Hollande: le premier gouvernement...

Hollande: le premier gouvernement...

Contrairement à Jacques Juilliard, éditorialiste à Marianne, qui conseille au président élu de choisir un PM parmi quelques élus au logiciel théorique improbable et en tout cas au socialisme tellement édulcoré que ni Jaurès, ni Blum n’y reconnaitraient trace de leurs lectures philosophiques, il paraît évident que le premier de ce quinquennat doit être capable de mener la batailles des législatives et donc de fédérer au second tour toute la gauche...

Ce que l’élection présidentielle a montré, c’est d’abord que le clivage droite-gauche existe, même si on peut comme l’impénitent khâgneux qu’est le directeur de l’Express, y distinguer 4 familles...

Il faut donc une poigne et un caractère prêt à assumer des choix qui marqueront ensuite la première période du mandat.

 Un gouvernement exemplaire:

 L’engagement d’un gouvernement resserré et paritaire doit ensuite être tenu et cette fois, sérieusement et durablement, donc encore après les législatives : la plupart des nominations de secrétaires d’Etat dans les gouvernements précédents récompensaient davantage des fidèles, qu’elles ne distinguaient des capacités exceptionnelles ou simplement utiles ; la France dispose d’une administration hors pair, même si la dérive de l’ENA vers les pantouflages rémunérateurs pose un vrai problème déontologique non réglé. Les administrations centrales sont à même d’aider le ministre dont le cabinet sélectionné, compétent et politiquement cohérent sera le bras armé et l’interlocuteur permanent auprès d’elles.

 Il est donc temps de rationaliser la composition d’un gouvernement dont la dimension à géométrie variable liée à des compromis ou à des récompenses doit disparaître.

Autrement dit quinze ministres autour d’un PM suffisent largement; il ne serait pas inutile au passage de supprimer le titre et les avantages de ministre d’Etat.

 Si l’on s’en tient à quelques fondamentaux « républicains » et à une saine analyse critique des manquements graves et répétés des années qui viennent de s’écouler, le premier ministère à revaloriser et auquel il convient d’accorder, comme ce fut le cas pendant des décennies, le premier rang protocolaire, manière d’en réhabiliter le champ de responsabilité, est évidemment le ministère de la Justice: redonner à la Justice l’éminente dignité d’un pouvoir constitutionnel est aujourd’hui une nécessité.

Cette remise à la place normale d’une Chancellerie, la première, est d’autant plus nécessaire que dans la cadre européen, la relation avec la Cour de Justice de l’Union européenne à Luxembourg comme avec la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg est à approfondir sérieusement. L’instance judiciaire française a besoin de réformes et celles du tandem infernal Sarkozy-Dati sont allées dans le mauvais sens et ont contribué à assimiler, comme d’autres, il est vrai, dans d’autres secteurs, le mot réforme avec l’idée de régression démocratique.

Le triptyque républicain a comme garant essentiel la bonne administration de la aJustice et le respect des principes qui en fondent la légitimité.

Les pôles d’une rationalité:

Un pôle « régalien »: Justice, Défense, Finances, Intérieur, Fonction Publique, un pôle Formation, un pôle Développement, un pôle Etat-social, un pôle Cultures....

Pour rester dans l’ordre régalien habituel, et contestable, le ministère de la Défense et la gestion du Trésor ou Fisc s’imposent après la Justice.

 Dans un cas la liaison avec le contradictions d’une défense européenne et le maintien anormal de l’OTAN, supposent un homme d’expérience et aux vues stratégiques assez larges pour convaincre les autres membres de l’UE, qu’en la matière tout est à revoir; le dernier épisode de l’achat par le Royaume Uni d’avions américains montre qu’il y a du travail à faire...

 Quant au ministère de l’économie et des finances, quel que soit le nom retenu et la place du terme « économie » se discute, il est appelé dès la prise de fonction de son nouveau titulaire, non seulement à boucler une loi rectificative de finances, mais encore à prendre en charge les négociations à venir dans le cadre européen sur le traité contestable auquel Mme Merkel tient beaucoup (oubliant au passage qu’un traité ne vaut que s’il est « ratifié »). La politique économique et financière de l’UE, l’harmonisation des systèmes fiscaux, avant d’ailleurs le fameux équilibre dont apparemment les modalités pour l’atteindre ne paraissent avoir été envisagées que par le biais de la baisse de la dépense publique, ce qui se justifie mal d’un point de vue macro-économique, sont également sur la sellette. Et une réforme de la fiscalité en France  a été annoncée. Un bilan critique de la LOLF, de la RGPP qui lui est liée fait aussi partie des missions d’un tel ministère. Admettons donc, que comme sous Napoléon, il y ait aussi un ministre du Budget ou du Trésor: l’un fait rentrer l’argent, l’autre contrôle sa dépense...

 Cela fait donc outre le PM, déjà 4 portefeuilles, auxquels , dans les fonctions régaliennes, ne saurait manquer un ministre des Affaires étrangères coordonnant avec le PM les activités européennes des autres départements ministériels, un ministre délégué auprès du PM en charge de la Fonction Publique, ce qui paraît aller de soi, le passage à Bercy de cette fonction ayant une vocation purement idéologique, de banalisation de cet outil de l’Etat; un ministre de l’Intérieur aux missions qui n’ont pas besoins d’être redéfinies mais dont il convient rappeler qu’il est charge de la Sécurité des citoyens et non de leur contrôle permanent continuera d’assurer le lien avec les collectivités territoriales, rouages de l’appareil d’Etat...  Donc 8 ministères.

Les pôles de la reconstruction

L’avenir passe par la formation de la jeunesse, l’élévation des qualifications de toute la population et tout au long de la vie: selon un mot, peut-être d’inadvertance, de Luc Ferry, c’est une vraie fonction régalienne. Il s’agit bien en effet de donner à tous les citoyens une éducation nationale, pour lesquelles les effets de la décentralisation de l’administration du pays ne sauraient aller jusqu’à la diversité sans principes des contenus, des intervenants professionnels et des modalités; l’alinéa 13 du préambule de la Constitution posant le principe d’un service public d’éducation au droit d’accès garanti et égal pour tous, devrait suffire à calmer les ardeurs girondines dont on ne se méfie jamais assez, car elles peuvent conduire à la négation même des principes de la République une et indivisible et de la souveraineté ubiquiste du citoyen. Faut-il un ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, un ministère qui englobe également la culture, dont maint projet prône une décentralisation accrue? Ou bien un grand ministère avec un ministre délégué ou deux, les formations technologiques et professionnelles étant, outre qu’elles présentent quelques spécificités, un moyen de reconstruire, et de développer un outil de production performant ?

Nous serions donc à 9 ou 10; on dira que ce ministère de la rue de Grenelle serait sur-dimensionné: c’est oublier qu’il est en charge des bases mêmes de l’avenir du pays et que cela est un enjeu qui prime sur tout autre.

Un ministère de l’économie, de l’industrie et du commerce extérieur, modo METI à la japonaise ne paraît pas de trop et permettrait de concentrer Bercy sur ses tâches régaliennes... En revanche, les PME et l’artisanat entrent aussi naturellement dans son champ d’action.

Il faut évidemment un Pôle développement durable regroupant l’Agriculture, la Mer, l’aménagement du territoire, la politique énergétique et les transports dont le champ est vaste mais centré sur un sujet unique.

 L’Etat-providence n’est nullement l’état qui dispense les individus faisant société d’efforts personnels, c’est en réalité celui qui contribue à la réalisation concrète du principe d’égalité et de fraternité et qui assure l’effectivité de ces efforts contre les aléas de la vie. Un grand ministère des affaires sociales va d’autant plus de soi que la loi de finance de la sécurité sociale porte sur des montants largement supérieurs au budget de l’Etat.

Ce pilotage d’une redistribution dont les bases de financement sont à revoir rend indispensable la présence en outre d’un ministre de la Santé dont la mission de prévention, de contrôle du soin, du médicament, de veille de l’accès aux soins sur tout le territoire est d’autant plus lourde que les dé-remboursements, les fermetures d’établissements, la désertification médicale et le vieillissement annoncé de la population sans que cet allongement soit accompagné d’une durée équivalente de vie en bonne santé ont aggravé la situation de nombreux français...

Il faut encore un ministère du travail et de l’emploi: il est plus qu’urgent de redonner au Code du travail une force qui s’impose vraiment aux employeurs voyous, il y en a, et cela fait partie des questions à traiter pour une Europe sociale revendiquée par des partis qui oublient souvent de passer aux actes ou se contentent de normes minimales parfaitement dépassées.

La droite a voulu détricoter les droits des salariés et donner de nouvelles marges de manoeuvre incontrôlées aux entreprises au nom de la compétitivité:  rien ne démontre, au contraire, que l’absence de droits des travailleurs crée de la croissance pour le corps social tout entier et pour la prospérité des nations. La vraie frontière est là ... C’est celle de la dignité humaine.

Que nous manquerait-il? Dans une société du spectacle, avec des citoyens capables  d’en faire la lecture, outre le plaisir et le divertissement qu’ils peuvent en tirer, on ne peut oublier le secteur  associant Jeunesse et sports, voire ici la culture... Le pourrissement par le fric omniprésent  plaide pour une politique nouvelle et pour un contrôle infiniment plus strict des organismes sportifs nationaux et internationaux, constitués en état dans l’état voire en organisations internationales à statut quasi diplomatique. Autrement dit un ministre d’expérience et porteur d’un projet ne serait pas inutile.

Voilà: 15 ou 16 ministres outre le PM et cela suffit. Parions qu’il n’en sera pas ainsi... Une occasion de ratée?