Ci-dessous l'analyse d'un syndicaliste extérieur à la CGT ( B.Boisseau est ancien co-secrétaire général du SNES-FSU) à la veille de l'ouverture de son congrès national, premier depuis l'irruption de la crise et l'élection de Sarkozy; il s'agit d'une note de travail. des graphiques et chiffres peuvent être trouvés sur le site du SNES.
CGT : le congrès de la « confédéralisation » ?
La CGT tient son Congrès du 7 au 11 Décembre. L’événement est d’autant plus attendu que la CGT reste la grande référence dans le paysage syndical français, qu’elle apparaît comme le vainqueur des récentes élections prud’homales et comme l’un des deux principaux bénéficiaires des nouvelles règles de représentativité. La FSU ne peut que s’y intéresser puisque la CGT est depuis toujours l’un des ses partenaires privilégiés et que certains de ses militants appellent même de leurs voeux un rapprochement beaucoup plus « structuré ». Le débat qui a traversé la confédération, s’il a évidemment traité des responsabilités du syndicalisme face à la crise et de l’orientation de la CGT, s’est aussi beaucoup focalisé, à l’initiative de la direction, et comme en témoigne le forum de discussion sur Internet, sur l’analyse de la présence et de l’audience de la CGT et sur les réformes de structures qui pourraient lui permettre de s’adapter à la recomposition du salariat.
La question du confédéralisme au coeur même de ce débat entre singulièrement en résonance avec celui que les militants de la FSU mènent sur ce qu’ils appellent, eux, le fédéralisme. La présente note a pour objectif de présenter certains éléments de la discussion à partir de 2 notes de la direction confédérale qui ont servi de support aux débats préparatoires et au projet de résolution qui sera présenté à Lille.
Présence et audience de la CGT, l’état des lieux
(note diffusée par la direction confédérale en mai 2008).
La syndicalisation (tous syndicats confondus) continue de reculer : 7,6% en moyenne sur la
période 2001-2005 contre 8,2% sur la période 1996-2000. Pour le privé l’indicateur est de 5,0%
contre 5,2%.
Par secteurs d’activité, le taux de syndicalisation est plus élevé dans les secteurs à effectifs en
déclin et plus faible dans les secteurs en croissance d’emplois, ce qui explique pour partie le recul du
taux de syndicalisation global.
Par catégorie, les cadres sont syndicalisés à 14,9% , les professions intermédiaires à 9,6%, les
employés à 5,3% et les ouvriers à 5,9%.
Par statut d’emploi, les titulaires de la Fonction Publique sont syndiqués à 16,7%, les CDI à temps
plein à 6,5%, les CDI à temps partiel à 5,8%, les CDD à 3,0% et les intérimaires à 0,9%.
Syndicalisation à la CGT
Aucun chiffre précis n’est donné dans le document de la CGT qui a par contre annoncé que le nombre total de
syndiqués serait en 2009 de 654 000 en progression de 10 000 sur l’année précédente . B. Thibault a
présenté comme un « échec » ce résultat très loin de l’objectif du 1 million fixé depuis 2003.
Une étude d' Andolfatto et Labbé de 2006, sur l’évolution de la syndicalisation à la CGT depuis 1945 et
sur la syndicalisation en 2006 de l’ensemble des organisations syndicales (chiffres officiels des syndicats d’une
part et estimation des chiffres réels par les auteurs dont on sait qu’ils sont peu favorables aux syndicats) estime dans ces conditions, que la CGT syndiquerait un peu plus de 2% des salariés.
Elections Prud’homales
La CGT (+2pts) gagne les élections de 2008. Ce succès doit cependant être relativisé dans la mesure où la
participation s’effondre.
Au total alors qu’entre 2002 et 2008, le nombre d’inscrits progresse de 16,4 à 18,6 millions le nombre de
votants pour la CGT a régressé de 1,66 à 1,57 millions ( soit de 10,1% à 8,4% des inscrits).
La CGT rassemble, en 2008, toutes sections confondues 34% des exprimés et 8% des inscrits, pour la section Industrie, 42% des exprimés et 14% des inscrits, pour la section Commerce, 35% des exprimés et 7% des
inscrits, pour la section Agriculture 27% des exprimés et 6% des inscrits, pour la section Activités diverses 33% des exprimés et 7% des inscrits et pour la section Encadrement, où elle est devancée par la CGC et la CFDT, 17% des exprimés et 5% des inscrits.
Présence dans les élections aux Comités d’entreprise (CE)
Le nombre d’inscrits (5,47 millions) est 3 fois plus faible qu’aux prud’homales, mais la participation est plus de 2 fois meilleure (63,8%).
Au total la CGT obtient 800 000 voix (23% des exprimés et 15% des inscrits). Du fait de la très faible implantation syndicale dans les petites entreprises, la CGT ne présente des listes que dans nviron 1/3 des entreprises concernées par les CE (les plus de 50 salariés).
Les délégués syndicaux
Il y a présence de délégués de la CGT dans 1,6% de l’ensemble des établissements y compris les TPE. Si l’on considère les établissements de plus de 10 salariés, cette présence passe à 9,1%. n extrapolant sur le nombre des salariés concernés, « la CGT rayonne potentiellement sur 4,3 millions de salariés (Champ UNEDIC, plus de 16 millions) ».
La Fonction publique
En 2005 le taux de syndicalisation à la CGT sur les 3 Fonctions publiques est de 3,3% (2,8% pour l’Etat, 3,8% pour la Territoriale et 3,8% pour l’Hospitalière). Les Fonctions publiques représentent 23% du total des salariés, mais 34% des syndiqués de la CGT. La CGT est surtout présente dans les secteurs en décroissance (Economie, Finances, Equipement), a du mal à s’implanter dans les nouvelles collectivités territoriales (communautés d’agglo), et n’est présente que dans 10% des établissements relevant de la Santé. Aux élections professionnelles, l’audience de la CGT en 2006 était de 31% à la Territoriale, de 32% à l’Hospitalière et de 17% à l’Etat (poids de l’EN représentant 52%).
La note résume « La question du « redéploiement » ne se pose donc pas seulement dans la partie « secteur privé » de notre implantation ».
Evolutions de l’emploi. La note met en évidence plusieurs facteurs qui fragilisent la CGT
· Entre 1982 et 2006, les entreprises de plus de 500 salariés, où la CGT est la mieux implantée, ont perdu 511 000 emplois (-23%), tandis que les moins de 20 salariés, où la CGT est très peu implantée, ont gagné 1 695 000 emplois (+41%).
· La chute de l’emploi industriel, la progression des services et du commerce
· La division par 3 en 20 ans des effectifs des entreprises publiques (SNCF, EDF, GDF, RATP, Poste) qui regroupent 3% des salariés et 21% des syndiqués de la CGT
· Le très faible taux de syndicalisation (0,5% tous syndicats confondus) dans le secteur des services à la personne en pleine expansion
· Les difficultés de la prise en charge syndicale de la précarité, alors qu’aujourd’hui 3 embauches sur 4 se font autrement que par un CDI
· L’affaiblissement du lien entre le salarié et l’entreprise (Chaque année, environ 20% des salariés changent de situation)
· La forte progression des plus de 59 ans (de 21% en 2005 à 34% en 2040), alors que le nombre de retraités syndiqués à la CGT est en forte baisse (près de –20% en 10 ans)
La note sur l’état des lieux se conclut ainsi : « La CGT compte un total d’environ 53 % des adhérents dans la partie, dite « statutaire » du salariat (les 3 fonctions publiques et les entreprises publiques). Cette partie de la population active ne cesse de décroître dans l’ensemble, creusant chaque jour un écart grandissant entre le salariat réellement existant et notre propre implantation».
Les pistes de travail sur les structures de la CGT
d’après la note de la direction confédérale de janvier 2009)
« L’état des lieux… a montré le décalage important et qui va croissant entre notre structuration et les dynamiques d’évolution du salariat.
Notre nombre d’adhérents stagne, notre présence nous met au contact de 4,2 millions de salariés, soit un peu plus du quart des salariés recensés dans le champ de l’Unedic. Nous sommes davantage présents là où les effectifs décroissent et faibles là où l’activité se développe, et ce constat s’étend à la fonction publique. Il nous devient de plus en plus difficile de prétendre représenter l’ensemble dessalariés…Si de nombreuses causes sont à rechercher à l’extérieur du syndicalisme, il faut bien admettre que des freins existent
aussi en notre sein, en particulier dans nos modes d’organisation. »
Comment avancer ?
Quelques grandes questions apparaissent incontournables : les frontières des champs fédéraux, l’importance des territoires, les
organisations spécifiques, en particulier les structures ICT (Ingénieurs, Cadres et Techniciens), l’adéquation entre les formes traditionnelles
d’organisation et la nouvelle répartition des salariés dans les espaces de travail.
La note propose de partir du contexte qui s’est durci par la crise et qui « s’accompagne d’une évolution autoritaire du pouvoir politique et des employeurs ». Ceux-ci, en élargissant, dans la loi sur la représentativité, les procédures de gré à gré destinées à contourner les règles collectives, ont encore confirmé leur volonté de «contourner le syndicalisme d’action et de négociation et, là où on ne peut pas le contourner, ils cherchent à l’enfermer dans l’entreprise où il est aisé pour l’employeur de passer des compromis corporatistes ».
Face à cette offensive « adossés aux institutions représentatives du personnel, nous continuons à caler nos pratiques, à organiser nos structures pour l’essentiel autour des pôles les plus institutionnalisés de notre syndicalisme. … alors qu’une large majorité du salariat se retrouve en dehors des formes protectrices propres aux grandes entreprises ou aux secteurs à statuts. »
Il faut aussi partir du contexte propre à la CGT : champs fédéraux datant d’un temps révolu, télescopages entre Unions Départementales (UD) et Régions, tissu trop figé d’Unions locales (UL) aux fonctions les plus disparates. Par ailleurs « nous passons beaucoup trop de temps et de moyens à observer des rituels d’organisation qui ne sont jamais interrogés : considérons le nombre de réunions, de secrétariat, de bureau, de conseil, le nombre élevé de congrès à tous les niveaux. Ces congrès votent des résolutions parce que c’est le rôle des congrès, quelle que soit l’applicabilité réelle des décisions adoptées ». « Certains camarades craignent que toucher à nos modes d’organisation vise à changer les orientations de la CGT. C’est oublier que figer la CGT dans des structures inefficaces est la façon la plus sûre de ne pas pouvoir mettre en oeuvre ses orientations fondamentales »
Pour la méthode, la note suggère d’éviter toute solution technocratique « qui apparaîtrait émaner d’un centre cherchant à passer en force » et d’ouvrir au contraire largement le débat à tous les niveaux(forum public http://www.congres49.cgt.fr/-Le-forum-.html) . «En revanche, une démarche pour renforcer toute la confédération est incompatible avec une lecture du fédéralisme revenant à considérer, quelques articles statutaires à l’appui, que chacun est libre de s’organiser chez soi, dans sa structure, sans considération de l’ensemble…Il s’agirait d’une renonciation aux objectifs de transformation qui inspirent notre syndicalisme »
Axes envisageable de la transformation de la CGT
Le syndicat, structure de base de la CGT, correspond aux réalités les plus diverses : du syndicat national, grand ou petit, au syndicat de quelques adhérents en passant par le syndicat d’entreprise. Le syndicat est attaché à un territoire et à une identité professionnelle. Ce qui pose 2 questions.
Quel est, pour constituer le syndicat, le territoire pertinent sachant qu’il est en rapport avec des réalités géographiques, administratives et économiques ?
Quelle est l’entité pertinente de constitution des identités professionnelles : métier comme aux origines du
syndicalisme, industrie (métal, chimie,…) comme depuis le siècle dernier, branches professionnelles avec l’essor des conventions collectives, entreprises avec parfois des identités très fortes comme par exemple dans certains services publics (SNCF, EDF, Poste,etc) ?.
Face à la réalité fuyante de l’entreprise, réévaluer le professionnel
Jusque dans les années 60, le syndicat professionnel était le plus souvent organisé au niveau local regroupant les salariés de la grande entreprise locale et des PME sous-traitantes ou simplement géographiquement proches. Plusieurs raisons ont ensuite contribué à recentrer le syndicat sur l’entreprise. La reconnaissance de la section syndicale d’entreprise (68) a incité à organiser l’activité du syndicat sur la base de l’entreprise permettant au patronat d’avoir comme interlocuteur, plutôt que la section locale, le délégué syndical de l’entreprise dont on escomptait qu’il « comprenne » mieux les contraintes de l’entreprise.
« La forte institutionnalisation du syndicat dans l’entreprise, renforcée au fil des années 1980 par la négociation annuelle obligatoire, a contribué à l’internalisation dans l’entreprise des rapports de force et à un certain délaissement de fait des PME. Dans les industries « traditionnelles », la convention collective a souvent
perdu de sa fonction motrice du progrès social. »
Il y a eu aussi dans les années 70, le choix de la CGT de concentrer son activité sur les grandes entreprises et les groupes devenus « le lieu de cristallisation de l’opposition entre le grand capital monopoliste et la stratégie
unitaire du programme commun »
Aujourd’hui les processus de mondialisation et de financiarisation font voler en éclat la notion même d’entreprise, attaquée de l’intérieur (découpage en centres de profits autonomes, contrats de service, externalisation d’activités comme le nettoyage, la maintenance,la paye, la formation) mais aussi de l’extérieur avec la multiplication de PME sous-traitantes isolées ou filiales de groupes plus grands (Suez, Eiffage, Vinci..). « Les notions de sous-traitants, de co-traitants, etc. se sont banalisées au point de dessiner un nouveau système productif dans lequel la notion « d’exercice commun de la tâche », fondement des solidarités ouvrières dans le syndicalisme d’industrie, est devenue une réalité floue parce que constituée à une échelle beaucoup plus vaste que celle de l’entreprise. »
Cette évolution « a projeté à l’extérieur de l’entreprise un très grand nombre de salariés qui jusque là était impliqués dans l’action syndicale, soit directement par l’engagement, soit, pour les jeunes, par imprégnation progressive d’une culture de défense collective.». « La sous-traitance, modèle de précarisation, avec ses bas salaires, ses temps partiels, son intérim et sa domination sans partage des employeurs [est devenue] un mode de gestion central du redéploiement du capitalisme ». « L’entreprise en tant qu’entité économique unifiée a cédé la place à une holding économique qui fait de l’entreprise le point d’assemblage d’une production étirée dans les différents cercles de la sous-traitance : dans le premier cercle, un nombre restreint de co-traitants, dans les cercles suivants, une déclinaison de sous-traitants de rang 2, 3 voire plus, où la précarité et les bas salaires sont le mode de gestion par excellence ».
Le risque est alors grand que les acquis syndicaux dans l’entreprise se retournent contre les salariés de la sous-traitance, « à l’encontre des objectifs d’un syndicalisme confédéré ». « Laisser faire un système, dans lequel nous participerions nous-mêmes à la mise en concurrence des salariés,… revient quelque part à accompagner les stratégies patronales ».
Pour autant, même si le risque d’une institutionnalisation excessive est évident, il n’est pas question de se priver de ce qu’apportent CE, CCE et CE Européens. Toute la question est de tenir le bon équilibre entre le jeu institutionnel dans l’entreprise et le rôle de mouvement social embrassant l’ensemble du système productif.
La base de l’organisation, le syndicat
Tenir l’entreprise sans s’y laisser enfermer doit donc être l’objectif du syndicat. Mais d’autres mutations ont touché le monde du travail.
La question des catégories
L’organisation séparée des ICT visait à leur donner une légitimité dans une CGT autrefois très centrée sur les intérêts de la classe ouvrière. Aujourd’hui, alors que sur de nombreux sites ils sont aussi nombreux que les ouvriers et les employés, « la prise en compte de leur spécificité reste utile, mais le maintien de syndicats séparés apparaît incompatible avec la nécessité de constituer une identité collective des groupes salariés qui ne peuvent s’arrêter ni aux frontières de l’entreprise ni à celle des catégories ».
Les comités CGT de privés d’emploi ont fait preuve d’une certaine efficacité en termes d’avancées revendicatives mais rassemblent peu de monde. L’état de sans emploi (ou de précaire ou de stagiaire) n’a pas vocation à se cristalliser en identité professionnelle. « Créer dessyndicats séparés pour couvrir toutes les situations revient à entériner les divisions sociales crées par la gestion patronale de l’emploi. Pour
ces catégories, il semble qu’une solution préférable serait de confier leur organisation aux structures territoriales redéfinies ». Ce qui ne s’oppose pas à des activités et à des représentations spécifiques dans les diverses instances.
Les retraités représentent un enjeu stratégique pour l’avenir (nombre et problèmes).
Les 120 000 syndiqués actuels proviennent pour l’essentiel des secteurs à statuts particuliers (EDF-ERDF,GDF, SNCF,..). Si pour ceux là le lien professionnel reste important, « pour le grand nombre des retraités que la CGT peut conquérir, il pourrait être plus adapté en revanche de privilégier là aussi le canal territorial dès lors
que pour la grande majorité des salariés des entreprises privées, le lien avec celles-ci se dissout dès le départ en retraite ». Ce qui leur permettrait de s’engager plus facilement dans les mobilisations sur leurs revendications qui sont essentiellement interprofessionnelles.
Les territoires pertinents
S’il n’y pas un seul mode de structuration légitime, le syndicat d’entreprise ne doit plus rester la forme canonique et la référence au territoire ne doit plus rester l’exception (syndicats multiprofessionnels de site). Aucun adhérent ne doit rester isolé, l’UL jouant aujourd’hui le rôle de « voiture balai ». Tout l’effort d’organisation doit tendre au contraire à faire participer tous les salariés à l’activité de leur syndicat.
« Dès lors le territoire devient un lieu décisif parce que c’est dans un rapport de proximité que peut se définir la meilleure adéquation structurelle du syndicat. Le syndicat, base de toute la CGT, est le premier niveau de confédéralisation de notre activité. Son périmètre doit être défini selon sa capacité à remplir plusieurs fonctions :
- Élaborer avec les salariés les revendications dans toutes leurs dimensions (professionnelle, locale, interprofessionnelle…) ;
- Construire un rapport de forces pour obtenir des avancées, y compris au-delà de l’entreprise ou de l’établissement;
- Animer les négociations sur l’ensemble des catégories et établissements sur lesquels il rayonne (démocratie, consultation, action…) ;
- Mettre en oeuvre la démocratie syndicale sur l’ensemble de son périmètre incluant la mise en place de sections syndicales
- Construire et faire vivre les orientations de la CGT auprès de l’ensemble des salariés de son territoire.
- Participer dans toute sa mesure et être acteur de la réussite des initiatives et des mobilisations professionnelles et interprofessionnelles. »
Champs fédéraux et identités professionnelles
Les champs fédéraux actuels se sont historiquement constitués à partir de conventions collectives (métallurgie, chimie par exemple), de grandes luttes ou de champs statutaires (cheminots, énergie par exemple).
Il faut aujourd’hui réinterroger l’évolution des « convention collectives promues par le mouvement syndical comme une protection des salariés et qui sont souvent devenues des instruments retournés à leur profit par les employeurs ».
Il faut aussi concevoir les attributions d’un champ fédéral en articulation avec l’interprofessionnel de façon à éviter l’effet « forteresse ».
Si dans la reconquête du salariat, la primauté est donnée à la dimension territoriale plutôt qu’à l’entreprise, les fédérations devront accepter qu’un même syndicat relève de plusieurs fédérations. Par exemple, un syndicat de site peut regrouper des salariés relevant d’une convention métallurgique, mais aussi de la chimie, de la construction., des travaux publics, etc.
Ainsi à leur fonction traditionnelle d’intervention sur leur champ professionnel les fédérations devront adjoindre une fonction de coordination et de service aux syndicats.
L’observation de l’économie et des identités professionnelle suggère à priori entre six et dix champs stratégiques, sachant qu’un «champ» ne préjuge pas de l’existence d’une ou de plusieurs fédérations pour en recouvrir l’étendue : commerce, industrie, transports, services à la personne, finances, communication, services publics et administrations de l’Etat. « Si l’on doit viser à l’efficacité des prises en charge professionnelles, il faut insister, quelle que soit la répartition à retenir, sur l’importance des relations entre champs fédéraux, surtout
dans l’optique de syndicats recouvrant plusieurs activités professionnelles. »
La fabrication des territoires
Le territoire apparaît donc comme une entité plus stable que l’entreprise pour assurer un lien durable entre la CGT et les salariés.
La définition du territoire pertinent doit être pensée, au cas par cas, collectivement, dans le cadre des bassins d’emploi locaux, départementaux et régionaux. Son périmètre doit privilégier l’adaptation aux réalités du salariat avec le souci d’ «efficacité et de rupture avec les tentations protectionnistes ou patrimoniales».
La Région doit devenir le lieu privilégié du croisement entre champs professionnels et territoires (notamment UL et UD), d’organisation des territoires et donc d’élaboration du périmètre des syndicats, des UL et des « points de contact » à créer.
L’UD doit rester un échelon de proximité assurant la responsabilité de la formation syndicale, du développement et de la syndicalisation, le suivi des délégués syndicaux et des élections professionnelles, l’aide aux UL et aux syndicats, et en matière d’action revendicative, l’articulation entre Région et syndicats.
Les UL correspondent aujourd’hui à une réalité très hétérogène. Certaines d’entre elles, réduites au rôle d’ « amicale » ou de « syndicat d’isolés » , sans contacts avec les syndicats de leur zone, doivent être revues et dans certains cas transformées en véritables syndicats multiprofessionnels. D’autres doivent être consolidées et parfois créées.
L’UL, échelon territorial le plus décentralisé et le plus facile d’accès, qui peut se doter de « points d’accès » hors de ses murs, doit avoir une fonction de conseil et d’assistance aux salariés au quotidien sur tout ce qui touche à leurs droits collectifs, mais aussi à l’individualisation de leur contrat de travail et au bénéfice personnel de leurs droits sociaux. Cette assistance (version modernisée de la permanence juridique) ne doit pas être opposée au syndicalisme de lutte mais comprise comme un moyen de faire entrer les salariés dans
la sphère syndicale. «Il est grand temps de développer cette logique d’action quotidienne au service des salariés, car le patronat s’est investi depuis 25 ans dans l’individualisation (salaire puis contrat de travail) sans que nous lui opposions une construction alternative. »
La confédération
La confédération est « une construction d’ensemble qui ne se réduit pas à ses parties. Bien commun de toutes les structures, elle doit devenir davantage un lieu de coproduction revendicative qui suppose coopération, complémentarité entre toutes les composantes de la CGT, pour une prise en compte d’intérêts et d’ambitions communs à tous les salariés ». Ce qui devrait amener notamment « à revoir le rôle du CCN » dans lequel « trop d’organisations viennent dans le souci de marquer leur territoire dans un rapport de relative extériorité aux
décisions prises ». C’est ainsi que sera confortée « dans les représentations sociales, la CGT et pas une addition de perceptions séparées ». « C’est cela qu’il importe de cultiver en un temps où les salariés ont plus que jamais besoin des repères que seul un mouvement vraiment «confédéralisé » peut offrir ».
A la veille du Congrès, la direction confédérale, qui vient de surprendre en annonçant le 30 Novembre le renouvellement de la quasi totalité du Bureau Confédéral après avoir déjà programmé le renouvellement à 50% de la Commission Exécutive, semble déterminée à ne plus différer les décisions. Elle en fait même la condition de la survie à terme de l’organisation.
Bernard Boisseau (secteur Ecosoc du SNES)
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