temps qu’elles condamneraient la bipartition droite/gauche comme la référence aux principes – d’où sans doute la manie de ne parler que de « valeurs » – les ayant constitué. Il ne resterait plus qu’à s’en remettre aux évolutions de la société civile et des « cultures », qui s’imposeraient à chacun et à tous, englobant tout, sans que l’on sache bien, au bout du compte, d’où elles viennent et où elles nous amènent.

Plutôt que de recomposition des identités et des cultures politiques, ce serait alors de décomposition qu’il faudrait parler. Et cette décomposition viendrait sans doute moins d’une évolution propre des représentations et des cultures, que des éléments objectifs, institutionnels et rationnels, qui forment le politique. Car si l’on considère que ces éléments entrent dans la constitution des cultures politiques, on peut aussi penser qu’ils les conditionnent et les dépassent.

Cela nécessite de réfléchir à ce que signifie le genre masculin pour désigner le mot « politique ».

 

Pourquoi parler DU politique ?

 

Il paraît difficile de séparer, comme deux choses et deux contenus différents, le politique et la politique. Parler du politique serait d’abord une façon de distinguer l’ensemble ce qui est politique comme un objet autonome, en interaction avec les autres champs de la société globale (le culturel, le social, l’économique, etc.). Ce qui change ne serait pas l’objet lui-même, son contenu (ce qui concerne la politique), mais le regard qu'on porte sur lui. Une question de point de vue sur la politique et son rôle.

Cet objet politique, selon Jean-François Sirinelli correspond à la « la question de la dévolution et de la répartition de l’autorité et du pouvoir au sein d’un groupe humain donné et l’étude des tensions, des antagonismes et des conflits en découlant ».

Au-delà de cette définition, que peuvent nous montrer de grands modèles de la philosophie politique, avec une portée qui dépasseraient les contextes dans lesquels ils ont été formulés ?

 

Dans la vision de l’objet politique, du gouvernement et du pouvoir, développée en opposition par le marxisme et le libéralisme, on retrouve bien deux préoccupations déterminantes : l’Etat et les partis.

 

Le libéralisme porte une pensée sur le pouvoir et l’Etat, en rapport avec une nouvelle définition de la société civile. L’Etat est différencié de la société civile, expression des relations économiques, mais aussi culturelles et juridiques (car les transformations économiques sont aussi civilisatrices). Il doit seulement en assurer la pérennité, garantir des libertés et des droits, sans que le droit de participer aux affaires de l’Etat soit ouvert à tous. Benjamin Constant écrit par exemple : « Le gouvernement a une sphère qui lui est propre. Il est créé par les besoins de la société et pour empêcher que ses membres ne se nuisent mutuellement. »

En même temps, comme le rappelle Philippe Raynaud (« Qu’est-ce que le libéralisme ? », Commentaire, n°118, 2007), le libéralisme, pour définir le rôle et l’organisation de l’Etat, porte les idées de séparations et d’équilibre des pouvoirs, ainsi que de représentation, par laquelle le compromis avec la démocratie a pu se produire. En outre, dans le cas de Montesquieu, l’attention portée à un régime représentatif et de séparation (le modèle anglais) amène à mettre en lumière le rôle des partis : « Montesquieu est un des premiers à voir que le ressort politique n’est pas seulement l’agencement des institutions, mais l’équilibre entre les forces politiques qu’on appellera les « partis » ».

 

Chez Marx, le pouvoir d’Etat, devenant le « pouvoir national du Capital sur le Travail », « un  engin de despotisme de classe » (La guerre civile en France) est un enjeu essentiel de la lutte des classes et de la réalisation d’une société communiste idéale, qui doit permettre de le dépasser. Le rôle historique du prolétariat serait bien de s’organiser en parti - comme le rappelle le titre du Manifeste – de conquérir le pouvoir d’Etat mais pour détruire la société de classes, et donc à la fin, l’Etat lui-même. D’ailleurs – et  n’est-ce pas une des principales limites du marxisme ? – la société communiste serait une société sans Etat et en quelque sorte, sans politique : « Les antagonismes de classes une fois disparues dans le cours du développement, et toute la production concentrée dans les mains des individus associés, le pouvoir public perd son caractère politique. Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d’une classe pour l’oppression d’une autre. » (Manifeste du parti communiste).

 

Ainsi, comme nous le montrent les pensées de philosophes, raisonnant d’ailleurs aussi en historiens, tels Montesquieu ou Marx, la structuration de la société repose sur l’Etat, qui lui-même ne peut être délié des rapports entre forces politiques organisées, dans le cadre d’une représentation parlementaire et/ou d’un antagonisme entre classes sociales. D’ailleurs, dans le cas de la révolution française, les libéraux des premières décennies du XIXe siècle sont les premiers à voir en elle une révolution bourgeoise (les limites de ce modèle ne sont pas notre sujet ici), c’est-à-dire le résultat de l’ascension sociale, des buts et de l’action politiques d’une classe.

 

Autrement dit, le politique serait d’abord le problème du pouvoir de l’Etat, ce qu’on appelle la souveraineté, le domaine de la construction, du fonctionnement et du rôle des éléments qui d’une part, incarnent l’Etat, c’est-à-dire les institutions et les régimes, et des éléments qui d’autre part, agissent pour influencer l’Etat ou en prendre la tête, c’est-à-dire les partis ou les autres formes d’organisations politiques (souvent antérieures aux partis modernes), ayant des pratiques propres et sensés incarner des pensées.

Et le politique devient un enjeu d’autant plus vaste quand, par la démocratie, l’Etat moderne constitué et distinct de l’ensemble du corps social, doit en même temps en tirer sa légitimité.

 

Pour quelle vision actuelle du politique ?

 

La crise des identités politiques ainsi que des idéologies transformatrices, la remise en cause des pouvoirs nationaux, l’adhésion dominante à l’économie de marché autorégulé, ainsi qu’à la « démocratie d’opinion » – pour ne pas dire la démocratie du spectacle, du marketing politique et des émotions, ou pour ne pas parler de démocratie de la démagogie – accréditeraient-elles la nécessité d’appréhender le politique autrement, notamment par le culturel ou dans le culturel ?

 

Pourtant, ce sont bien les Etats (sous la forme encore d’Etats nations) qui détiennent l’essentiel des pouvoirs politiques et dans les démocraties, les bases d’une légitimité identifiable.

Ainsi l’UE continue de dépendre des Etats nationaux, même si leurs dirigeants peuvent renoncer à assumer leurs responsabilités, du fait de la difficulté de s’entendre à 27 maintenant et/ou d’une adhésion tacite aux choix de la commission et de la justice européennes. Et si se constitue peu à peu un pouvoir supranational sans Etat, c’est au détriment de la transparence de ses choix, de la délibération sur ses objectifs et de la définition de ses attributions.

 

Et ce sont bien les partis, du fait de la maîtrise du processus électoral (candidatures et investitures) et de la production de projets effectivement mis en œuvre, par la prise du pouvoir, qui tiennent les rouages essentiels de notre vie démocratique, et pas seulement nationale.

Pour reprendre l’exemple de l’UE, les modèles politiques néolibéraux ou néoconservateurs se sont bien imposés d’abord dans des partis, transformés par leurs leaders – le  parti conservateur de Thatcher, le New Labour de Blair – prenant ensuite le pouvoir national ; les députés européens s’organisent bien en groupes parlementaires voire en partis transnationaux ; les membres de la commission européenne, symbole d’une légitimité technocratique, sont bien choisis en fonction de leur appartenance politique, etc.

 

C’est en relativisant, dans l’analyse de nos sociétés, l’importance de l’Etat et le rôle de l’organisation collective, consciente et objective, comme celui d’une réflexion idéologique, rationnelle, et en laissant, dans la pratique, les partis n’être que des syndicats d’élus ou des simples relais des ambitions, personnelles et/ou idéologiques de quelques uns, que l’on se prive finalement de la capacité à comprendre les ressorts de notre avenir commun et à influer sur lui.

La société politique n’est pas alors seulement séparée de la société civile, au sein de toute la société : elle est une espace réservé, à des élus, à des hommes d’appareils et à ceux qui sont à leur service, qui tendent à former une des catégories professionnelles de la société civile, monopolisant l’exercice du pouvoir et de la souveraineté.

Hors de l’Etat (moderne), il n’y a pas de bases pour une légitimité, clairement identifiables par un  peuple, conçu comme un ensemble de citoyens, ayant une certaine densité politique, c’est-à-dire constituant une masse quantitativement pertinente sur un espace déterminé et unie au-delà des appartenances immédiates (familles, communautés, ethnie, ou mêmes communes ou localités). Il faut sinon vider la citoyenneté de son contenu politique, et la réduire à la garantie de la libre circulation des hommes, de la libre entreprise et de la propriété individuelle : des choses pour l’essentiel souhaitables et pas condamnables en soi, mais qui ne permettent pas d’agir démocratiquement, sur l’avenir commun.

 

Hegel  et la « disposition d’esprit politique »

 

N’est-ce pas d’ailleurs ce que pourrait nous rappeler la pensée d’Hegel, issue des Principes de la philosophie du droit, « contre toute philosophie du sujet » (pour reprendre l’expression Jean-François Kervégan, dans sa présentation de cette œuvre).

En effet, Hegel ne nous montre-t-il pas que les lois, les institutions, l’Etat et disons donc, le politique, sont l’œuvre de la pensée, de la volonté rationnelle ? Les institutions objectives viennent de l’intérieur des  individus, de leur volonté subjective de liberté mais recherchant consciemment un accomplissement objectif. C’est ce qu’il appelle le « témoignage de l’esprit », par lequel l’individu est conscient que son essence est la liberté. Il utilise aussi les notions d’ « esprit objectif » (c’est-à-dire objectivant le subjectif) et de « disposition d’esprit politique » pour décrire ce mouvement. Et il paraît difficile de les assimiler aux représentations et aux cultures politiques.

Hegel n’a-t-il pas su remettre la société civile et l’Etat à leur place ? L’existence de la société civile avec les garanties juridiques qui lui permettent d’exister, qui ne peut donc exister sans l’Etat, donne aux individus l’exemple d’un premier niveau d’universalité, leur montre la nécessité d’institutions universelles plus hautes, celles de l’Etat. Alors, « l’Etat est l’effectivité de l’idée éthique » : « l’élément éthique objectif », l’institution la plus universelle, permettant de surmonter les conflits entre individus et de garantir l’existence réelle et concrète de la liberté.

Ainsi, la culture selon Hegel est autre chose que celle dont traitent les historiens. Il s’agit du processus par lequel, grâce à l’expérience de la société civile, l’individu arrive à comprendre, à vouloir et à penser l’existence de l’élément éthique universel permettant la liberté, qu’est l’Etat, en se libérant de sa subjectivité immédiate. « A l’intérieur du sujet, cette libération est le dur travail à l’encontre de la simple subjectivité de la conduite, de l’immédiateté du désir, ainsi que la vanité subjective du sentiment et de l’arbitraire du bon plaisir. »

Cela ne traduit-il pas au mieux ce qu’est ce que l’on appelle souvent l’aspiration au « vivre ensemble » ?

 

Hegel refuse de faire passer les contingences avant la substance rationnelle, objective et éthique de l’Etat : « L’autre contraire de la pensée qui consiste à saisir dans la connaissance l’Etat comme un élément rationnel pour soi est de prendre l’extériorité du phénomène, de la contingence [,] de la détresse, du besoin de protection, de la force, de la fortune, etc. non comme des moments du développement historique, mais au contraire pour la substance de l’Etat. »

Cela ne pourrait-il être appliqué, non seulement à l’Etat, mais à l’ensemble de ce qui structure le politique, partis et bipartition droite/gauche d’abord ?

 

Un enseignement à tirer de la pensée d’Hegel ne serait-il pas la nécessité de lier les individus au politique, de comprendre leur dimension politique, et non de les enfermer dans leur subjectivité ? C’est une question de point de vue dans l’analyse de nos sociétés. C’est une question de survie pour la démocratie. C’est, pour tout citoyen, un appel à la pensée, à la raison et à l’universalité.

 

SB

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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 16:56

Dans le monde daté du 2 avril, mais daté du 1er, sinistre farce, deux idéologues connus, MM. A. Glucksmann et B.-H. Lévy, croient devoir s’efforcer de convaincre l’opinion, la France et l’Allemagne, en fait la chancelière d’Allemagne et le président de la république française, que l’Ukraine et la Géorgie ont leur place dans l’alliance atlantique.

 

De Gaulle est bien mort

Passons sur le fait que l’Otan aurait dû, à tout le moins changer de nom, passons aussi sur le fait qu’il faut une bien grande imagination, ne dit-on pas aussi la folle du logis, pour penser que ces deux états sont réellement des démocraties et leurs leaders les dignes héritiers, si cela  a un sens, de Vaclav Havel et de Lech Walesa, passons encore sur le fait que l’Otan dont la France réintègre sans débat démocratique le commandement militaire intégré au moment où l’on parle de politique étrangère et de défense européennes, est devenue un vecteur d’actions militaires tous azimuts, comme en Afghanistan.

La seule motivation de nos auteurs paraît être à travers la contestation de toute l’histoire de la Russie, la volonté de l’isoler. Anti soviétiques à l’époque du communisme aujourd’hui défunt, anti russes désormais puisque le « national-capitalisme » est désormais, pour eux, le nom du régime de ce pays.

Comme nos deux auteurs ne méconnaissent pas le sens des mots qu’ils utilisent, chaque lecteur en lisant « national-capitalisme » aura spontanément fait les odieux rapprochements sémantiques qui s’imposent. Et pour en rajouter sur le signifié, il est question des nouveaux tsars du Kremlin. Vous avez dit, philosophes ?

Il faut donc considérer que la Russie n’est pas en Europe, les mêmes nous disant que la Turquie, elle, y serait, que le peuple russe ne mérite pas les faveurs de l’Occident, alors que quarante pour cent de la population de l’Ukraine est russe et russophone, que cette marche-frontière serait un glacis utile, et que la sanctuarisation de territoires est la dernière invention de la géopolitique. Quant à la Géorgie, Saakachvili démocrate, il faut déjà un certain toupet, pour le soutenir ; accordons qu’il l’est autant que ses voisins du Nord.

Il y aurait donc des alliés « naturels » de l’Europe et des Etats-Unis, curieusement les mêmes, comme si l’histoire de tous les pays d’Europe était identique, et un ennemi désigné, la Russie ? Qui peut ajouter foi à cette fable ?

Au moment où certains s’intéressent au Tibet, faut-il rappeler qu ‘en ce qui concerne les langues parlées et écrites, il y a beaucoup moins de différences entre l’ukrainien et le russe qu’entre le tibétain et le chinois, cantonais ou mandarin, voire qu’entre le français et l’occitan ? Faut-il rappeler qu’à l’exception des états baltes, l’indépendance des constituants de l’ex-URSS, fut non pas portée par une explosion libératrice et enthousiaste des peuples mais par la volonté d’apparatchiks reconvertis dans le nationalisme, le « national-affairisme », pour parler comme nos deux intellectuels, bien plus que convertis à la démocratie, à l’exemple d’un Boris Eltsine dont l’évident moteur fut l’appétit du pouvoir ?

Il est vrai que si on reconnaît l’indépendance du Kossovo et la nécessité historique de deux états albanais, on peut dans la foulée nier que l’Ukraine culturellement, historiquement, ethniquement soit plus proche de la Russie que des Etats-Unis. Contradiction dans le fait qu’ici on crée un état sur une base ethnique et que là on passe allègrement sur d’aussi proches cousinages ? Qu’en pensent les extrémistes flamands ?

 

 L’empire universel ?

 

L’Otan n’est plus désormais que le faux –nez d’un outil militaire dont les opérations les plus précises doivent à peu près tout à la technologie américaine, awacs et satellites inclus. Le traité de Lisbonne  fait de l’Otan le cadre de la politique étrangère européenne, son principe même.

L’indépendance de l’Europe qui pourrait avoir un sens dès que cette « expérience de gouvernement sans état », comme dit Anthony Giddens, croira collectivement à un destin commun, n’intéresse visiblement pas ceux qui, avec l’Otan, ont accepté la guerre en Irak et y ont quelque temps envoyé des contingents.

L’ennui, c’est que le gouvernement américain, lui, pense d’abord aux intérêts américains ou à des intérêts américains ; rien ne dit que la politique étrangère de l’Europe vue de Washington, ait un autre objectif que de « fixer », par exemple, la Russie. Quand Bush senior déclara que la Turquie avait sa place dans l’Union européenne, il ne dit pas autre chose, moyennant l’utilité d’une forte armée alliée à proximité des réserves pétrolières, aussi longtemps qu’on en aurait besoin.

Pour des raisons budgétaires, pour éviter aussi une prise d’indépendance difficile à maîtriser, le gouvernement américain a essayé de faire de l’Otan un outil d’intervention élargi à la planète, chasses gardées au sud du Rio Grande et circum-pacifiques exclues. « Caniche de Bush », ce n’était pas si mal vu et après Blair, d’autres en ont pris la peau. Mais quel rapport cela a-t-il avec la démocratie ?

« Les signataires de cette lettre n’ont ni fonction, ni mandat. » Hélas, si : ils servent fidèlement un maître, si l’on peut ainsi désigner un modèle politique et social et de même que certains pensent le capitalisme indépassable, crise financière et saccages écologiques compris, d’autres pensent que l’intégration de peuples souverains « à notre famille politico- militaire » est un progrès décisif pour l’histoire du monde et de la démocratie. La démonstration serait plus convaincante si la notion même de « peuple souverain » n’était pas systématiquement niée par la pratique des dirigeants politiques de nos démocraties occidentales ; l’Europe sans les peuples n’est pas une invention des anti-européens et quand on ose dire que certains sujets sont trop complexes pour les soumettre aux aléas d’un référendum, on ôte au citoyen sa propre identité. Quelle est la légitimité d’un élu dans ces conditions ?

La fin de l’histoire n’est cependant pas si évidente ; dans une économie mondialisée (et c’est bien pour cela que national-capitalisme n’est pas un mot de hasard) qui se passerait volontiers des nations et donc aujourd’hui, « les choses étant ce qu’elles sont », des citoyens pour n’avoir à faire qu’à des consommateurs universels, il semble ici ou là que la nécessité de règles acceptées par tous impose que la question de la légitimité politique continue encore de se poser assez longtemps.

 

JPB

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20 février 2008 3 20 /02 /février /2008 19:15

L’appel du 14 février, Pour une vigilance républicaine, publié par Marianne, réunit des signataires sensés représenter, selon la définition de cet hebdomadaire, les « six grands courants qui participent à la vie politique du pays : la gauche, le centre-gauche et l’écologie, le centre autonome, le centre droit majoritaire, le gaullisme et la droite souverainiste ». Parmi eux, pour ce qui est des personnalités politiques les plus connues, on relève notamment les noms de Dominique de Villepin, Ségolène Royal, François Bayrou, Bertrand Delanoë, Noël Mamère, Arnaud Montebourg, ou encore Jean-Pierre Chevènement, qui doit nous refaire une poussée de « ni de droite, ni de gauche ».

La logique de cet appel relève sans doute d’une stratégie dépassant les motivations de ses zélateurs et de ses signataires qui pourraient être de bonne foi. La facilité à utiliser le terme de « centre » pour caractériser de soi-disant forces politiques, par la rédaction de Marianne, en serait une illustration.

 

Transcender les clivages de partis et de personnes pour défendre quelques unes des bases de la République et l’image de la France, menacées par l’exercice du pouvoir d’un président indigne, pourrait avoir un sens, à condition que la clarté et la sincérité des idées républicaines des uns et des autres soient irréprochables et compatibles.

La IIIè République a bien été établie et défendue par l’alliance, même discontinue dans le temps, allant des républicains les plus modérés, souvent libéraux sur le plan économique, aux plus progressistes, issus du mouvement ouvrier. Mais cette alliance avait une cohérence, une lisibilité et une identité fortes pour les Français, des classes moyennes comme des classes populaires : elle se faisait au sein de la gauche (de l’époque) et à partir d’une conception maximale, exigeante et originelle de la République.

On ne peut en dire autant de la liste des signataires de l’appel du 14 février, qui ne comptera pas beaucoup voire pas du tout dans l’histoire, mais qui a le mérite de mettre à jour la faiblesse actuelle du politique et les errements d’une partie de la gauche, renonçant à porter justement une vision propre, à la fois fidèle et dynamique, de la République.

 

Sans dénoncer nommément le Président actuel, les signataires de ce texte prétendent réaffirmer quatre convictions : « leur refus de toute dérive vers une forme de pouvoir purement personnel » ; « leur attachement aux fondamentaux d’une laïcité ferme et tolérante » ; « leur attachement à l’indépendance de la presse et au pluralisme de l’information » ; leur attachement à « une politique étrangère digne, attachée à la défense du droit des peuples, soucieuse de préserver l’indépendance de la France et de construire une Europe propre à relever les défis du XXIe siècle ».

Le problème ne vient pas de la nature de ces prises de position, mais bien de la démarche qui conduit à leur formulation et de la crédibilité de ceux qui y souscrivent, ainsi que de leur pertinence pour améliorer le sort de nos concitoyens.

 

Reprenons point par point. S’associer des représentants du gaullisme pour se donner bonne figure, tout en dénonçant la personnalisation du pouvoir, est naturellement incohérent, sauf si l’on veut ignorer l’histoire et éviter la remise en cause de notre système institutionnel.

Cette personnalisation est d’autant plus insupportable qu’elle est le fait d’un président ridicule, qui la pousse très loin et qui déshonore son pays. Mais elle n’est pas nouvelle et elle est intrinsèque à la Vè République. Elle est avant tout le résultat de la constitution  gaullienne de 1958, de la réforme de 1962 établissant l’élection du président au suffrage universel direct et de la pratique du pouvoir de De Gaulle.

La plupart des signataires, tel D. De Villepin qui voulait gouverner à coup de 49-3, comme de nombreux responsables politiques et élus locaux, ne devraient-ils commencer par s’interroger sur leur propre pratique du pouvoir ?

 

Second point, la laïcité. Il est incontestable que N. Sarkozy mène à son encontre une attaque systématique, fallacieuse et violente, qu’il avait commencée en tant que ministre de l’intérieur, sans que beaucoup réagissent, sûrement pas ses complices de droite de l’époque.

Rappelons au passage à quel point J. Chirac avait pu montrer la voie du rapprochement de l’Etat et de l’Eglise catholique, marquant constamment et au nom de la France, sa déférence à l’égard de Jean-Paul II et proclamant par exemple, dès 1996, lors de sa visite au Vatican, que la France devait se souvenir « de son titre de fille aînée de l’Eglise » et que « la France et le Siège Apostolique » avaient « vocation à travailler ensemble, toujours plus étroitement ».

On n’a pas alors beaucoup entendu de voix, parmi les signataires de l’appel du 14 février –mais pas seulement parmi eux, c’est malheureusement vrai – s’élever contre l’attitude de J. Chirac, ni critiquer la création d’un conseil français du culte musulman, s’inscrivant dans la logique cléricale et communautariste de N. Sarkozy… et d’autres. Quant à S. Royal, qui s’est déjà plusieurs fois inspirée de citations de la Bible dans ce qui lui sert de rhétorique politique, sans doute devrait-elle commencer par s’interdire de telles imbécillités.

 

Troisième point, l’indépendance de la presse et le pluralisme de l’information, pourrait être un terrain plus ouvert au consensus droite/gauche. L. Fabius a déjà lancé à ce sujet précis une pétition dépassant la dénonciation et proposant une véritable organisation du temps de parole télévisuel.

Menacées par la présidence de N. Sarkozy, la dignité et l’utilité du monde médiatique le sont aussi par des phénomènes plus profonds, qu’il ne faudrait pas « oublier », comme la peopolisation et la « démocratie d’opinion », avec toutes ses outrances et ses provocations, terrains sur lesquels quelques uns de nos signataires n’ont pas manqué de s’illustrer (inutile de citer la pire en ce domaine) ou comme la mainmise de grandes firmes sur la plus grande part de la presse.

 

Dernier point, la politique étrangère de la France. Certes le tournant américain de N. Sarkozy est plus qu’inquiétant. J. Chirac l’avait entamé, à propos de l’OTAN, avant de devoir, étant donné l’état de l’opinion française, s’opposer aux Etats-Unis au sujet de la guerre en Irak.

L’appel du 14 février ne semble pas remettre en cause une ancienne politique africaine, toujours aussi malsaine,  qui transcende en effet les clivages droite/gauche !

Et sur le plan européen, il eût été plus nécessaire de s’en prendre à la ratification honteuse du traité de Lisbonne, voulue par  N. Sarkozy, que les plus importants des signataires ont soutenu, D. De Villepin, S. Royal, F. Bayrou et B. Delanoë en tête. Là aussi, certains, quand il s’agit de tourner le dos à la démocratie et à la République, au nom de l’Europe, arrivent à dépasser le clivage droite/gauche.

 

Au bout du compte, à quoi sert-il de proclamer un « attachement » personnel – toujours les personnes d’abord – à des convictions, plus ou moins douteux suivant les signataires ? Les Français attendent-ils que les uns ou les autres paradent ou s’érigent en gardiens de la moralité publique, pour leur propre image, ou pire, pour une démarche politique visant à constituer une sorte d’alliance « arc-en-ciel » à dominante centriste ?

On comprend que cela soit l’intérêt de F. Bayrou, voire de D. De Villepin, qui ne sont pas des idiots, à défaut d’être intellectuellement honnêtes. On voit moins quel serait l’intérêt de la gauche de rejouer la diabolisation de N. Sarkozy aux côtés de ceux qui à droite, ont besoin de s’en démarquer.

La mission historique de la gauche est de changer la société et ses institutions et avant tout, de remettre en cause des systèmes.

Au sujet des 4 points de l’appel, n’aurait-il donc pas été plus utile pour le débat démocratique et pour la construction d’un rassemblement majoritaire, de gauche :

-         de réclamer une VIè République, destinée à réhabiliter le rôle du Parlement ainsi qu’à faire reculer la personnalisation du pouvoir, à tous les niveaux de son exercice, y compris ceux des collectivités territoriales « féodalisées »,

-         de dénoncer clairement ce qui menace la laïcité, c’est-à-dire la complicité de la présidence et de la papauté, la montée du communautarisme, le relativisme « politiquement correct » et par-dessus tout, le nouveau dogme du marché autorégulé et globalisé,

-         de refuser les dérives de la démocratie d’opinion et la collusion entre le monde des affaires, des politiques et des médias,

-         d’appeler à une nouvelle politique étrangère, notamment vis-à-vis de nos anciennes colonies et de nos partenaires de l’UE et prenant le contre-pied des tentations atlantistes véhiculées par le défunt TCE comme par le Traité de Lisbonne, qui font de l’Europe une puissance mort-née sous obédience américaine ?

 

Il est certain que des propositions allant dans ce sens auraient pu repousser bien des  signataires de l’appel du 14 février et n’auraient pas permis un rapprochement de personnalités de droite et de gauche. Mais est-il bon pour la gauche, de confondre son identité républicaine, avec celle, minimale, voire trompeuse, de la droite ?

Il faut d’ailleurs noter, enfin, un principe que nos signataires ont mis de côté, ce qui est inacceptable, justement d’un point de vue républicain, de gauche en tout cas. Dans leur dénonciation sous-entendue de l’exercice du pouvoir de N. Sarkozy et dans leur soi-disant défense de la République, rien n’est écrit à propos de son caractère social, alors même que les réformes voulues par N. Sarkozy mèneraient à démanteler rapidement l’essentiel de notre Etat Providence.

Il est vrai que parmi les signataires, la plupart se sont rattachés, en actes (D. De Villepin le premier) et/ou en idées, à une telle politique, ayant renoncé à faire de l’Etat ou de la construction européenne les garants de la protection sociale et de la régulation de l’économie. Il est vrai aussi que c’est sans doute au prix du sacrifice de la République sociale, à laquelle la majorité de nos concitoyens reste pourtant attachée, qu’un rapprochement entre une partie de la droite et de la gauche pourrait avoir lieu, au « centre ».

 

SB

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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 10:41

Tels des Ubus obtus les  thuriféraires habituels de la droite française, éditorialistes du Point mais pas seulement, continuent de délirer sur les conservatismes des corps intermédiaires voire du peuple tout entier pendant que le patronat le moins entreprenant du monde prétend assurer et augmenter sa rente en pesant sur les salaires, le droit du travail et la protection sociale…

 

Des patrons…

 

Madame Parisot déjà immortalisée par une formule aussi péremptoire que fausse sur la précarité, a cru devoir justifier les très hauts salaires des grands patrons du CAC 40, au nom de la nécessaire présence des « talents » à la tête des entreprises françaises. L’exemple, après d’autres, des dérapages de la Société Générale montre pourtant une fois de plus que ni le talent, ni le sens des responsabilités ne caractérisent vraiment lesdits chefs d’entreprise : qui peut dire que la personnalité d’un chef d’entreprise et ses choix stratégiques sont les causes uniques de la croissance de l’entreprise qu’il dirige ? Dans combien de cas le choix d’un homme a-t-il été déterminant ? Quand l’école ne permet pas à tous les jeunes accès à la culture et à l’emploi, les bonnes âmes incriminent les professeurs ; quand le commerce extérieur est déficitaire ou que le taux de croissance est à la traîne derrière nos voisins européens comparables, les mêmes s’en prennent aux structures, pour les réformer, sur le dos des salariés, mais jamais aux patrons qui pour le coup, n’échouent jamais ! Vous avez dit  « bizarre » ?

Car enfin qu’est-ce qu’un bon manager ? Quelqu’un qui développe l’emploi et la richesse collective du pays par son investissement dans la recherche et sa présence sur les marchés mondiaux ou quelqu’un qui se contente et ne s’assigne pas d’autre but réel que de distribuer des dividendes à des actionnaires dont la prise de risque personnelle est quasi nulle ? Quelqu’un qui se constitue une fortune personnelle par un volume de stocks-options attribué par un comité secret et contre le droit de propriété des petits actionnaires ou quelqu’un qui assume la présence de l’entreprise dans le tissu social et reconnaît que les services publics, les conditions environnementales, la formation initiale des salariés, les normes comptables et la fiscalité sont des éléments constitutifs de l’activité de l’entreprise ?

Dans la France de 2008 personne apparemment ne se soucie de ces distinctions au point d’en tirer un programme politique. La mondialisation vous dis-je !  A moins que l’Europe… ?

La commission Attali ne s’est pas penchée sur ces questions car elle ne visait nullement à favoriser la croissance en France, quelques-unes de ses décisions étant franchement  de l’ordre de la provocation (évaluation des professeurs, casse de l’institution scolaire, suppression des départements…) : son objet était de donner un semblant de justification à une politique de réformes qui ne fait qu’accompagner les intérêts à court terme des possesseurs de patrimoine et sans autres nuances que les reculs que pourrait imposer le mouvement social ; la défense qu’en a tentée  M. Orsenna honore sa loyauté à l’égard de M. Attali mais certainement pas sa lucidité politique.

 

…A l’œuvre au noir

 

Il n’est d’ailleurs pas possible et, disons le crûment, pas sérieux de proposer des recettes de prospérité à une équipe gouvernementale qui a déjà accumulé avec un troupeau affolé d’élus godillots autant de sottises et de bassesses législatives.

Détaillons : un bouclier fiscal et quinze milliards de cadeaux inutiles car non réinvestis dans les activités productives. Une loi sur le risque de récidive qui sous le prétexte rebattu de la compassion à l’égard de victimes potentielles remet en cause le principe de rétroactivité des lois (bonjour les sections spéciales !), et confère des pouvoirs attentatoires aux libertés publiques à des experts en l’absence de toute nouvelle commission de crime ; le tout avec des prisons surchargées et sans suivi médical sérieux suffisant ! Un amendement ADN qui n’est pas très loin de refonder le droit de la famille sur le droit du sang : à quand la « limpieza de sangro » ?  Une loi sur l’autonomie des Universités qui fait de présidents sans programme ni légitimité particulière des potentats fort éloignés des franchises universitaires … Des reconduites à la frontière chiffrées pour un ministre de l’identité nationale…Un militant du Réseau éducation sans frontière vient d’être condamné à une amende pour avoir comparé cela au régime de Vichy. Mais quelles sont les lois votées depuis 10 mois bientôt qui marquent clairement la volonté politique d’améliorer le sort des Français et  le fonctionnement démocratique de nos institutions ? La loi TEPA qui par les heures supplémentaires contribue à dévaloriser un peu plus la valeur du travail salarié ? Le Traité simplifié qui ne fut en rien renégocié et fait un pied de nez par la méthode de ratification choisie à la volonté populaire, et cela on en est sûr puisque le référendum possible a été clairement identifié comme un nouveau risque de refus ?

Rien de bon pour qui réfléchit et n’est pas à la solde de quelque oligarque ; après tout le mot peut bien désigner les vrais maîtres de ce pays puisque le respect de la liberté de la presse ne va guère plus loin que dans la Russie de M. Poutine. Rien de bon pour qui pense en citoyen.

Rien de neuf non plus par rapport à tout ce qu’on savait du programme de la droite et des obsessions du candidat, laïcité comprise. Nous nous sommes interrogés sur le point de savoir si le président était « républicain » (blog, 21/09) ; ses élucubrations religieuses, ses dérapages morbides sur la shoah sont aussi bien des coups médiatiques que l’expression d’avis personnels qui malheureusement sont ceux  du chef de l’Etat. Mais comme rien de cela n’est franchement inattendu puisque certaines choses avaient été écrites et signées par le candidat Sarkozy, peut-être pourrait-on se demander quelle insoutenable légèreté a conduit le PS à opposer à cet homme le moins efficace possible des adversaires en investissant son simple reflet de « gauche » ?

Qui se souvient du dernier discours de Miguel de Unamuno, le 12 octobre 1936, en réponse à l’exaltation fasciste du général Millan Astray criant « Viva la muerte » ?

Les esprits pondérés nous diront que la France n’est pas en guerre civile et qu’il ne faut pas exagérer la nature radicale et fondamentale des remises en cause du pacte social entreprises par les gens au pouvoir. Les esprits pondérés se trompent souvent et c’est en endormant le peuple qu’on facilite son oppression.

Le recteur de l’université de Salamanque avait dit : « Vous vaincrez, parce que vous possédez plus de force brutale qu’il ne vous en faut. Mais vous ne convaincrez pas, car pour convaincre il faudrait que vous persuadiez. Or pour persuader, il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la Raison et le Droit dans la lutte. Je considère comme inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. » Celui qui était alors le plus grand intellectuel d’Espagne mourut le 31 décembre de la même année. Est-ce pour cela qu’aucun intellectuel, à défaut d’une voix de l’opposition, ne s’est dressé ? Ou bien n’y a-t-il plus d’intellectuel digne de ce nom en France, mère des arts…?

 

JPB

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10 février 2008 7 10 /02 /février /2008 01:03

0.5 %. C’est le taux d’augmentation du point d’indice que N. Sarkozy a annoncé aux fonctionnaires, preuve à la fois de sa sensibilité à une impopularité croissante et de son peu de considération, étant donné la faiblesse du chiffre, pour la fonction publique. Ce manque de considération est sans doute la manifestation d’un sentiment « anti-fonctionnaire » à la mode dans certains milieux. Mais il est davantage le reflet d’un projet visant à réduire le service public au minimum et à substituer à la fonction publique de carrière une fonction publique d’emploi. Or, on ne peut séparer les formes de la fonction publique et celles de l’Etat, ni la réforme de l’Etat et ses effets sur la cohésion sociale. Car on ne peut réduire non plus la société à la seule société civile : l’Etat institue la société et peut même être considéré comme son aboutissement le plus haut.

 

Dans une fonction publique d’emploi, les fonctionnaires sont recrutés pour un emploi déterminé, qui peut n’être que momentané, sans droit à faire carrière. C’est le modèle qui a d’emblée prévalu aux Etats-Unis.

Dans une fonction publique de carrière, l’emploi et une carrière régulière sont garantis aux fonctionnaires, ce qui implique un cadre réglementaire fort et l’élaboration d’un statut pour les fonctionnaires. Les fonctionnaires ne sont alors pas des salariés comme les autres, non pas supérieurs (ils ont des contraintes que les autres salariés n’ont pas) mais bien différents, afin qu’ils puissent se consacrer en toute indépendance et sereinement à la nature particulière de leur mission, qui relève de l’intérêt général. C’est le modèle qui l’a emporté en Europe, parallèlement à la construction de l’Etat moderne, à partir du XIIIème siècle.

 

La particularité de ce que serait une fonction publique « à la française » n’a  relevé, dans un premier temps, que de son ampleur quantitative. Ce n’est qu’à partir des années 80, avec la création du premier statut unifiant une seule fonction publique en 3 versants (Etat, hôpitaux et collectivités territoriales) par les lois de 1983-84-86, que la primauté donnée à une fonction publique de carrière, est devenue une spécificité en bonne partie française.

Car au même moment, suivant la vague néolibérale et néoconservatrice anglo-saxonne, l’introduction du principe de l’emploi commençait à se répandre dans les fonctions publiques en Europe. Contractualisation, gestion managériale, menaces de privatisation, réductions des effectifs, et en bref, « défonctionnarisation », sont devenues les axes prioritaires des politiques dites de « modernisation » de l’Etat, pour ne pas dire de désengagement de l’Etat de la vie économique et sociale et de passage à un Etat Providence libéral ou « résiduel ».

 

Ce démantèlement des fonctions publiques en Europe est un contresens historique dont la France et les Français ont tout intérêt à se passer.

En effet, au cœur de la construction de fonctions publiques de carrière, se trouve la volonté de distinguer au sein de l’Etat, la fonction politique (ou de gouvernement) et la fonction administrative, capable d’inscrire l’action d’un régime politique dans la durée, par-delà les alternances de gouvernement. Le rôle de l’Etat moderne a progressivement été d’unifier la fonction publique, de la rendre indépendante, pour professionnaliser et rationaliser l’administration.

 

L’accentuation de ce processus historique en France, est le fruit d’une rupture, dans la continuité de la constitution de l’Etat moderne : celle de la Révolution aboutissant dans l’établissement de la République. Certes, la croissance et l’organisation de la fonction publique relèvent aussi de dynamiques sociales, liées à la volonté d’amélioration de leur condition par les différents corps de fonctionnaires. Et cela ne les disqualifie pas forcément !

Mais il y a plus important, si l’on considère qu’au-delà des contingences, il existe une volonté générale rationnelle au sein d’une nation, qui imprime sa marque aux régimes politiques et aux formes de l’Etat. Car la garantie de la carrière et l’unification sur le modèle de la fonction publique d’Etat, consistent finalement, à pousser jusqu’au bout la logique de rationalisation et de distinction entre fonction politique et administrative, recouvrant à partir du XIXème siècle en France, la notion de service public. C’est l’œuvre d’une pensée républicaine dans laquelle la rationalité, sur le modèle des sciences, suppose la reproduction et la systématicité de l’action Etat, qui s’inscrit dans la durée, au nom de principes d’égalité, d’indivisibilité, et ensuite d’une idéologie du service public.

Cette logique est prolongée, après 1945, par l’Etat Providence, qui renforce son intervention dans la vie sociale et économique, régule et réglemente le marché, organise la protection sociale.

En somme, l’existence d’une fonction publique de carrière forte est bien le reflet des principes de l’Etat providence républicain, lui-même fondé sur le soutien toujours renouvelé de larges majorités, alliant solidement classes moyennes et classes populaires (paysannerie puis monde ouvrier). Ce contrat social et politique va bien au-delà du dialogue entre le pouvoir et les fonctionnaires et en l’état, personne n’a reçu le mandat de le défaire.

 

N. Sarkozy se propose en France de transposer ou plutôt de finir de transposer – les précédents se sont accumulés depuis le gouvernement Chirac II, lors de la première cohabitation – les politiques de défonctionnarisation et de réduction de l’Etat providence. Savent-ils vraiment, lui et ceux qui adhèrent à ces politiques, ce qu’ils font ?

C’est l’Etat (fédéral) américain qui fournit le modèle d’une intervention minimale (le plus souvent), pour réguler le marché, redistribuer les richesses, instituer et protéger la société, avec la fonction publique d’emploi qui suffit pour cela. Mais la nation américaine tient grâce à d’autres facteurs de cohésion : les communautés, la religion, le maintien d’une vision messianique de son rôle dans le monde, appuyée sur sa superpuissance objective, le patriotisme, même s’il s’exacerbe souvent…

Est-ce cela que l’on veut pour la France et pour l’Europe ? Et même si beaucoup le voulaient vraiment et consciemment, réalisent-ils quel serait le coût social de la transition vers un modèle aussi inadapté à nos sociétés ? Veut-on renoncer à promouvoir l’Etat providence républicain et une fonction publique contribuant à inscrire ses principes dans la réalité ? C’est par cette question qu’il faut commencer.

 

SB

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3 février 2008 7 03 /02 /février /2008 12:23

Exceptionnellement ;) un article qui vient d'ailleurs, écrit par Caroline Chevé (une collègue de philosophie), qui reprend son intervention à l'université populaire et républicaine de Marseille.

« L'égalité, prise au sens littéral, est un idéal mûr pour la trahison. Ceux qui, hommes ou femmes, s'engagent à la respecter, la trahissent, ou semblent la trahir, dés qu'ils organisent un mouvement pour l'égalité et se distribuent entre eux du pouvoir, des postes et de l'influence. (...) Des gens de ce genre sont à la fois nécessaires et inévitables, et ils sont certainement quelque chose de plus que les égaux de leurs camarades. Sont-ils des traîtres ? Peut-être que oui – mais peut-être que non.»

Michael Walzer, Sphères de justice, Seuil.

 

 

L'égalité, un projet problématique

Conséquences de la nature, ou des processus sociaux, toute situation sociale est à l'origine inégalitaire. Le fondement égalitaire de la société que l'on trouve dans les théories du contrat, chez Rousseau par exemple, est une fiction théorique : l'homme est toujours déjà en société, et dans une situation inégalitaire.

Les réponses traditionnelles au problème de l'égalité (rôle de l'Etat, intervention politique...) soulèvent le problème de la mesure : un système ayant pour finalité d'empêcher toute apparition d'inégalités dans une société donnée devrait intervenir sur la quasi totalité de l'existence des individus et prendrait inévitablement une forme totalitaire dont nous ne voudrions à aucun prix.

L'égalité est donc toujours un idéal, un projet à instaurer, qui soulève à la fois la question de la manière et de la nature : de quoi parlons-nous quand nous parlons d'égalité ? Quelle égalité voulons-nous instaurer ? Comment la réaliser, en prenant ce dernier terme au sens fort, la rendre réelle, effective ?

L'égalité n'est pas une fin en soi. Si nous voulons l'égalité, c'est parce que nous pressentons, parfois confusément, que l'égalité entretient un rapport étroit avec la justice, qui, elle, peut constituer une fin politique en soi. Le problème de l'égalité a pour toile de fond un problème philosophique et un problème plus proprement politique. Qu'est-ce qu'une société juste ? Comment rendre une société plus juste ?

 

C'est cette double armature, philosophique et politique, du problème de l'égalité, mais aussi l'écart qui existe entre le sens philosophique d'un concept et l'usage politico-médiatique d'une formule qui nous impose de distinguer, dans cette présentation, l'analyse de l'usage des idées d'égalité des chances et d'égalité des droits et l'analyse de leur sens et de leur valeur.

 

  1. De l'égalité des droits à l'égalité effective

 

L'égalité des droits constitue la réponse traditionnelle de la philosophie des Lumières au problème de la justice. Une société est injuste, et nécessairement inégalitaire, si les droits qui s'attachent à tel ou tel individu dépendent de tel ou tel critère (naissance, richesse, talents...) plutôt que de sa seule appartenance à la société. Les droits seront donc les mêmes pour tous. Et comme il ne suffit pas que les hommes naissent égaux en droits, mais aussi qu'ils le demeurent, les droits seront aussi garantis, par la loi et les institutions.

Mais que les droits soient identiques et garantis ne suffit pas à les rendre effectifs, c'est-à-dire à assurer que l'individu en jouisse réellement et pleinement.

Ex : Chaque individu a droit de présenter le baccalauréat. Aucune condition n'est exclusive de ce droit (sauf sanction pénale). L'égalité est-elle réalisée par cela seul ? Ou alors à quelle condition le sera-t-elle ? Faut-il que chacun ait la possibilité de le tenter s'il s'en montre capable ? Soit amené au niveau requis pour le tenter ? Pour le réussir ? Ou que chacun le réussisse effectivement ?

On voit bien par là que si l'égalité des droits est évidemment la condition nécessaire à tout projet d'égalité, elle ne s'impose pas comme condition suffisante. Une fois posée l'égalité des droits, le problème reste entier : il faut délimiter ce que l'on entend par égalité réelle, et chercher comment la réaliser.

 

La réflexion sur l'égalité des chances en philosophie constitue une tentative de résolution de ce problème du passage de l'égalité des droits à l'égalité réelle. En effet la formule égalité des chances est à l'origine la traduction de la formule de J. Rawls « Equal opportunities ». Cette « opportunité » est conçue comme l'occasion effectivement donnée de jouir de ses droits. Elle va donc plus loin, sur le chemin de l'égalité réelle, que la simple affirmation théorique de l'égalité des droits puisqu'elle est une tentative de rendre les droits égaux effectifs.

Cela peut surprendre parce que si le terme d'égalité des chances s'est depuis quelques années imposé à droite comme dans une partie de la gauche, comme substitut de la revendication d'égalité, la critique qu'en font certains discours de gauche tend, un peu rapidement peut-être, à reprocher à l'égalité des chances d'être en retrait par rapport à l'égalité des droits.

C'est ce point particulier que nous voudrions tenter d'éclairer et qui nécessite que l'on distingue avec soin, pour les comprendre et juger de leur valeur, l'usage politique qui est fait de la formule « égalité des chances », et le sens philosophique du concept d'égalité des chances tel qu'il est développé par J. Rawls en particulier, dans Théorie de la justice.

 

  1. Usage politique de la formule « égalité des chances ».  Comment expliquer la séduction qui est à l'oeuvre dans une telle formule ?

 

Quelques exemples

 

2006  Loi Raffarin dite « sur l'égalité des chances » : l'apprentissage à 14 ans, la discrimination positive, le socle commun de connaissances, le CPE...

« Il s'agit de redonner à tous les citoyens, quelles que soient leurs origines, leurs croyances ou leurs choix personnels de vie, confiance dans la reconnaissance équitable de leurs mérites et de leur place dans la société. »

Dans le même temps la formule se répand sur des banderoles spontanées dans des manifestations « pour une vraie égalité des chances »

2007 : année européenne de l'égalité des chances

2008 : colloque du SE-l'UNSA sur le socle commun de connaissance. François Dubet, sociologue : Pourquoi défendre aujourd'hui l'idée de socle commun? "Au nom justement de la critique de l'égalité des chances", répond François Dubet. C'est pourquoi il défend l'idée d'un "Smic culturel". "Avec le socle commun, la différentiation ne se fera plus par le rattrapage. Les plus mauvais ne seront plus sans cesse en train d'essayer de rattraper les meilleurs. On créera donc des inégalités qui ne dégraderont pas le sort des plus faibles: ce seront donc des inégalités acceptables. »

Ici les pistes sont d'autant plus brouillées que F. Dubet, sociologue classable à gauche, affirme que l'école est actuellement soumise à l'idée d'égalité des chances, alors que la droite cherche à imposer ce modèle à l'école ce qui suppose qu'il n'y domine pas. Il s'oppose à l'égalité des chances, prétendu modèle de l'école actuelle dans laquelle tous les élèves reçoivent le même enseignement et ont les mêmes objectifs (les programmes), pour aller encore en deça.

 

1) L'existence sociale comme jeu ?

La fortune française de cette formule pourrait bien venir de sa traduction : la chance, l'idée plaît. Nous aimons la chance. C'est ce que nous nous souhaitons volontiers entre nous, ce de surcroît que l'on n'espère même pas et qui nous tombe dessus sans qu'on l'ait cherché ni mérité.

La représentation sous-jacente est celle d'une existence dont la réussite dépend à la fois d'une part d'effort, de travail, de mérite, et d'une part de hasard sur lequel nous n'avons aucun pouvoir,  injuste, ou plutôt ni juste ni injuste, puisque sans raison ni mesure.

Ex : la santé, la beauté, les talents ou la naissance, le sexe.

 

Egaliser les chances ne peut alors que séduire : en égalisant les chances, il ne reste que le mérite qui distingue les individus. Et les différences de réussite, les inégalités, sont alors justes parce que justifiées par l'effort.

La métaphore sous-jacente est ici celle de la vie en société comme jeu. Qu'est-ce en effet qu'un jeu ? Une situation artificielle dans laquelle chaque joueur est placé sur la même ligne de départ, soumis aux mêmes règles connues par tous. La victoire résulte de la double action de la chance, ou plutôt du hasard (les dés), et de l'habileté (la stratégie). Plus la part faite au hasard est étroite, plus le jeu est considéré comme significatif du talent des joueurs. Si le hasard est absent, le résultat du jeu est considéré comme juste, au sens ou il n'est que la conséquence de l'habileté supérieure d'un joueur.

 

Ce qui est perçu spontanément comme juste, c'est la reconnaissance du mérite.

 

2) Le mérite, critère de justice ?

La métaphore du jeu est-elle transposable à l'existence sociale réelle ?

-         La situation de départ n'est jamais la même pour tous : différences physiques, sexuelles, génétiques, différences liées aux déterminismes sociaux, à l'origine, la culture, différences dans la possession des capitaux économiques, sociaux, culturels...

-         Les règles ne sont pas connues également de tous, beaucoup sont implicites : conventions sociales, modes de reconnaissance entre pairs, méandres de l'administration, du système éducatif...

-         On ne joue pas chacun son tour selon un ordre précis et équitable. Les opportunités sont réparties très inéquitablement.

 

L'exigence d'égalité des droits apparaît comme tentative pour s'approcher de la situation égalitaire initiale de tout jeu. Et l'idéologie du mérite vient à ce titre la contredire et constituer une régression en terme de réalisation de l'égalité.

Ex : obtention de la nationalité française par le droit du sol (égalité absolue des droits) ou par le respect de certains critères (maîtrise de la langue et de la culture, intégration, bonne volonté...). Ici on donne bien à chaque personne née en France de devenir français, on ne lui en donne pas le droit.

 

Ex : apprentissage à 14 ans. On prétend donner à l'enfant sa chance de réussir dans le monde professionnel malgré son échec scolaire, en négligeant que cette réussite n'aurait jamais été comromise, bien au contraire, par une scolarité jusqu'à 16 ans.

 

Le mérite pourrait constituer un critère de justice si la ligne de départ était bien la même pour tous comme dans un jeu. Mais ce n'est évidemment pas le cas et ce n'est même pas cela que vise la politique d'égalité des chances.

La politique de l'égalité des chances ne consiste en fait pas du tout à égaliser les chances de départ, mais à amortir les effets de la malchance à l'arrivée.

 

3) Formule nouvelle, dichotomie classique

Le discours sur l'égalité des chances est un discours idéologique. La formule, unique, masque en fait la confusion entre deux sortes de « malchances » :

-         celles dont les causes sont naturelles, et sur lesquelles on ne peut rien (le handicap, l'héritage génétique)

-         celles qui sont produites socialement, conséquences de processus ancrés dans la structure d'une société (les troubles du comportement liés à la souffrance sociale, le rapport au langage, à l'écrit...) et qui sont contingentes, historiquement datées.Parmi celles-ci on rangera les causes d'inégalités qui ne sont qu'en apparence naturelles (talents, goûts, facilités...)

Les secondes apparaissent à l'évidence comme les plus déterminantes dans la réussite ou l'échec social, et la formation des inégalités. Et ce d'autant plus que, dans notre société,  la force physique est peu mise à contribution, que la santé dépend au moins autant de l'héritage génétique que de facteurs sociaux comme l'alimentation, l'alcoolisme, le stress, l'accès aux soins, le niveau d'instruction...

Que les inégalités naturelles soient compensées par une politique volontariste visant à supprimer les effets de la malchance de départ n'est pas problématique.

Mais pour l'ensemble des inégalités produites socialement, la politique d'égalité des chances, qui agit à l'arrivée et non au départ, sur la conséquence des inégalités de départ et non sur la formation des inégalités renonce en fait à l'égalité.

En faisant comme si les inégalités produites socialement devaient recevoir la même réponse que les inégalités naturelles, elle naturalise les inégalités, les considère comme un état de fait inévitable.

 

En ce sens rien de nouveau : l'idéologie de l'égalité des chances est un avatar de l'idéologie du mérite et elle est radicalement conservatrice : elle est l'acceptation d'une situation de fait considérée comme naturelle et immuable qu'on ne peut pas changer mais seulement essayer de compenser.

Elle est le contraire de l'exigence d'égalité des droits qui refusant de s'écraser devant le fait affirme une égalité construite, pensée, arrachée au réel. Ainsi la Déclaration universelle des droits de l'homme ne décrit pas la réalité telle qu'elle est, ne s'incline pas devant le fait, mais institue la réalité telle qu'elle doit être en affirmant le droit.

A l'opposé de la pensée conservatrice, toute pensée progressiste présuppose en effet, et c'est là un choix téorique, que toute situation est avant tout historique, produit de circonstances historiques déterminées, et donc susceptible d'être changée par une volonté et une action politique. Les processus sociaux à l'origine de la plupart des inégalités sont structurels dans notre société, ils sont solides, puissants, insidieux. Mais ce ne sont pas des lois naturelles nécessaires.

 

 

 

  1.  Le concept philosophique d'égalité des chances : quelle conception de l'homme ?

 

1) Comment fonder une société juste ?

 

L'utilitarisme classique de Bentham, puis de Pareto, affirme que la finalité de la société est la plus grande utilité pour tous, et à ce titre, l'utilitarisme se heurte à des difficultés auxquelles Rawls s'attèle en affirmant qu'une société doit être juste. Que dit l'utilitarisme?

Un bateau avec à bord vingt personnes va couler si cinq personnes ne se jettent à la mer. Il faut choisir entre deux situations, soit personne ne saute et tous les passagers disparaissent, soit cinq se sacrifient et quinze personnes sont sauvées. Selon le critère utilitariste, on "préférera" cinq morts à vingt, et on peut aller jusqu'à choisir les cinq, les moins utiles à la société.

Qui a le droit de dire quelle personne est plus utile, moins utile ou aussi utile ? Cela conduit nécessairement à discriminer les gens, l'égalité des droits est remise en cause.

 

Pour remédier au problème de justice que pose inévitablement l'utilitarisme, Rawls imagine une sorte de fiction théorique dans la tradition des théories du contrat social. C'est la position originelle dans laquelle les individus pensent et agissent sous un voile d'ignorance. Sous ce voile chacun ignore sa place dans la société (patron ou pas, actif ou inactif), ses dons naturels ou ses traits caractéristiques (l'individu ne sait pas s'il est habile de ses mains, s'il est handicapé physiquement, s'il est homme ou femme). En outre, il n' a pas de conception du Bien : cela signifie qu'il n'est pas sous l'emprise d'une quelconque religion. Enfin, Rawls suppose que "les circonstances particulières de sa propre société" lui sont inconnues, autrement dit, le contractant ne connaît pas la situation économique, politique ou culturelle de sa société.

 

Tous les citoyens dans cette situation vont s'accorder sur un système commun de principes de justice, ils sont au nombre de deux.

2) Principes de justice

 

Principe I: "chaque personne doit avoir un droit égal à la plus grande liberté fondamentale avec une liberté semblable pour tous" (principe d'égale liberté).

 

Principe II: "les inégalités sociales et économiques doivent être arrangées de telles sortes qu'elles soient:

 

-         liées à des emplois et à des postes, accessibles à tous, dans des conditions d'égalité impartiale des chances (opportunities) (principe d'égalité des chances)

 

-         pour le plus grand profit des plus désavantagés" (principe de différence).

 

 

Les principes sont hiérarchisés dans l'ordre dans lequel ils sont énoncés. A partir de là les individu n'agissent plus dans leur propre intérêt mais en respectant le contrat.

 

Le premier principe correspond à l'égalité des droits, et on voit ici clairement que l'égalité des chances, telle que Rawls la conçoit, si elle est subordonnée à l'égale liberté, n'en est pas moins une exigence supplémentaire d'égalité, qui s'efforce de rendre l'égalité des droits effective en la traduisant dans le réel. Le principe d'égalité des chances est bien relatif à la jouissance des droits. Le souci de justice apparaît dans ce second principe et dans le troisième. Rawls prend acte du fait de l'inégalité en société : l'égale liberté est un droit, on l'instaure, l'inégalité sociale et économique est un fait, on le corrige. Rawls ne distingue pas les sources de cette inégalité, qu'elle soit naturelle ou sociale.

 

Principe1 :

Chaque contractant doit jouir selon Rawls des mêmes droits. La liberté devient ainsi un droit inaliénable. La notion de liberté inclut ce que Rawls appelle les libertés fondamentales. Ce sont "la liberté politique (le droit de vote et d'éligibilité aux fonctions politiques) ainsi que la liberté de parole et d'assemblée ; la liberté de la personne ainsi que le droit de détenir de la propriété (personnelle) ; et la protection contre l'arrestation arbitraire et la saisie, telle qu'elle est définie par le concept de règle de droit".

 

Principe 2 :

L'idée d'égaliser les chances n'a rien de nouveau. Que les hommes ne naissent pas égaux, et que l'inégale répartition des « dons de la nature » est parfaitement injuste est une évidence pour tout le monde. Ici, on ne distingue pas ce qui vient de la nature et ce qui a une origine sociale. Personne ne mérite de naître beau ou laid, fort ou faible. La distribution initiale est injuste, c'est un fait, tout l'enjeu est de savoir qu'en faire. C'est là qu'il faut soigneusement distinguer entre deux sens qui sont recouverts par l'ambigüité du mot chance.

On parle de chance pour désigner cette répartition des caractéristiques à la naissance (la chance de naître beau, ou riche), mais aussi pour désigner les effets de cette répartition, l'occasion de faire quelque chose (jouir de ses droits, faire fructifier un talent...). Quand Rawls parle d'opportunities, c'est du deuxième sens qu'il s'agit, l'objectif étant d'agir sur les opportunités pour rectifier les injustices de la distribution initiale, en donnant à chacun l'occasion de jouir de sa liberté.

Ainsi on ne peut rien sur l'injustice qu'il y a à ce que certains individus naissent avec un capital social ou culturel, mais on peut agir que l'opportunité d'accéder aux positions qui confèreront ce capital.

Le principe d'égalité des chances a pour visée d'atténuer au maximum les effets de l'inégale répartition initiale. Il ne s'agit pas pour lui de placer les individus sur la même ligne de départ et d'attendre que le "meilleur" gagne.

 

Principe 3 :

Mais cela ne saurait suffire. Deux individus A et B sont inégalement rapides. En l'absence de principe 2, l'inégalité demeure. Le principe d'égalité des chances peut consister à égaliser leurs conditions d'entraînement (technique, matériel, alimentation...). Mais l'inégalité demeure ainsi que ses conséquences. Le principe d'égalité des chances ne suffit pas à rendre la situation juste. C'est là qu'intervient le principe de différence. L'inégalité est injuste parce qu'elle est au détriment de certains. Mais si l'on parvient à faire que le plus lent bénéficie de la supériorité du plus rapide, alors la situation devient juste, au sens où elle correspond au critère de justice dont Rawls pense qu'il serait un des trois sur lesquels les hommes s'accorderaient sous le voile d'ignorance.

 

3) Tentatives de critique

 

Une critique rapide consisterait à dire que le principe de différence revient à rendre les inégalités acceptables. Mais c'est oublier le fondement de la position originelle. Ce qui permet à Rawls d'affirmer que le principe de différence est un principe de justice c'est l'idée que les hommes rationnels, sous le voile d'ignorance le reconnaîtraient comme tel.

En outre l'exemple de la course est limité parce qu'on ne voit pas bien quel est l'intérêt pour le lent qu'un autre soit rapide. Mais on peut prendre un autre exemple : il n'est pas injuste que certains hommes puissent commander des oeuvres d'art à des artistes, à condition qu'ils les placent dans des musées où les plus démunis puissent en jouir. Que choisirait-on en effet, une telle situation ou une société dans laquelle toutes les positions étant moyennes, nul ne serait assez riche pour commander des oeuvres d'art ?

Le principe de différence ne consiste pas à justifier les inégalités. Il repose sur l'idée que la société n'est pas une compétition mais une coopération qu'il faut organiser de telle sorte que les chances des uns deviennent les chances des autres.

 

Il semble que l'angle d'attaque critique le plus pertinent ici soit beaucoup plus global. La pensée de Rawls est animée d'un réel souci de résoudre les problèmes de la justice et de l'égalité. Une fois admis les principes qui la fondent, elle est une théorie avancée dans le souci de rendre effective l'égalité.

Cf. Cependant les objections d'Amartya Sen avec le concept de capabilités.

 

La critique qu'on peut lui adresser est au fond celle que l'on peut faire à toute pensée libérale : elle admet comme un fait l'injustice de la répartition initiale, ce qui est une évidence, mais retire compètement cette répartition du champ possible de l'action politique. La politique n'intervient qu'après coup, les causes de la répartition sont des causes nécessaires, immuables.

Ce que l'on peut interroger, c'est la conception de l'homme qui est au fondement de cette pensée, et notamment l'idée de talent.

Rawls affirme que la répartition initiale des talents est injuste. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Qu'est-ce qui est reçu initialement ? Un patrimoine génétique qui détermine l'existence de l'individu. Mais dans quelle mesure ? Un enfant nait-il avec une prédisposition pour une discipline, avec une intelligence particulière en puissance ? On nait avec des plus grandes prédispositions à développer telle ou telle maladie, mais toutes les études montrent que les conditions de vie sont déterminantes. La génétique ne montre pas seulement que certains évènements d'une vie d'homme ont une causalité naturelle. Elle opère une distinction importante entre la présence et l'expression du gêne. Or dans les facteurs d'expression du gêne, on reconnaît les processus sociaux sur lesquels on peut agir.

Ce qui se joue ici, c'est bien une conception de l'homme et de la place de la nature en lui. Peu importe au fond que l'intelligence soit réellement génétique, innée, ou réellement acquise, ce qui se joue c'est une décision fondamentale de ce qu'est l'homme.

L'homme n'est pas à définir en fonction de ce qu'il est. Il peut décider de la manière de se définir, de son essence et cette définition engage une conception de l'égalité, de la justice, et de l'action politique.

 

Caroline Chevé

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