Je suis médecin généraliste, et je pratique le tiers-payant depuis plus de quinze ans.
Et pourtant, le brouhaha médiatique orchestré par Marisol Touraine autour de la généralisation de ce dispositif me pose problème.
Je passe sur les cris d’orfraie de ceux qui ont toujours vilipendé le tiers-payant chez le généraliste comme une vilenie bolchévique, quand le tiers-payant chez le spécialiste ne serait qu’une facilité de trésorerie.( Vous payez intégralement votre IRM chez le radiologue, vous? )
Ainsi du Dr Ortiz, de la CSMF, qui explique qu’honorer le médecin de la main à la main, glisser le chèque ou le billet, est indispensable, un fondement même de l’acte médical. Mouaaaais… A d’autres. L’argument est pitoyable. (1)
Marisol Touraine, Don Quichotte abonnée aux dîners du Siècle
Je m’attarde un instant sur l’utilisation politique qui est faite par Marisol Touraine de cette mesure : incapable de traiter les vrais sujets, à savoir la désertification médicale liée à la totale déconnexion des tarifs de remboursement par rapport à la réalité économique de la pratique médicale, elle botte en touche, menant des campagnes médiatiques successives.
Hier, elle « luttait » contre les dépassements d’honoraires en ville, en laissant en l’état la situation aux consultations hospitalières avec leurs files d’attente à deux vitesses…(2)
Marisol Touraine, et un confrère en secteur 1 (sans dépassements d'honoraires)
Aujourd’hui, elle fait mine de découvrir le tiers-payant, quand le problème n’est pas « qui paie le médecin ? » mais « comment un médecin peut-il indéfiniment fonctionner correctement avec des tarifs déconnectés du coût de sa pratique ? »
A chaque épisode, la seule chose qui semble importer à la Ministre est son propre affichage médiatique : abonnée aux dîners du Siècle (3) , Marisol Touraine ne cesse de scander à qui veut encore l’entendre qu’elle est « de gauche », résolument « de gauche », épidermiquement « de gauche » un peu comme une Carla Bruni sous acide.
Le tiers-payant existe depuis longtemps
Reprenons en amont : le tiers-payant existe, depuis longtemps, et les médecins le pratiquent, depuis longtemps.
Certains parce qu’ils sont conscients de faciliter ainsi le recours aux soins de certains patients (4), et parce que cela leur permet de faire honorer les « petits actes » comme les actes plus lourds.
Le tiers-payant existe, et aucune des études menées depuis des années n’a mis en évidence ce que clament nombre de ses détracteurs, à savoir qu’il pousserait à la consommation de soins par des patients irresponsables. (5)
Le tiers-payant existe, et a toujours été combattu par une frange conservatrice de la profession, considérant que le patient DOIT payer de sa poche pour que le soin ait un sens. Mais non contents de camper sur leurs positions, leurs syndicats réactionnaires ont tout fait pour empêcher les généralistes ( et seulement les généralistes) de pratiquer le tiers-payant s’ils le souhaitaient.
CSMF et SML mirent ainsi à bas en 2004 le système optionnel du médecin référent, dans lequel le généraliste, en contrepartie d’un forfait annuel, se formait indépendamment des firmes pharmaceutiques, tenait un dossier informatisé, et pratiquait le tiers-payant intégral pour ses patients, en étant payé directement par l’Assurance-Maladie, qui se tournait ensuite vers les assurances ou mutuelles pour récupérer la part complémentaire.
( J’en vois qui ne suivent pas : l’Assurance-Maladie rembourse en général 70% du tarif de l’acte – soit par exemple 16,10 euros sur une consultation à 23 euros- et la complémentaire rembourse le restant, soit 6,90 euros. En théorie.)
Petits arrangements politiques entre amis sur le dos des patients et des généralistes
En 2004, il y a dix ans, Chirac plaça à la tête de l’Assurance-Maladie un assureur, Frédéric Van Roekeghem, qui ( pur hasard) venait d’AXA, dont, ( re-pur hasard), le PDG Claude Bébéar était un ami de trente ans du Président de la République. (Et on sait combien l’amitié, à l’UMP, est un bien précieux) (6)
Van Roekeghem avait une mission : au nom de la sauvegarde de l’Assurance-Maladie solidaire, utiliser les techniques libérales de l’assurance privée pour « dégraisser le mammouth ». Dans ce jeu de dupes, l’accès aux soins des patients fut prétexte à un petit arrangement politique entre amis.
Xavier Bertrand et Frédéric Van Roekeghem ( merci à l'UCDF)
Douste-Blazy, cardiologue à mèche spécialiste du massage cardiaque assis, fut envoyé sur les plateaux de télé pour vanter la réforme dite du « médecin traitant ». En back-office, Xavier Bertrand, accessoirement ancien d’AXA lui aussi ( le monde est petit, et plein d’amusantes coincidences), se rapprochait des syndicats réactionnaires et leur offrait sur un plateau les têtes des 11.000 généralistes référents. Assurés que le médecin traitant, dénué de moyens financiers, ne pourrait en aucune façon tenir le rôle de coordination qui lui était dévolu, CSMF et SML signèrent des deux mains la convention, poignardant dans le dos la médecine générale, qui ne s’en est jamais remise. (7)
Brimades et poursuites : l’Assurance-maladie ne défend pas le tiers-payant
Du côté de l’Assurance-Maladie, Frédéric Van Roekeghem empila les contraintes administratives, les contrôles, les brimades.
Sous sa direction, le nombre d’arrêts de travail litigieux passa brutalement du simple au double ( quitte à utiliser des tours de passe-passe peu glorieux) , justifiant ainsi politiquement la chasse aux abus sarkozyste.
Comme tout ultralibéral qui se respecte, l’ancien assureur voulut mettre en place sa propre alternative à l’option référent, la « rémunération à la performance ».
CSMF et SML participèrent à la mise en œuvre de ce permis à points, qui chaque année fait office de marronnier pour nombre de journalistes de l’information sociale, lesquels titrent régulièrement sur « ce treizième mois pour les généralistes » sans jamais révéler que les items médicaux choisis pour cette rémunération sont pour certains moisis ( dosage des fractions du cholestérol, prescription d’aspirine ou de statine systématique aux diabétiques) voire carrément scandaleux ( promotion aveugle de la mammographie systématique de dépistage, alors que s’amassent les études prouvant sa faible utilité et les risques du surdiagnostic : mastectomies inutiles, etc…)
Dans le même temps, obéissant à la Voix de son Maître, Frédéric Van Roekeghem reproduisait le discours sarkozyste, récoltait les franchises dans la poche des cancéreux et des malades d’Alzheimer.
Des directeurs de caisse, bien dressés, pourchassaient pendant ces années-là les soignants pratiquant encore le tiers-payant.
La caisse du Lot et Garonne menaçait de poursuites médecins et infirmiers. Leur large utilisation du tiers-payant était considérée comme « une dérive » par Gilbert Pécouil (8), le directeur de la CPAM départementale, y compris dans le cadre des patients atteints d’une « affection longue durée » : « Le tiers payant est prévu en cas de précarité. L’ALD n’en est pas une forcément : c’est au professionnel de juger de la situation.» Frédéric Van Roekeghem laissa faire. (9)
Moi, Président des « mutuelles pour tous »
Lorsque François Hollande, le candidat du Parti « Socialiste », arriva au pouvoir, on put espérer un temps une amélioration de la situation. L’inverse se produisit. La politique de santé fut confiée à une grande bourgeoise qui, comme nombre de politiques, n’y comprenait que pouic.
Van Roekeghem, hier conspué, fut célébré par les anciens opposants aux franchises. L’ancien assureur d’AXA était donc « ce grand serviteur de l’Etat avec qui il est très agréable de travailler », selon Catherine Lemorton, députée « socialiste » et présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, qui vanta dans les colonnes du Monde les qualités de celui que le quotidien considérait comme « le véritable ministre délégué à la Santé ».
Catherine Lemorton, alors encore opposée aux franchises et aux assureurs à la tête de la Sécu ( mais le changement c'est pour bientôt)
Dans le même temps, les incestueuses relations entre politiques et assureurs continuaient. Nicolas Sarkozy s’était montré prudent. Son frère Guillaume l’avait été nettement moins, déclarant à son arrivée à la tête du groupe Mederic : « Mon ambition est que Médéric relève les défis des réformes à venir qui transformeront profondément l'intervention des acteurs complémentaires, notamment dans le domaine de la santé, pour jouer un rôle de premier plan dans l'amélioration des services de protection sociale ».
Manifestation d'étudiants en médecine en 2007
Hollande, lui, ne se gêna pas, déroulant le tapis rouge à Etienne Caniard, « médiatique » (10) directeur de la Mutualité Française.
«Une mutuelle pour tous», glapissaient les sbires hollandais qui firent passer l’ANI ( Accord National Inter-Entreprises) au forceps, omettant de pointer que comme leurs prédécesseurs, ils poursuivaient le désistement programmé de l’Assurance-Maladie, ouvrant le marché des soins de ville aux assureurs privés, y compris ceux se parant encore de la raison sociale « mutuelle ».
A l’Assemblée Nationale, Bruno Le Roux ( ancien vice-président de la très sulfureuse MNEF) déposait une loi permettant aux complémentaires de créer leurs propres réseaux de soins, et Fanélie Carrey-Conte, en tant que rapporteur de cette loi Le Roux, fustigeait les médecins réticents.
On a récemment pu voir le premier à l’œuvre, menaçant servilement de représailles les députés encore «socialistes» rechignant à couvrir d’un voile pudique la longue série des renoncements hollandais.
Tandis que la seconde fait actuellement plutôt profil bas, la tristement célèbre Mutuelle des Etudiants ( LMDE) , dont elle fut longtemps administratrice, ayant été de manière répétée dénoncée pour sa gabegie et l’indigence stupéfiante de sa gestion par la Cour des Comptes, Que Choisir, et bien d’autres.
Faire carrière politique ou servir l’intérêt public, le choix est parfois cruel. Mais pas pour tout le monde, apparemment. (11)
A l’automne 2012, devant un Etienne Caniard satisfait, Marisol Touraine vint annoncer au Congrès de la Mutualité Française que le gouvernement reportait d’une année l’obligation de publication des frais de gestion des mutuelles « dont nous connaissons les difficultés qu’elles créaient pour vous » ( On croit rêver, je sais). (12)
Nous semblons avoir dérivé très loin de la question initiale, celle du tiers-payant, mais un peu de patience, vous allez voir que nous sommes en fait très proche du cœur du réacteur.
Un gouvernement « socialiste » converti au néolibéralisme
Le gouvernement « socialiste », de reniement en reniement, cale de manière de plus en plus évidente son action sur le modèle de son prédécesseur, ignorant le peuple, flattant les puissants, se prosternant devant la banque.
Le calamiteux Hollande a nommé Ministre des Finances un fraudeur fiscal de compétition. Son conseiller personnel, rédacteur du fameux discours : « Mon adversaire c’est la finance », s’est révélé être un menteur pétri de conflits d’intérêt avec les firmes pharmaceutiques.
Hollande et Morelle: Leur adversaire, c'est la finance
Il a récemment viré son secrétaire général, ancien banquier de HSBC, pour le remplacer par une économiste de la Bank of America Merryll Lynch, accessoirement administratrice à jetons dans le groupe de luxe de François Pinault.
Pour Hollande et Valls, comme pour Margaret Thatcher avant eux : There Is No Alternative.
Conformément aux préceptes néolibéraux, et au dogme de la réduction des dépenses publiques, seule à même de permettre de continuer à servir aux banques les intérêts d’une dette illégitime, il faut réduire les dépenses sociales, quoiqu’il en coûte. Et pour ce faire, basculer progressivement la prise en charge de la protection sociale de la Sécu vers les complémentaires, affolées par ce gigantesque marché (13).
La mise en place du tiers-payant vise, dans ce contexte, à habituer le patient à ne plus payer le professionnel de santé directement, non pas tant pour lui faciliter l’accès aux soins, mais pour permettre un désengagement progressif et invisible de la Sécurité Sociale au profit des complémentaires.
Ce qui se joue, c’est l’indépendance professionnelle du soignant, mise à mal par l’assureur-payeur, bien éloigné d’une logique solidaire. (14)
Une usine à gaz signée Xavier Bertrand
D’autant que la réforme mise en place par Xavier Bertrand a profondément complexifié les remboursements des soins, instaurant aujourd’hui des pénalités parfois incompréhensibles aux patients qui n’auraient pas choisi de médecin traitant… mais aussi à ceux, nombreux, pour lesquels les organismes d’assurance-maladie ont perdu trace administrative de cette déclaration, ou même ceux dont le médecin cesse son activité ou décède.
Ces retenues et pénalités, nombre de patients ne s’en rendent pas compte, tant le « parcours de soins », grâce à Xavier Bertrand et Frédéric van Roekeghem, est une usine à gaz.
Les médecins qui pratiquent le tiers-payant, eux, en sont bien conscients, car c’est eux qui subissent de plein fouet les erreurs des caisses, qu’ils imputent le plus souvent en pertes pures et simples. Le coût du recouvrement de ces erreurs fréquentes n’est pas nul : une étude sur les centres de santé l’a chiffré à près de 4,38 euros par acte(15) !
Le seul moyen de généraliser le tiers-payant serait donc, dans un premier temps, d’assurer un payeur à guichet unique, l’Assurance-Maladie, qui règle le professionnel de santé directement puis se retourne vers les complémentaires.
Frédéric Van Roekeghem y rechigne : le cost-cutter que Chirac a mis en place, que Sarkozy a apprécié, que Hollande a conforté, a suffisamment taillé dans les effectifs des caisses pour que ce qui hier, du temps de l’option référent, était envisageable, le soit beaucoup moins aujourd’hui, alors que les dossiers en attente s’empilent dans les CPAM, incapables même de comptabiliser correctement le nombre de patients qui ont déclaré tel ou tel médecin comme médecin traitant.
Quand on n’est même plus capable de tenir à jour correctement un listing du nombre de patients d’un médecin, comment organiser le remboursement des actes, et gérer la multiplicité des 600 complémentaires et la grande médiocrité informatique et administrative de nombre d’entre elles ?...
Marisol Touraine, moderne Marie-Chantal, n’en a rien à faire. La ministre veut laisser une marque, une marque « sociââââle », et l’intendance suivra.
Du moins le croit-elle, en empilant sur les épaules d’une CNAM en difficulté gestion du tiers-payant et relance du « Dossier Médical Partagé » promis par son prédécesseur Douste-Blazy depuis… 2004. En complexifiant les tâches administratives de recouvrement de médecins dont le temps utile consacré au soin ne cesse de diminuer dans un univers de contraintes accumulées.
Dans la grande lignée des réformes «socialistes», elle annonce une réforme courageuse... dont d’autres feront les frais.
Marisol Touraine, pompier-pyromane
Rendre le tiers-payant obligatoire, dans l’état actuel des flux informatiques soignant-AssuranceMaladie-complémentaires, est impossible, et conduira à l’explosion du système.
Si Marisol Touraine voulait généraliser le tiers-payant, il faudrait commencer par faire cesser les brimades qu’encourent aujourd’hui les médecins qui le pratiquent... et mettre en place un payeur unique.
Il faudrait ôter les freins existant à la réalisation du tiers-payant par les soignants qui y sont attachés, et rémunérer le coût de cette tâche administrative, comme ce fut le cas du temps de l’option référent. Mais cela conforterait le rôle de l’Assurance-Maladie solidaire, dont le pouvoir politique, depuis plus d’une décennie, envisage avec soulagement la mort.
Dans l’état actuel des choses, outre l’inflexion du discours ( moins culpabilisant envers les patients) le tiers-payant généralisé de Marisol Touraine n’est donc que la caution sociale d’une politique antisociale.
Christian Lehmann
Médecin généraliste depuis 1984, Christian Lehmann est écrivain, auteur de la trilogie « No Pasaran » ( Ecole des Loisirs) et de « Patients si vous saviez » ( Points-Seuil)
(1) Le docteur Ortiz passe sous silence l’essentiel, à savoir que la CSMF est l’un des responsables du bordel sanitaire actuel en médecine de ville, et non des moindres.
(2) Rendez-vous rapide avec le professeur renommé pour les (très) riches, rendez-vous plus tardif, éventuellement avec un membre de son équipe, pour le commun des mortels
(3) Le Siècle est un club fermé réservé à de grands « décideurs » financiers, industriels, et politiques, et autres éditocrates médiatiques : l « Elite » de la nation, en somme….
(4) Je pratique le tiers-payant parce qu’il facilite l’accès aux soins des patients aux ressources limitées ( pas seulement les patients bénéficiant de la CMU, comme il est dit souvent, mais les personnes âgées aux faibles retraites, les jeunes couples, les étudiants, etc…).
(5) L’irresponsabilité supposée des patients fut la grande litanie des temps sarkozystes, d’où la franchise sur les soins :
-franchise que Sarkozy mit en place
-franchise qui fit reculer l’accès aux soins des plus faibles
-franchise que les députés socialistes dénoncèrent lorsqu’ils étaient dans l’opposition
-franchise qui n’étouffe plus les mêmes députés socialistes maintenant que leur clan est aux affaires.
(6) On me glisse à l’instant même dans l’oreillette qu’au Parti « Socialiste » aussi, l’amitié est un bien précieux., comme le prouve Manuel Valls aux côtés de son ami Henri de Castries, actuel PDG d’AXA ( comme c’est charmant, toutes ces coincidences)
(7) L’option référent fut supprimée d’un trait de plume, et les deux syndicalistes signataires de ce forfait reçurent en temps utile la Médaille de la Légion d’Honneur des mains de Xavier Bertrand. On n’est jamais si bien servile que par soi-même.
(8) « Que ton nom soit inscrit quelque part… » Lorsqu’on Google le nom du zélé directeur, seuls remontent des articles sur les conflits internes de la caisse avec ses salariés { «Vous savez qu’on prend des antidépresseurs pour venir travailler ici ! » lance un agent} , des « soucis de remboursement » dans le département pour les pharmaciens en tiers-payant, ou encore un interview dans lequel le directeur affirme son implication dans les programmes de dépistage du cancer du sein et du colon ( dont la pertinence laisse fortement à désirer….) . Mais jusqu’ici, sa vision très particulière du rôle d’une Sécurité Sociale Solidaire, et ses menaces envers des professionnels de santé pratiquant le tiers-payant envers des patients en affection de longue durée, semblait être passé sous le radar du World Wide Web. L’injustice est réparée.
(9) Dans une tribune récente sur Mediapart, l’ami Marcel Garrigou-Grandchamp, spécialiste des questions juridiques à la Fédération des Médecins de France, le souligne : «Il faut aussi savoir, mais cela n'est pas politiquement correct, et ce n'est donc pas dit haut et fort, que l'assurance maladie n'est pas favorable au tiers payant ! Un exemple lorsque ses pôles de contrôle passent au crible l'activité d'un médecin (par exemple lors d'une procédure dans le cadre de l'art 315 du code de la sécurité sociale) tous les actes en tiers payant sont considérés comme suspects !» On notera aussi qu’une des raisons de l’opposition du directeur de l’Assurance-maladie au tiers payant intégral… est que celui-ci complexifie énormément la récupération des franchises qu’il lui faut ensuite aller réclamer directement aux assurés…
(10) On ne compte plus dans les média les tribunes du directeur de la Mutualité Française, les colloques que celle-ci sponsorise. On ne s’étonne pas de voir Alternatives Economiques (pourtant sourcilleux sur la question des conflits d’intérêt... chez les autres) réaliser son Spécial Santé avec le «partenariat » de la Mutualité Française, ni de voir Eric Favereau, dans Libération, louer « une des personnalités les plus attachantes et les plus compétentes du monde de la santé » entre deux Jeudi de la Santé organisés en partenariat avec…. vous aurez deviné…la Mutualité Française.
(11) Que Choisir révèle opportunément que Laurence Rossignol, l’actuelle Secrétaire d’Etat à la Famille et aux personnes âgées a été salariée pendant 18 ans par la LMDE pour un emploi qu’on semble pouvoir aisément qualifier de.... discret. Combien de hiérarques socialistes ont-ils ainsi émargé dans ce système «mutualiste», qui sait au moins se montrer «solidaire» envers ses amis?
(12) La publication des frais de gestion des mutuelles semble effectivement poser à celles-ci « quelques difficultés». Comment, effectivement, révéler aux assurés la part considérable de leurs cotisations qui sert à financer les salaires faramineux de certains dirigeants collectionneurs de voitures de course, les rallyes automobiles et les courses nautiques, sans oublier les confortables émoluments de comiques autrefois surréalistes ( Chevalier et Laspalès) depuis longtemps reconvertis dans la traite des pigeons ?
(13) Que les complémentaires françaises aient les yeux plus gros que le ventre, et soient elles-même menacées à terme par le jeu de l’ultra-concurrence libérale, est un autre problème. Le marché de la santé fait bander les assureurs, comme les subprimes faisaient bander Lehman Brothers. Beaucoup resteront sur le carreau... et commencent, un peu tardivement, à s’en rendre compte…. Alors que François Hollande fait des pieds et des mains pour faire adopter le traité transatlantique, il est urgent de rappeler ce qu’écrivait dès 1999 la Coalition des industries de service américaine au sujet des négociations du GATT: « Nous pensons pouvoir progresser largement dans les négociations afin de dégager les opportunités pour les compagnies américaines de s’implanter sur les marchés de soins étrangers... Historiquement les services de santé dans de nombreux pays ont été sous la responsabilité du secteur public. Cette appartenance au secteur public a rendu difficile l’implantation marchande des industries de service du secteur privé US dans ces pays...» A bon entendeur...
(14) Il suffit de voir la manière dont les banques et assurances font pression sur les patients, au nom de la loi Kouchner ( !!!) , pour forcer leur médecin à révéler des pans entiers de leur dossier médical, au mépris de la législation, lors des négociations de prêt, pour savoir à quoi ressemblera un monde où le médecin est financièrement lié à l’assureur «complémentaire».
(15) La médecine d’équipe avec application du tiers payant systématique a un coût que cette étude aura permis de chiffrer précisément :
coût du tiers payant par acte : 4,38 € (soit 20 % sur un acte de généraliste) ;
gestion des rejets et actes impayés : 5 % du chiffre d’affaires de la structure.
La pratique du tiers payant qui concerne obligatoirement les centres de santé d’aujourd’hui et les maisons de santé de demain (partie obligatoire du cahier des charges du rapport Juilhard- Vallancien) est d’abord un service pour le patient. Elle sous-entend la mise en place d’un accueil administratif et social. En effet, il est nécessaire pour chaque patient de vérifier ses droits ou de lui « dire ses droits » que souvent il ignore (AME, CMU, CMUC).
Cette simple fonction engendre un surcoût de 25 % par rapport à un exercice libéral classique.
in: La place des Centres de Santé dans l’Offre de Soins Parisienne, Richard Bouton Consultants.
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