(5) étude d'André Dellinger (suite et fin demain)
III – L’État-patron, partenaire ou adversaire ?
Pour un syndicat de fonctionnaires, la question primordiale est celle de la nature de l’Etat employeur : est-il l’expression de la souveraineté populaire ou celle des intérêts dominants ?
1 – L’utopie constitutionnelle
Si l’on pense que l’Etat et le syndicat sont tous deux animés par un même dévouement au bien public et à la condition des salariés, la négociation peut être abordée avec confiance.
Le syndicat peut fonder philosophiquement sa revendication sur l’utilitarisme de Jeremy BENTHAM et de John Stuart MILL : la recherche du maximum de bien-être pour le plus grand nombre, bien que cet utilitarisme de bonnes intentions néglige le sort de la minorité et ne se prononce ni sur la délicate conciliation de ces deux maxima (qualitatif de bien-être et numérique de majorité), ni sur la nature de l’autorité - gouvernement ou marché – qui en décidera.
Les deux partenaires sociaux peuvent se réclamer de façon plus synthétique, à la suite de Friederich HEGEL et de son droit naturel, de la nécessité d’accorder intimement l’universalité (la politique) et la particularité (la revendication).
L’intérêt particulier ne doit pas, en vérité, être mis de côté ou encore réprimé, il doit être mis en accord avec l’universel, accord par lequel il est préservé ainsi que l’universel.
Georg Wilhelm Friederich HEGEL (1770-1831) Principes de la philosophie du droit 1821
Sans aller jusqu’à se réclamer du droit collectif de l’humanité au bien-être, on peut tabler sur l’indépendance de l’Etat par rapport aux intérêts privés ou du moins sur son aptitude à les surmonter, on peut se référer à l’expression constitutionnelle de la souveraineté nationale : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple (Constitution française de la Ve République, article 2).
Si donc l’on admet l’un de ces postulats qu’il n’existe pas en régime capitaliste, entre l’Etat et un syndicat de fonctionnaires, d’antagonisme irréductible, de barrière de classe, puisqu’on place l’Etat au-dessus des classes de la société et qu’on le pense chargé de régler leurs conflits dans le sens d’un intérêt général que lui seul est à même de fixer, si l’on suppose que la bonne volonté consensuelle est également partagée entre les partenaires sociaux, alors l’action de masse n’apparaît plus comme une mobilisation nécessaire, la grève n’est plus que l’ultima ratio de la négociation, une menace à agiter si par extraordinaire les pouvoirs publics venaient à perdre leur sens de l’Etat.
Hélas, la République française a toujours placé la liberté d’entreprise au-dessus des droits au travail, au logement, à l’éducation ou à la santé, elle n’a jamais renié sa nature bourgeoise, elle n’a jamais fait sienne cette idéologie de l’utilitarisme, ni celle de l’harmonie naturelle du particulier et de l’universel. Aujourd’hui, la politique d’austérité est le prix de la recapitalisation des banques ; la démolition des régimes solidaires de retraites répond, non plus comme on le prétendait hier à un problème démographique, mais à une exigence des marchés financiers.
L’interdiction du syndicalisme des fonctionnaires jusqu’en 1946 reposait sur la doctrine autoritaire, formulée par le Conseil d’Etat au début du 20e s. (arrêt Winckell) : l’Etat, expression de la souveraineté nationale, ne peut sans se renier négocier avec l’une quelconque de ses parties constitutives. Il fixe de sa propre autorité les droits et obligations des fonctionnaires, qui sont vis-à-vis de l’Etat dans une position réglementaire et non pas contractuelle. Le président Charles de Gaulle le rappelait en 1962 (tentative de putsch avortée du « quarteron de généraux à la retraite » d’Alger) : Nul n’est tenu de faire carrière au service de l’Etat, mais pour celui qui s’y consacre, c’est une noble et stricte obligation. La dénonciation constante des « corporatismes » syndicaux rejette la singularité hégélienne. De nos jours, l’Etat néolibéral privatise ses services publics ou modèle ce qu’il en reste sur l’entreprise privée ; il traite les effectifs de fonctionnaires comme simple variable d’ajustement budgétaire.
On a coutume d’objecter les « trente glorieuses » (1945-1975). Des relations de type nouveau ont certes pu produire des réalisations sociales importantes après la Libération, mais c’était à l’époque où le pays sortait ruiné de la guerre, où la collaboration avec l’occupant nazi et avec Vichy avait déconsidéré le patronat, où le programme du CNR entrait en application, où le Travail n’aurait pas consenti à « retrousser ses manches » s’il n’avait eu part aux gains de productivité, où après les saignées de la guerre, du fascisme français et de la déportation, le plein-emploi était indispensable au relèvement du pays.
Un sectateur de l’économie sociale de marché a ceci de commun avec cet « imbécile rationnel » d’homo œconomicus (Amartya SEN, Ethique et économie et autres essais, PUF Quadrige, 2002) qu’ils admettent tous deux que chaque banque étant trop grande pour faire faillite, il est impératif qu’on la soulage de ses pertes, et cela à budget ouvert ; que l’Etat ainsi fragilisé risque de ne plus pouvoir honorer les créances des banques et peut donc, lui qui est plutôt petit, tomber en faillite ; que seules la rigueur budgétaire et la politique d’austérité peuvent le sauver ; que de la baisse du pouvoir d’achat des populations sortiront la croissance, l’emploi et finalement la hausse du pouvoir d’achat, par la magie de la main invisible du marché ; qu’à l’inverse la revendication syndicale ruine la compétitivité, alourdit les coûts, supprime des emplois, prend les voyageurs en otage et jette les enfants des écoles à la rue.
2 – L’État de la domination du capital sur le travail et de l’emprise du néolibéralisme sur la pensée politique
Pour la tendance autonome socialisante, l’école est par nature « libératrice » (l’organe du SNI s’intitulait L’Ecole libératrice) et pour la tendance pédagogico-libertaire (Ecole émancipée), l’école peut s’émanciper d’elle même. Deux façons de faire l’impasse sur la contrainte capitaliste. Or il est établi, au moins depuis BAUDELOT et ESTABLET (La reproduction), que l’école ne fait guère que reproduire les classes sociales de la société capitaliste à travers les générations. Une version édulcorée de ce constat est donnée en 2008 par l’INSEE, lorsqu’il observe que « l’ascenseur social est bloqué » (ce qui donne faussement à croire qu’il fonctionnait auparavant).
Dans sa déclaration d’orientation qui recueillit en mai 1967 la majorité absolue des suffrages des syndiqués du SNES unifié, U&A désigne l’adversaire dans un texte qui garde toute son actualité :
Notre adversaire commun :
Le pouvoir gaulliste au service des groupes financiers
dont il assure la prospérité et la prééminence
Ce pouvoir développe une politique économique et sociale nuisible aux intérêts des travailleurs du secteur public comme du secteur privé.
(US n° 21 du 9 mai 1967, page 15)
Or la social-démocratie allemande a rompu ouvertement avec la lutte des classes dès 1959 (déclaration du congrès du SPD à Bad Godesberg). Les socialistes français sans le proclamer de façon péremptoire se situent dans la continuité de la Révolution française bourgeoise ; ils préfèrent la collaboration à la lutte des classes, par un attachement absolu au droit de propriété et à la liberté d’entreprise.
Vincent PEILLON le constate à l’échelle historique : « le socialisme français est dans sa grande majorité évolutionniste, réformiste, pacifiste, y compris sur le plan de l’action économique … il ne se construit pas sur la lutte des classes, mais au contraire sur la collaboration des classes » (Vincent PEILLON, article La République sociale, les italiques sont de lui, in Le Monde, hors série 2012 KARL MARX L’irréductible, page 75).
Pour sa part, François HOLLANDE est conscient que le néolibéralisme économique entrave le processus par essence inachevé de la libération humaine : « J’ai la conviction, en effet, que le système économique dans lequel nous évoluons dispose d’une forte capacité d’adaptation aux leviers politiques traditionnels, au point de les contourner et de les rendre de moins en moins opérants – déplaçant ainsi, peu à peu, la ligne de partage entre ce que nous subissons et ce que nous décidons » (François HOLLANDE, article Comment lire le « Manifeste » ? dans le même numéro hors série, page 65).
Le réformisme politico-syndical attribue volontiers à sa collaboration de classes la semaine de 40 heures et les congés payés du Front populaire. Est-il besoin de rappeler que ces conquêtes sociales furent imposées de haute lutte au gouvernement de gauche de Léon BLUM en 1936 (grèves avec occupations d’usines). Et il y a quelque usurpation à se flatter d’avoir fondé la Sécurité sociale, alors que cette conquête est issue des luttes armées de la Résistance contre l’occupant nazi (programme du CNR).
Le réformisme politique ne se s’est pas borné, comme le donne trop elliptiquement à penser François HOLLANDE, à « évoluer » tant bien que mal dans le système économique.
Comme chacun a pu le constater, il a participé activement, sans rechigner, à l’édification néolibérale de ce système, lorsque ses représentants étaient au gouvernement ou lorsqu’ils lui apportaient leurs suffrages : suppression des charges d’agents de change et accès direct des banques à la bourse, libération des marchés financiers (gouvernement BEREGOVOY) ; OUI au traité de Maastricht instituant un système monétaire européen au service des banques privées ; OUI au traité de Lisbonne reprenant le dogme – pourtant écarté en 2005 par le peuple français à 55 % de NON lors du référendum sur le TCE - de la concurrence libre et non faussée ; record des privatisations de l’appareil économique public (gouvernement JOSPIN) ; vote avec la droite des lois LOLF et RGPP ; acceptation de fait des réformes BALLADUR (1993) et FILLON (2003 et 2010) des retraites (la retraite à 60 ans promise par François HOLLANDE n’est accessible qu’aux travailleurs les moins nombreux, ceux qui ont commencé à travailler à l’âge de 18 ans, l’essentiel des dispositifs BALLADUR-FILLON est conservé) ; socialisation des dettes bancaires (les dettes bancaires mises à la charge des contribuables, sans audit de vérification par la Cour des Comptes que dirige le socialiste Didier MIGAUD et sans aucune mesure de régulation des marchés monétaire et financiers).
Au chapitre décisif pour la revendication syndicale, celui de la redistribution des richesses, le bilan de la collaboration des classes en France présente des actifs bien légers et un passif extrêmement lourd, à telle enseigne qu’on peut parler à son endroit de régression sociale organisée pour le compte du capital.
Et la mondialisation néolibérale a reçu le concours actif des socialistes français Jacques DELORS (Pacte unique européen de 1984), Pascal LAMY (président de l’Organisation mondiale du Commerce) et Dominique STRAUSS-KAHN (ex-directeur général du FMI).
Il ne fait aucun doute que si « l’écart entre ce que nous subissons et ce que nous décidons » et plus encore entre ce que subit et ce que souhaite la population française s’est creusé, les socialistes français y ont activement travaillé.
3 – Le choix syndical : lutte ou collaboration de classes ?
Puisque, pour reprendre les termes qu’employait la tendance U&A en 1967, un antagonisme irréductible oppose les intérêts des « travailleurs » à un appareil d’Etat « au service des groupes financiers », U&A opte pour une action syndicale de classe. Elle entend par action de classe l’activité syndicale concrète, libre et solidaire, de tous les travailleurs liés par un sort professionnel commun et luttant pour l’améliorer. La conscience de classe se constitue par la mise en évidence, sur le lieu de travail et dans la profession, de la communauté des situations et des ambitions. Elle n’existe qu’autant que l’on refuse de laisser les clivages personnels (quels qu’ils soient : idéologiques, politiques, religieux, ethniques ou autres) prendre le pas sur les solidarités de travail.
Elle repose sur cette expérience historique qu’aucun droit n’a jamais été accordé aux travailleurs qu’ils n’aient dû le conquérir par une dure lutte contre le patronat ou l’Etat-patron, qui se sont toujours comportés en adversaires de classe. Elle repose aussi sur le constat que ces conquêtes sociales toujours menacées se perdent lorsque le front syndical s’affaiblit ou se brise.
Des minorités agissantes, se proclamant seules porteuses de l’avenir des exploités, prétendent à l’exclusivité de la lutte des classes. La tendance U&A refuse d’opposer ainsi qu’elles le font quantité et qualité, elle pense au contraire que du plus grand nombre sort une qualité supérieure. Pour que l’action syndicale soit véritablement de classe, pense-t-elle, il faut qu’elle soit une action de masse. Et réciproquement.
Les 850 000 enseignants constituent une importante classe sociale, définie par ses rapports à l’Etat et à la population (service public), à l’économie (service non marchand dans la mesure où il est public et gratuit), à la fonction sociale (formation de la jeunesse), au savoir (double qualification universitaire et pédagogique de ses membres), au mode d’exercice de la profession (enseignement professoral donné entre les murs de la classe, sur des programmes nationaux), aux idéaux républicains (liberté, égalité, fraternité, laïcité), à la réglementation du temps de travail (service défini en heures de cours), au mode de recrutement (égalitaire sur concours : admissions prononcées par un jury universitaire indépendant, l’employeur n’intervenant que pour fixer les qualifications universitaires requises pour concourir et les effectifs à recruter à chaque session), aux garanties et obligations statutaires (avancement, carrière, retraite).
Ce que la tendance U&A entend par syndicalisme de masse et de classe, c’est un syndicalisme qui sert les revendications professionnelles et générales de la classe sociale qu’il représente. C’est la condition nécessaire pour que – n’ayant d’ordre à recevoir de personne - il puisse vis-à-vis de l’extérieur décider de sa démarche unitaire en toute indépendance. Son utopie fondatrice, le SNES l’exprime dans la continuité des chartes d’Amiens et de Toulouse : Le but final du syndicat est l’émancipation complète des travailleurs, cette émancipation ne pouvant être obtenue que par l’expropriation capitaliste (article 4 des statuts du SNES, adoptés en 1966)
Dans les élections internes du SNES depuis 1967, cette orientation valut à U&A la confiance d’une majorité croissante de syndiqués ; dans la plupart des autres syndicats de l’ancienne FEN, elle permit à ses militants de l’emporter sur les vieilles majorités autonomes restées à un syndicalisme de leaders et de tractations de sommet, sans revendications clairement exprimées, ni combativité bien évidente. Ces directions bousculées ou défaites répliquèrent au référentiel sémantique d’Unité et Action en adoptant celui d’Unité, Indépendance et Démocratie (UID) ; c’était intérioriser le regard, cultiver son quant-à-soi, passer l’action sous silence.
L’action de classe et de masse préconisée par U&A dans la fonction publique ne se modèle pas sur la lutte des classes en entreprise capitaliste, basée sur la grève comme pression économique exercée sur l’employeur. Les antistatutistes – les syndicalistes adversaires du statut général de la fonction publique, parmi lesquels nombre de militants de l’EE – se trompaient lorsqu’ils affirmaient que l’Etat est un patron comme les autres, bien qu’ils fussent conscients que la plupart des services publics, sauf la poste et les tabacs et allumettes, n’étaient pas marchands, que les emplois et les traitements des fonctionnaires ne dépendaient donc pas du marché, mais de la politique budgétaire. Ils se trompaient lourdement lorsqu’ils traitaient le statut général de la fonction publique de « statut carcan », sans se rendre compte – du moins on le leur souhaite – qu’ils abondaient dans le même sens que les ultra-libéraux dénonçant les « rigidités » statutaires qui entravent la mobilité et la concurrence des travailleurs.
4 – Le combat pour la laïcité, partie intégrante des luttes sociales
Comme syndicalistes, les militants unitaires sont profondément attachés à la prohibition de toute discrimination des travailleurs en raison de leurs opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques ou en raison de leur sexe, de leur origine ethnique ou de leur handicap (statut général des fonctionnaires art. 18 et code du travail art. L 121-6 et L 123-1). Or dans la haute administration, la fidélité à un parti politique est en train de l’emporter sur l’esprit de service public ; s’acheminerait-on en France vers un « système des dépouilles » (spoil system américain : à chaque changement de la majorité politique, on change les administrateurs), faudrait-il changer à chaque alternance les préfets, les recteurs, les inspecteurs d’académie, voire les chefs d’établissement politiquement marqués ? Qu’est-ce qu’un recteur de droite, sinon un préposé de la droite libérale chargé dans son académie, contre l’avis des usagers et des personnels, d’appliquer la politique du moins d’Etat social, d’économiser sur les coûts, d’alourdir le travail des salariés et de caporaliser la hiérarchie ? En comparaison, qu’est-ce qu’un recteur de gauche ? La clarté de la réponse n’emprunte, si l’on se réfère au passé récent, qu’à un demi-jour rosâtre tombant du haut des politiques de gauche en matière d’éducation nationale. A l’un et à l’autre, on préférerait un recteur exclusivement animé de l’esprit de service public.
Comme enseignants, les militants unitaires eurent tout lieu de s’inquiéter pour l’avenir de l’enseignement laïque, obligatoire et gratuit quand le président de la République Nicolas Sarkozy affirma, dans son discours de Latran (fin 2007), la supériorité morale du prêtre sur l’instituteur (bien que là-dessus, l’affaire des prêtres pédophiles lui ait jeté le démenti), quand le décret du 16 avril 2009 accorde la collation des grades aux universités catholiques, pour toutes les matières y compris profanes, quand les institutions européennes affirment (cf Droits fondamentaux du TCE, repris par le Traité de Lisbonne) :
- la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites (TCE art. 10).
- la liberté de créer des établissements d’enseignement dans le respect des principes démocratiques ainsi que le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques (TCE art. 14).
Participe de la même inquiétude la protestation des laïques d’Alsace et de Moselle, rejoints par quelques uns, trop peu nombreux, de la « France de l’intérieur » comme on dit dans l’Est, notamment la protestation des enseignants de ces trois départements, contre le projet du président François HOLLANDE (sa proposition n° 46) de pérenniser dans la constitution française les particularismes religieux de leur région, qui sont à vrai dire un bric-à-brac historique :
- Enseignement religieux obligatoire à l’école, sauf dispense écrite des parents (obligation issue de la loi Falloux du 15 mars 1850, non abrogée dans ces trois départements après 1871, du fait de leur annexion par l’Allemagne jusqu’en 1918) ;
- Rémunération par l’Etat des prêtres, pasteurs et rabbins (concordat de 1801 ; coût annuel en 2011 : 56 millions d’euros) ; financement public des facultés de théologie catholique (création allemande de 1902) et protestante ; séminaires de formation des prêtres et pasteurs incorporés aux universités publiques ;
- Délit de blasphème sanctionné par un emprisonnement de trois ans au plus (articles 166 et 167 du code pénal local).
La République cesserait-elle, de par sa Constitution rénovée à l’initiative de HOLLANDE et en violation de son article premier, d’être « indivisible » et « laïque » ? La seule voie républicaine, c’est l’application aux départements de l’Est, qui ont fait retour au territoire national en 1918, des lois laïques de 1905, c’est l’abrogation qu’ils attendent depuis un siècle de ce statut attentatoire aux libertés d’éducation, de parole et de conscience des Alsaciens et Mosellans, de ce statut qui oblige l’ensemble des contribuables français à subventionner les cultes officiellement reconnus d’Alsace et Moselle.
Et plus généralement, puisque la laïcité se définit comme le seul moyen d’assurer la liberté de conscience des citoyens (article 1er de la loi de 1905), est-il conforme à ce principe que lesdits contribuables français soient obligés de financer les écoles confessionnelles sous contrat (loi Debré de fin 1959) ?
Est-ce conforme à l’égalité républicaine que tout contribuable soit tenu de payer, quelles que soient ses convictions, leurs écoles privées à ceux des parents qui répugnent à mêler leurs enfants à ceux de l’école publique, à ces parents auxquels il faut des serres chaudes, des incubateurs spéciaux pour préserver leur progéniture de la promiscuité populaire ?
Les benoîtes considérations que l’enseignement privé sous contrat accueille 22 % de la population scolaire et qu’en un demi-siècle cet enseignement a pris la dimension d’un service public complémentaire, que nombre de parents de convictions laïques y envoient leurs enfants pour déjouer les rigueurs de la carte scolaire et que cet enseignement s’est plus embourgeoisé que cléricalisé, suffisent-elles à justifier que le camp laïque accepte que les écoles privées confessionnelles prospèrent sur le dénuement organisé de l’école publique ?
La République française, espace politique de liberté, d’égalité et de fraternité, doit-elle progressivement se saborder en développant en son sein, par ses largesses budgétaires et en période de crise financière, le communautarisme ?
La laïcité, qui comporte à bon droit l’interdiction signifiée à quelques centaines de femmes de s’enfermer dans des prisons portatives de toile, doit comporter tout aussi nécessairement la lutte contre la ségrégation éducative de millions de jeunes français en fonction de leur religion ou de la préférence de leurs parents pour une éducation privée qui leur est gracieusement offerte par cette bonne fille de République.
La laïcité, l’une des valeurs fondatrices de la société républicaine, est l’enjeu d’une lutte sociale de grande ampleur pour laquelle le mouvement syndical, particulièrement celui des enseignants, devrait se sentir profondément et directement concerné. Est-ce le cas ?
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