Nul ne croit aujourd'hui à des prises de décision véritablement engagées dans la perspective d'un monde nouveau, à Copenhague. L'intérêt cependant aura été d'entendre les points de vue et de poser des questions.
Pour leur résolution, il faudra que les dirigeants politiques comme les décideurs économiques y soient contraints par une mobilisation des peuples, sur ces sujets fondamentaux, dans un sursaut et un élan démocratiques aussi nécessaires que difficiles à construire. Trop d'intérêts sont en jeu pour que certains renoncent aisément à faire prendre les vessies pour des lanternes...
Mais que les crapules qui nous gouvernent le comprennent: le temps où l'on demande plus d'efforts aux salariés, sans toucher aux privilèges exorbitants des possédants et des "managers" prédateurs, où l'on massacre les services publics au nom de la "concurrence", habillée pour la circonstance en "meilleur service rendu", bien sûr sans preuve, où l'on casse toutes les solidarités par un démantèlement systématique des législations qui les fondent , ce temps là est terminé. Après viennent les révoltes...
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Ci-dessous une intervention de Claudie Martens au colloque organisé en commun par la FSU et Solidaires sur ces questions.
L’exposé de ce matin a montré à quel point il y a nécessité de mettre en place un nouveau
système productif
- plus sobre en carbone,
- qui n’épuise pas les ressources naturelles,
- qui permette de répondre aux besoins de toute l’humanité.
Deux types de réponse sont apportées à cet impératif écologique aujourd’hui ;
La première réside dans le développement de technologies vertes dans un système marchand
de libre échange, de concurrence, de croissance quantitative qui ne remet pas en cause les
modes de vie ou l’organisation économique et sociale du monde .
Je regroupe dans cette vision de l’avenir tous les défenseurs du tout marché comme outil de régulation, tous les
défenseurs d’une « croissance verte » finalement très rassurante pour beaucoup.
Elle est illusoire, de mon point de vue, en particulier parce qu’elle ignore la question des
inégalités sociales. Or si on ne traite pas la question sociale, on se trouve confronté à des
résistances fortes (au plan national et international).
La seconde réponse réside dans la mise en place d’un nouveau système productif, de
consommation, d’échange dans le cadre plus large d’un projet fort de transformation sociale
fondé sur des idéaux d’égalité, de solidarité et de démocratie. Formulé comme tel, cela
semble renvoyer à des problématiques plus familières pour les syndicalistes que nous sommes
Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ce projet , doit impérativement être confronté
aux réalités contemporaines c'est-à-dire celles de la crise écologique. Et de ce point de vue,
si les discours syndicaux intègrent généralement cet aspect, la conviction n’est pas encore
complètement gagnée dans les esprits.
Autrement dit, je suis convaincue que la question écologique ne se résoudra pas sans traitement de la
question des inégalités sociales mais l’inverse est également vrai.
La résolution de question sociale est indissociable de la résolution de la question écologique.
I . Pourquoi l’impératif écologique est incontournable ?
Le monde change
- La population du globe a considérablement augmenté
Elle était, il y a 50 ans, à peine supérieure à 2 milliards d’habitants. Elle est actuellement de
6,5 milliards et devrait atteindre 9,1 milliards en 2050.
Cette augmentation s’accompagne d’une légitime aspiration au développement des pays en
voie de développement et des pays émergents. Chacun sait que ce développement pour la
Chine, l’Inde, le Brésil est en route
Mais le mode de vie des pays développés aboutit à la consommation de l’essentiel (85%) des
ressources mondiales (par 20% de la population). On comprend facilement que ce n’est pas
généralisable.
Si l’on prend la seule question de l’énergie, entre le début et la fin du XXe siècle, la
consommation mondiale a été multipliée par dix. D’ici à 2030, la demande augmentera de
plus de 50 % par rapport à aujourd’hui. Cette énergie est essentiellement produite par les
combustibles fossiles Or indépendamment des problèmes d’émission qu’ils génèrent, les
ressources s’épuisent (40 ans devant nous pour le pétrole, 200 pour le charbon à
consommation égale à celle d’aujourd’hui)
L’exploitation de nouveaux gisements de combustibles fossiles crée de nouvelles pollutions
dramatiques (cf. exploitation du pétrole au Canada) pour les écosystèmes, le recours au
nucléaire pose la question en particulier des déchets. Il faut donc trouver des alternatives aux
combustibles fossiles, limiter le recours au nucléaire et produire plus d’énergie.
Les solutions se trouvent-elles dans les nouvelles technologies ?
En partie oui.
En faisant appel à l’innovation et la recherche, de nouvelles solutions émergent dans tous les
domaines : énergie, avec le solaire par exemple, transport avec des voitures plus propres,
bâtiments avec des constructions à énergie positive.
Cela signifie investir massivement dans la recherche et l’innovation, dans la formation a
travers les politiques publiques ambitieuses. On en est loin aujourd’hui en France.
Mais c’est aussi en partie illusoire au regard des objectifs à atteindre. (Diviser par quatre les
émissions de GES des pays industrialisés en moins de cinquante ans).
Par exemple les énergies renouvelables pourraient au mieux couvrir 20% des besoins à
l’horizon 2050 à un coût important.
Il faudra donc aussi des efforts considérables de réduction de consommation
La question de l’automobile est particulièrement sensible. Quantitativement le facteur 4 n’est
pas atteignable même avec un parc automobile rénové à coup de voitures hybrides ou
électriques dont le cout est par ailleurs élevé. C’est l’usage même de la voiture et les besoins
en mobilité qui doivent être travaillés.
Autrement dit, nos modes de production et de consommation ne sont pas généralisables
Et l’aspiration à de meilleures conditions de vie, pour tous et sur la durée ne peut ignorer la
question des ressources, et des modes de vie consommateurs de ces ressources.
Les changements que cela implique nécessitent des remises en cause, y compris au niveau
individuel, douloureuses.
Elles ont du sens parce qu’elles s’inscrivent dans une logique de solidarité verticale vis-à-vis
de nos enfants et des générations suivantes. Cette logique ne peut
être mise en oeuvre que si elle est largement partagée. Elle ne le sera pas dans un monde ou les
solidarités horizontales ne tiendraient aucune place. Cela nous ramène à la question sociale
J’ai parlé au début de la nécessité « d’un nouveau système productif, de consommation,
d’échange dans le cadre plus large d’un projet fort de transformation sociale» .
Quel contenu met-on dans cette formule ?
II . Le contenu ne peut être qu’audacieux et rassembleur
Un horizon nouveau, ce n’est pas un modèle de développement identique au précédent mais
en plus propre. Ce n’est pas non plus le renoncement au bien être, et le renoncement au
progrès.
C’est un développement où l’on repense en particulier la place de l’individu et du collectif et
la question des territoires. Cela implique de rompre avec les logiques de profit maximum et
immédiat en oeuvre dans le système capitaliste aujourd’hui.
Mais cela implique aussi des
changements qui percutent les habitudes et les désirs de chacun.
Pour tenter de donner un contenu plus perceptible je prendrai 2 exemples
Celui de l’habitat et des transports d’une part, et celui des systèmes de production d’autre
part.
-Premier exemple : habitat/ transport
Redensifier l’habitat est devenu un leit motiv dans nos pays industrialisés : l’habitat collectif
est moins consommateur d’énergie, permet des équipements collectifs en transport, en loisir
qui induit des modes de vie plus sobres en produits de consommation.
Le problème c’est que si près de 80% des Français vivent dans un espace sous dominante
urbaine, plus de la moitié habite en périphérie avec comme conséquences un fort étalement
urbain, le développement important d’habitats individuels, d’équipements individuels.
C’est pour beaucoup par contrainte, les centres villes étant inaccessibles, mais pas seulement.
La maison individuelle et son jardin reste le rêve de plus de 80 % des Français. On ne peut
ignorer cette réalité.
Pour redensifier l’habitat, il faut en donner le désir et les moyens d’accès à grande échelle.
Quel constat ?
- les modèles d’éco quartiers restent des ilots difficilement généralisables dans des
délais raisonnables,
- les grands projets architecturaux ne font pas rêver le grand public.
Il y a des pistes à travailler, qui répondent davantage aux aspirations des individus au travers
du développement d’un habitat individuel dense (ville village), avec un mode de vie avant tout
urbain. C’est une question qui avait été travaillée dans le projet Paris métropole avec la
consultation des 10 architectes mais qui a ensuite été largement ignorée par N Sarkozy
Leur développement permettrait de favoriser la production de biens collectifs, (équipements
de transports en commun, sportifs, de loisir, culturels facilement accessibles) ou partagés.
La question de l’usage de l’automobile se poserait en des termes bien différents.
J’ai dit tout à l’heure qu’il faut admettre qu'on devra, sans éliminer la voiture, rechercher les
voies d'une voiture autrement. Dans un cadre où les transports en commun seraient
considérablement développés cela devient possible (covoiturage, auto-partage, transport à la
demande, taxi collectif et d’autres sans doute). On observe aujourd’hui que plus les gens sont
mobiles, plus ils utilisent l'automobile parmi d’autres modes de transports et en ne la
possédant plus (ils la louent, la partagent…)
- Deuxième exemple avec les systèmes de production
Quel contenu à la formule « une autre façon de produire et de consommer »
1 Produire d’autres choses (des kWh « propres », des aliments bio, des m2 à zéro émission,
des produits à longue durée de vie et recyclables…). Cela exige en général plus de travail et
plus de valeur ajoutée par unité produite, donc plus de qualification, donc plus de formation,
une autre place du travail et donc du travailleur dans la société (c’est vrai au nord comme au
sud). cf. nos réflexions communes sur le travail et sa qualité
2 Produire plus sobrement : être plus attentif à l'origine et au type des matières premières
utilisées, aux conditions dans lesquelles se fait la production (quels travailleurs, payés
comment et combien), aux conditions de la distribution et aux déchets générés par leur
utilisation. Il ya le débat autour du « produire local » et du développement des circuits courts.
C’est une question complexe qui appelle discussion car à certains égards elle peut être une
fausse bonne idée.
3 Questionner le type d’entreprise dans laquelle on produit : quelle modes de fonctionnement
et quels objectifs ? Ne faudrait-il pas renouer avec la tradition coopérative et mutualiste pour
parvenir à une véritable économie plurielle?
4 Développer une nouvelle conception des échanges entre les PED, les pays émergents et les
pays industriels, élargir la notion de commerce équitable au commerce en général et au
commerce international en particulier.
Au final quand on essaie de mettre un contenu à ce que pourrait être ce projet de
développement, on s’aperçoit que la place des services publics est essentielle. Le contenu
d’un nouveau mode de développement implique plus d’ éducation, de formation qualifiante,
de recherche et d’innovation, davantage de biens d’équipement collectifs, des
investissements et des réalisations sur le long terme que seuls les pouvoirs publics peuvent
mettre en oeuvre. Il implique aussi de sortir des logiques du marché et de la propriété privée,
l’exploitation de biens collectifs comme l’eau, les ressources énergétiques, mais aussi les
télécommunications.
Les Services Publics sont indispensables à la promotion de cet autre type de développement,
des services publics renforcés et avec un fonctionnement plus démocratiques ou la prise en
compte de l’expression des usagers et des personnels soit une réalité.
Cela pose la question de leur financement et plus largement donc celle d’une fiscalité plus
importante sans doute mais surtout plus juste.
III Pour conclure
J’ai commencé mon propos en rappelant les déséquilibres entre régions du globe. Toutes les
études sur le réchauffement climatique montrent que sans changement les inégalités entre
régions du monde vont s’aggraver (les pollueurs ne sont pas les plus payeurs : l’Afrique va
subir bien plus durement les conséquences du réchauffement que l’Europe par exemple)
Les inégalités au sein d’une région vont également s’aggraver : les populations les plus
pauvres vont subir bien plus fortement les conséquences des mesures d’atténuation que les
populations les plus favorisées.
On ne pourra pas régler le Pb du changement climatique si on ne répond pas à
l’augmentation de la pauvreté
Quelques chiffres :
- 3 milliards d’hommes vivent avec moins de deux euros par jour
- Si on prend le chiffre de l’OCDE un milliard 800 millions de travailleurs travaillent sans
contrat de travail sans protection sociale sur 3 milliards de salariés
Il est évident que ces questions deviennent essentielles
Aucun nouveau système productif ne peut se mettre en place demain sans respecter les droits
fondamentaux de l’homme au travail, sans être en capacité de créer de nouveaux emplois
prenant en compte les problèmes de santé au travail, de sécurité au travail, de risques
industriels. On ferme les mines de charbon en Pologne, très bien pour la planète mais que
deviennent les mineurs, quel emploi alternatif ? Rien Nous avons besoin d’une transition juste
c'est-à-dire de l’aide, de la solidarité, de la cohésion. Cela s’appuie sur une démocratie plus
forte, plus de justice sociale et c’est difficilement compatible avec le capital financiarisé.
Pour mettre tout cela en oeuvre il faut convaincre les syndicalistes qu’ils doivent se
préoccuper des questions écologiques, il approfondir la réflexion ensemble et c’est ce que l’on
fait aujourd’hui. Il faut aussi poursuivre le travail entamé avec les associations écologistes,
afin qu’ils intègrent pleinement la dimension sociale dans leur démarche.
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BROWN ET SARKOZY BIENTÔT ADHERENTS D' ATTAC ?
On croirait un scénario de politique-fiction. Gordon Brown, depuis
treize ans gardien de l?orthodoxie financière au Royaume-Uni, et
Nicolas Sarkozy, le président le plus à droite que la France ait
jamais connu, décident de taxer les bonus des banquiers. Ils se
prononcent pour une taxation des transactions financières, et les
vingt-sept chefs d?État ou de gouvernement européens demandent au FMI
« d?examiner toutes les options disponibles », y compris « une taxe
globale sur les transactions financières ».
L?invraisemblable décalage n?est donc plus tenable entre les discours
creux sur la « moralisation » et la « régulation » du capitalisme, et
l?exaspération populaire devant les nouveaux records de profits
bancaires. Effrayés devant l?ampleur abyssale des déficits publics
provoqués par le sauvetage des banques et la récession, et les
craquements qui annoncent de nouvelles catastrophes (Dubaï, Grèce?),
nos dirigeants s'interrogent : comment faire accepter aux populations,
dans ces conditions, de nouvelles réductions des dépenses publiques ?
Attac ne peut évidemment que se réjouir de la taxation annoncée des
bonus bancaires, et surtout de la montée en puissance du débat sur la
taxation des transactions financières.
Pourtant les vrais responsables de la crise financière ne sont pas
les traders : ce sont les gros actionnaires des banques, qui leur ont
fixé des objectifs de rentabilité absurdes et insoutenables. C'est la
rémunération des actionnaires (et de tous les très riches) qu'il faut
en priorité plafonner par la fiscalité directe, si on veut leur
retirer la tentation de trop payer leurs traders.
Le vrai problème n?est pas dans les bonus, mais dans les profits des
banques, de l?ensemble de l?industrie financière et aussi des
principales multinationales. C?est pourquoi une taxe Tobin sur les
transactions financières est indispensable : elle permettrait de
dissuader les opérations les plus spéculatives, qui se jouent à très
court terme et font appel à un fort endettement (« effet de levier »).
Elle réduirait ainsi l?instabilité de la finance ainsi que son pouvoir
social.
Elle permettrait en outre de trouver des fonds pour éviter l?échec
dramatique qui se profile à l?horizon, aussi bien pour les objectifs
du Millénaire pour le développement que pour la lutte contre le
réchauffement climatique. Au taux extrêmement modéré de 0,1%, la taxe
rapporterait plus de 400 milliards de dollars par an. L'Union
européenne peut parfaitement la mettre en place sans les États-Unis,
et cela rapporterait encore 180 milliards.
Après les paroles, il faut des actes. Nous demandons la mise en place
par l?Union européenne d?une taxe sur l?ensemble des transactions
financières, y compris les produits dérivés, à un taux significatif.
Nous demandons la hausse du taux marginal de l?impôt direct à 90% -
comme l?avait fait Roosevelt - sur les revenus les plus élevés. Alors
seulement nous accepterons les adhésions de MM. Brown et Sarkozy.
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