Un parc national aux portes de Marseille, un service public sans moyens !
Interview de Véronique Bernard secrétaire de la section syndicale du SNE-FSU du Parc national des Calanques (cf.site FSU 13)
Véronique, présente pour les militants de la FSU 13 ce qu'est le parc national des calanques, ses particularités de parc péri urbain, ses missions ?
Un parc national, c'est un territoire et un établissement public de l'État.
C'est un espace naturel à forts enjeux patrimoniaux naturels, paysagers et culturels qui nécessite une protection et d'une gestion spéciales assurées par l'établissement public.
Les calanques entrent parfaitement dans cette définition. Nul besoin de te présenter la valeur des paysages qui s'offrent à nous et qui d'ailleurs, nous attirent tous: la mer, les falaises, les couleurs en contraste...
or, nos calanques recèlent également des trésors de biodiversité uniques au monde.
Chose encore plus remarquable, elles concentrent là, la biodiversité de tout l'espace méditerranéen.
Le besoin de les protéger est apparu au début du siècle dernier, face à la pression industrielle et urbaine.
Les amoureux et défenseurs des calanques ont oeuvré pour obtenir le statut de site classé en 1975, puis se sont opposés à divers projets, notamment le POS de Marseille en 1982.
De leur côté, les collectivités locales ont défini des plans de gestion en vue d'assurer leur protection, mais chacune sur leurs parcelles. Il faut dire que le massif repose sur une mosaïque foncière compliquée.
Suite à un incendie dévastateur, l'Etat et les collectivités ont décidé de coordonner leur gestion pour une protection plus forte et surtout plus adaptée.
L'idée de Parc national s'est faite jour rapidement, mais il a fallu près de 20 ans et la modification de la loi, pour la voir se réaliser.
En effet, concilier les enjeux des différents propriétaires publics et privés n'est pas chose simple, mais il y a également la particularité périurbaine qui complique, et quelle périurbanité: la deuxième plus grande ville de France!
Les calanques sont le terrain de jeu de milliers d'habitants, grimpeurs, randonneurs, plaisanciers,...
Tous revendiquant leur appartenance à ces lieux. Certains ont regardé avec méfiance l'arrivée de l'Etat dans la gestion de leur territoire, s'inquiétant des éventuelles contraintes et interdictions sur leurs pratiques.
En étant aux portes d'une grande ville, les calanques subissent: surenchère immobilière, pollutions des sols, pollutions maritimes, rejets des eaux usées, macrodéchets, surfréquentation, dégradations, prélèvements excessifs,... qui s'ajoutent au risque incendie inhérent à une végétation méditerranéenne.
Et puis, bien qu'amoureux de ces lieux magiques, souvent les usagers n'ont pas -par manque de connaissance des écosystèmes- des comportements respectueux de la nature.
Le PNcal créé le 18 avril 2012, devra répondre, dans le temps, à ces problématiques.
En effet, ses missions sont de concilier la préservation durable des patrimoines naturel paysager et culturel et les activités qui tiennent place dans ce territoire, de lutter contre les pollutions, d'accueillir, informer et sensibiliser le public.
Avec quels types de personnel le PNCal fonctionne-t-il ?
(effectifs, statuts, rémunérations) ?
Un établissement public de parc national (EPPN), en règle générale, compte des agents administratifs, des agents techniques (ATE) et des techniciens de l'environnement (TE), qui peuvent avoir des pouvoirs de police.
Ce sont des corps de fonctionnaire, mais il n'est pas rare de trouver des contractuels.
Les effectifs tournent autour d'une cinquantaine d'agents permanents.
L'EPPN des Calanques a la particularité historique d'avoir fonctionné 1 année sous la forme du GIP préfigurateur, avec 12 permanents dont 2 fonctionnaires, aidés par une poignée de CDD occasionnels, saisonniers et stagiaires.
Depuis l'arrivée du directeur au 1er juin, nous sommes 13 permanents et l'effectif c'est:
1 directeur - ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts,
1 directeur adjoint - attaché principal territorial en détachement,
1 responsable administrative -attaché d'aministration en détachement,
10 chargés de mission contractuels permanents, dont 6 en CDI, leur réumunération est encore en cours de négociation! et 4 en CDD allant de 21 à 27 mois avec un traitement brut autour de 2500€,
3 agents occasionnels en CDD de 10 mois, ils seront certainement reconduits après la coupure réglementaire de 2 mois, rémunérés environ 2200€ brut,
1 intérimaire (statut imposé par le contrôle financier) sur un poste de permanent mais qui ne sera pas ouvert avant la fin de l'année,
et pour pallier au manque d'agents de terrain:
3 stagiaires de 6 mois,
2 chefs d'équipe en CDD de 6 mois pour les 36 écogardes saisonniers de cet été (2,5 mois)
Soit une équipe en sous-effectif, tournant à plein régime et à moindre frais.
Ceci est bien insuffisant compte tenu des missions d'un EPPN et du travail à mener pour la mise en oeuvre opérationnelle du PNcal qui est l'un des 10 parcs les plus vastes et des plus complexes.
Les journées sont longues, les agents sur les rotules. Et, la situation risque bien de figer ainsi quelques temps.
Le ministère avait donné comme consigne d'attendre l'arrivée du directeur pour lancer les recrutements.
Nous avons attendu plus d'une année: François Bland est enfin désigné par arrêté ministériel pour une prise de fonction au 1er juin.
Or, le nombre d'ETP a été fixé à 24 pour 2013, en rapport avec le budget alloué de 2,6 millions (réserve incluse).
Et, il est fort à parier que ce nombre n'évoluera pas en 2014 ni en 2015, mais la direction, le CA et le SNE-FSU s'y emploient!
24 ETP pour un Parc national de cette envergure! c'est à peine le tiers de l'effectif de Port-Cros! mais, plus grave, c'est inférieur aux moyens pré-existants.
Quelles ont été les problèmes lors du passage du GIP des Calanques au PNCal ?
Des problèmes de RH liés d'abord à l'histoire du GIP, puis au statut de contractuel.
Avant de créer le PNcal, les autorités nationales et locales ont créé en 1999, le GIP des Calanques, structure temporaire et au statut légal permettant de mêler droit privé et droit public. (ce n'est désormais plus le cas avec la dernière loi Warssman).
Dans ce cadre et compte tenu des missions requérant de l'expertise, les directions successives du GIP ont dû recruter des contractuels, mais au coup par coup, au cas par cas, sans réelle politique salariale.
Au final, on constate une disparité dans les contrats et dans le traitement. Traitement qui d'ailleurs n'a jamais pris en compte les éléments de droit public tels que IR et SFT.
C'est avec ce bagage que l'équipe du GIP intègre, non sans mal, l'EPPN le 1er avril 2013.
En effet, alors que nous avions oeuvré plusieurs années pour intégrer un volet social au décret de création du PNCal entérinant la reprise du personnel du GIP et du CEN, les modalités de transfert conditionnés par le ministère, se sont révélées bien peu satisfaisantes voire inéquitables pour les agents.
Le cas des CDD : le GIP a connu 3 prorogations en 3 ans, générant autant d'avenants pour les 4 agents. Cette précarité était due au caractère provisoire du GIP. Mais comment accepter qu'un EPPN nous propose des contrats d'un an sous prétexte qu'il ne faut pas lier les mains du futur directeur? nous sommes en poste depuis plus de 3 ans! Nous avons fait grève, demandant, à défaut d'un CDI, des contrats de 3 ans, le maximum légal en droit public. Cette revendication n'a pas été satisfaite. Nous avons obtenu chacun 3 ans mais, perfide astuce, à compter de la date du dernier contrat passé au GIP, soit des CDD allant de 21 à 27 mois.
Plus généralement, le ministère a décidé que le directeur par intérim ne serait pas compétent pour nous proproser des contrats définitifs, alors que le décret de création du PNcal explicite l'inverse. De simples contrats de transfert sans revalorisation salariale pourtant attendue.
En revanche, serait appliquée la note cadre de gestion de mai 2012 relative aux contractuels des Parcs nationaux et à l’Agence des aires marines protégées, qui elle n'a clairement aucun caractère juridique d'oppasibilité, et qui d'ailleurs fait l'objet d'un recours en contentieux par le SNE.
Cette note place les contractuels sur une grille dont l'INM est essentiellement calculé selon l'âge de l'agent. La grille a plusieurs niveaux correspondant aux niveaux de responsabilité, et pour les cadre A: allant de A1 à A3.
Or, la quasi totalité des agents des Parcs de cadre A ont été aligné sur le niveau A1, le plus bas.
Pour certains agents du GIP qui ont porté le projet de Parc, et qui aujourd'hui portent le PNCAL, c'est loin de la réalité de leur niveau de compétence, de responsabilité et d'ancienneté.
Suite à la grève, au dialogue social et dans la précipitaion, il fut décidé d'insérer une clause indiquant que le contrat est provisoire actant le transfert de l'agent et que le directeur proposera dans les 3 mois suivant sa prise de fonction des contrats définitifs sur la base de l'organigramme qu'il aura défini.
Ainsi, les CDI se retrouvent sans revalorisation, et avec un contrat transitoire à durée indéterminée, du jamais vu!
Mais, plus grave! Les cCDD ont été placés sur la note de gestion et se sont vus réévalués de 170€ à 296€ brut. C'est une bonne nouvelle! Mais, cela crée une iniquité manifeste de traitement entre les agents.
heureusement, l'équipe est soudée.
Depuis le 1er avril, nous attendions la nomination du directeur. C'est chose faite, François Bland a pris ses fonctions le 1er juin. L'été devrait être chaud en négociation!
Qu'en est il des collègues du CEN PACA ?
Les problématiques sont tout autres.
Pour rappel, la réserve naturelle de Riou sera abrogée pour devenir coeur de Parc national, au plus tard en novembre. Les 7 collègues du CEN affectés à la réserve seront conformément au décret, intégrés à l'EPPN au plus tard dans les 3 mois de la prise de fonction du directeur! en septembre donc.
Beaucoup de questions se posent et depuis des mois quant à leur transfert: ils sont de droit privé sous une convention collective spécifique.
Nous communiquons beaucoup ensemble. Ils nous voient ramer, toujours à devoir défendre nos droits face à la tutelle. Ils sont donc sur leur garde.
La mutation de la réserve naturelle en coeur de Parc national est un cas d’école, et le monde des réserves naturelles est très attentif au processus.
Il y aura bien évidemment la question de la rémunération, du cadre emploi, de l'évolution de carrière et d'une possible titularisation.
Mais avant tout, les questions se portent sur la définition-même de leurs missions.
resteront-ils sur Riou? qui seront les ATE? les TE? et pour les 3 agents qui sont sur des missions support, quelle sera leur place dans l'organigramme de l'EPPN?
La réunion de deux équipes doit se travailler. Il faut le faire bien pour que chacun trouve sa place.
C'est notre volonté, j'espère que l'EPPN nous le permmettra, nous serons vigilants.
En revanche, il reste un point qui nous chagrine tous.
L'intégration des agents GIP et CEN résulte d'un principe réglementaire quand il y a reprise d'une activité de service public par une nouvelle entité de service public.
Par prudence, nous avions trouvé bon d'inscrire explicitement la reprise des personnels dans le décret. Mais, nous a échappé la situation de l'agent en poste sur le Frioul.
Tout au long de la création du PNCal, le Frioul est entré puis sorti du projet, pour finalement et in extremis, être dans le PNCal. Et dans la précipitation de rédaction du décret, l'agent fut oublié.
Malgré notre incessante argumentation, le ministère a refusé d'intégrer ce point dans le décret en cours de correction, car ce n'est pas la seule erreur. mais celle-ci est regrettable à plus d'un titre.
L'équipe marseillaise du CEN compte en fait 8 personnes en CDI, 7 à Riou et 1 sur le Frioul.
La gestion qu'ils pratiquent depuis 20 ans est exemplaire. Il est plus que pertinent que cet agent qui possède la connaissance reste en poste. Et en l'état actuel des moyens de l'EPPN, on ne peut pas se permettre de se priver d'une telle expertise.
Nous oeuvrons pour que le directeur lui propose un contrat . Mais lequel? dans quelles conditions? C'est une autre de nos revendications que nous exposerons très vite à notre directeur.
A ton avis pour un fonctionnement satisfaisant de ce service public,
quelles devraient être les évolutions en termes de moyens de structure?
Nous avons besoin de collègues et d'argent! Nous sommes clairement en sous-effectif, et sans agent sur le terrain. Il faudrait arrêter de recruter des contractuels et les traiter mal. Pour un établissement public, c'est indécent de ne compter que 3 fonctionnaires (à la direction tout de même!) pour une équipe de 16 personnes.
Mais en priorité, nous avons besoin d'un directeur! Et pas seulement pour les questions RH, bien évidemment, mais pour la définition des priorités, des stratégies, la relation avec les élus et le ministère. Parce que voilà plus d'un an qu'on entend « c'est de la compétence du directeur! ».
De plus, l'EPPN n'a pas terminé son installation, il manque le conseil socio économique et culturel, les commissions paritaires, le représentant du personnel.
Le budget 2013 est très insuffisant, explique nous ce qu'il en est ?
Le PNCal a été créé à budget constant. Chacun des autres EPPN a dû couper dans son budget et son effectif pour constituer le nôtre. Ceci est regrettable! Tous les parcs demandent à revoir à la hausse leur budget. Or, la protection des espaces protégés ne pèse pas lourd dans les arbitrages budgétaires interministériels. L'Etat n'a pas les moyens! D'ailleurs, les services du ministère ont également bien fondu...
Le PNCal a un budget de 2,6 millions. Alors certes, il s'agit d'un EPPN en cours d'installation, mais précisément, nous devons mettre en place les études, la signalétique, etc.. et nous doter de moyens techniques, véhicules, bateaux... pour gérer 8500 ha de coeur terrestre et 43 500 ha de coeur marin.
Le ministère va lancer une action BBZ, pour remettre à plat les besoins réels de l'ensemble des Parcs, puis répartir les moyens plus efficacement.
L'interparc a du bon, la mutualisation des moyens a du bon. On peut y trouver de bonnes perspectives pour la gestion des espaces naturels. Mais là, il faut rester vigilant. Il ne s'agirait pas d'oublier d'augmenter les budgets des Parcs. Surtout, lorsqu'en parallèle va se créer l'agence française de biodiversité.
Quel sont le rôle et la place du SNE FSU dans cette situation
(adhésion des personnels au syndicat, revendications, action avec la section départementale FSU13 ..) ?
La section calanques du SNE FSU s'est constituée en 2010 afin de peser dans les débats sur le projet de Parc et surtout dans les décisions quant à notre avenir au sein du PNCal.
Les 10 contractuels permanents sont membres.
Au sein du GIP comme au Parc, nous privilégions le rôle du représentant du personnel (RP). Mais, pour ce qui est des négociations avec le ministère, celui-ci n'entend que le syndicat. De plus, nous n'avons pas de commissions paritaires.
Nous avons fait par 2 fois, 1 jour de grève pour défendre nos droits relatifs aux contrats, également pour revendiquer de meilleures conditions de travail et de rémunération.
Dernièrement avec le soutien de la FSU, nous avons interpellé la ministre et le préfet sur la nécessité de régler les questions RH liées à l'organigramme.
Actuellement, nous découvrons les désagréables surprises d'un EPPN: la perte de salaire des écogardes pour cause de rémunération au 30 è, la non-prise en charge de certains frais de déplacement, les deux mois de retard dans la gratification des stagiaires, etc... et c'est autant de temps que les chargés de mission doivent passer à échanger vivement avec la direction pour trouver une solution.
Enfin, au quotidien, avec le RP, nous travaillons sur les problèmes liés à la surcharge de travail et des missions, et au manque de politique RH claire.