Même pour un parti d'élus, il faut un parti..

 L’UMP espère reconquérir des régions aux élections du printemps 2010... La nature et les hommes ayant horreur du vide, des possibilités nouvelles s’offrent en effet à la droite.

Les hypothèses de travail partent du résultat des élections européennes du 7 juin dernier: ainsi outre la Corse et l’Alsace acquises, d’autres régions pourraient basculer à droite ou y revenir.

Apparaissent comme gagnables Champagne-Ardenne, Lorraine, Basse-Normandie, Pays de Loire et comme «jouables», l’Ile-de-France, le Centre, la Bourgogne, la Franche-Comté, Rhône-Alpes et la région encore appelée PACA!

Les calculs des stratèges reposent donc sur l’incroyable déconfiture du PS lors de la dernière consultation nationale, déconfiture dont, à notre connaissance aucune analyse critique sérieuse n’a été publiée, pour l’excellente raison d’ailleurs, qu’elle eut supposé une bonne part d’autocritique.

Ils tiennent compte également, sans doute avec prudence, de la percée relative d’ Europe Ecologie: que la liste de la troïka improbable qui attelait Cohn-Bendit, Eva Joly et José Bové ait doublé le PS dans 8 régions, dont 6 dirigées par un président issu du PS, ne laisse pas d’interroger à la fois sur la popularité de l’étiquette du parti de gouvernement qui représente l’Opposition, mais aussi sur la nature politique de la motivation réelle des électeurs.

Le propre d’Europe Ecologie étant de proposer à la crise des remèdes si peu alternatifs au mode de fonctionnement du système financier, moteur, même sur des bases virtuelles, de l’économie mondiale, que le G 20, la Banque mondiale, le FMI ou l’Omc, pas plus que la prochaine conférence de Copenhague n’y trouveront rien de sérieux à retrancher. 

 On pourrait en déduire immédiatement soit que les électeurs «verts» ne souhaitent toucher à rien de fondamental dans l’organisation des forces productives, DCB pensant lui-même que le capitalisme est compatible avec l’écologie, ce qui n’est vrai que si l’on pense à sa faculté d’adaptation, soit qu’une partie d’entre eux traduisaient par ce vote d’espièglerie leur lassitude d’être pris par le PS, pour une collection d’andouilles, électoralement captives...

 Ce qui n’est pas vraiment mesuré, c’est l’impact sur les élections futures des 60% d’abstentions le 7 juin.  

 La droite se rassure dans ses pronostics par l’apport des troupes, ici ou là conséquentes, de M. De Villiers...

 Et par le fait qu’ayant perdu 14 régions en 2004, elle ne peut que progresser au détriment du PS.

 Mais qu’en pensent les autres partis?

Prendre au sérieux toutes les élections

Si l’on en croit certains commentateurs de la vie politique, il y aurait donc des élections majeures, présidentielle et législatives et des élections secondaires, toutes les autres, y compris les européennes, puisque les élus n’y vont, du moins en France et pour la plupart, qu’à regret! Enfin, indemnités parlementaires bienvenues tout de même...

Au point qu’on se demanderait à juste titre s’il est opportun de convoquer les électeurs...

C’est bien là le problème général de nos institutions: le miroir aux alouettes de la fonction présidentielle, avec les folles ambitions qu’elle suscite, son renforcement malencontreux par les élections législatives couplées et la réduction du mandat à 5 ans, même récemment corrigée par l’impossibilité d’en effectuer plus de deux, à moins que nos très peu démocrates amis d’Afrique et d’ailleurs fassent un jour école chez nous, cette élection majeure donc, puisqu’elle donne la réalité du pouvoir, et, en France, de tous les pouvoirs, a fait perdre de vue les principes démocratiques et républicains qui devraient régler notre vie politique.

 Le principe absolu en démocratie et en république, c’est que les citoyens assemblés sont Le Souverain et qu’il n’en est point d’autre! Et même que chaque citoyen est en lui-même porteur de cette qualité, la République étant une et indivisible.

 Autrement dit, la mauvaise et persistante habitude française de confondre une hiérarchie fonctionnelle et une hiérarchie personnelle a été si fortement aggravée par l’élection du Président au suffrage universel, qu’elle a fait perdre de vue qu’un principe de philosophie politique bien français, mais peu révolutionnaire, celui de la séparation des pouvoirs, était encore plus nécessaire alors qu’il est apparu comme obsolète.

 Comme si les pouvoirs concentrés et sans contrôle réel, pendant la durée du mandat du président, justifiaient qu’on le considérât comme le principe même de toute légitimité .

Ce qui, même dans l’esprit du fondateur de la V° ne fut jamais. Le référendum, pour être d’un maniement délicat, a au moins le mérite d’interroger le citoyen.

Exempté de contrôle et dispensateur d’un nombre accru de prébendes, le président dispose de plus de pouvoirs que tout chef de l’exécutif d’un état démocratique dans le monde. Et il n’a pas de pouvoir législatif digne de ce nom, ni de pouvoir judiciaire face à lui.

 Les collectivités territoriales, rouages élus de l’appareil d’Etat, élus donc investis d’une légitimité indéniable puisque mandatés par les citoyens, ne sont ni plus ni moins fondées que le président ou les parlementaires à parler au nom du peuple souverain.

Une stratégie?

Mais en même temps et c’est un problème pour tout républicain conséquent, elles ne sauraient prétendre à elles seules incarner l’Etat sur leur territoire puisqu’elles n’ont de liberté d’administration que dans le cadre autorisé par la loi commune.

Or, et cela probablement obère la nécessaire réflexion collective du PS, la pratique du cumul des mandats a développé les comportements de quasi féodaux de trop d’élus, au point de tourner dans certains départements ou régions à la caricature voire à la parodie: la politique cependant mérite mieux...

Si, une certaine confusion des normes y aidant, l’essentiel est d’être réélu, la première question qui peut venir à l’esprit est celle des alliances: toute analyse d’un résultat passé sera guidée par l’enseignement qu’on souhaite en tirer pour une élection à venir, bureau de vote par bureau de vote... Ce travail, car c’en est un, n’est pas inutile, simplement il considère le citoyen comme un client démarchable plus que comme un sujet pensant.

 On étudie des comportements électoraux, comme des habitudes de consommation au lieu d’en chercher les motivations et de proposer un véritable choix avec une offre nouvelle. 

Déduire de telles études que telle collectivité est sociologiquement de droite et que la gauche jamais n’y gagnera sans sortir de ses propres bases, c’est considérer à la fois que la pesanteur sociologique l’emportera toujours sur une dynamique de  campagne et de projet et que le discours politique n’est efficace que dans un contexte de conventions stables, fussent-elles dictées par un story telling bien maîtrisé.

 A quoi servirait alors le politique?

 La catastrophe civique du 7 juin, a par contrecoup amené les Verts à jouer ce jeu pernicieux: soit parce que se compter a un intérêt dans une stratégie d’alliance, soit parce que l’illusion de la durée peut naître, même s’il faut faire de la démagogie à l’encontre de partenaires et alliés obligés de deuxième tour (*), et c’est DCB priant le PS d’en finir avec son «paternalisme»... formule vide de sens en termes d’analyse politique mais à l’impact médiatique assuré.

Moyennant quoi, faute d’un PS porteur d’un projet collectif, alternatif et mobilisateur pour les catégories sociales qui aspirent à un changement réel et positif dans leur vie, les élections régionales risquent de donner lieu à des alliances à géométrie variable, du Modem au PCF, et soumises aux exigences ragaillardies des Verts, face à une droite unie derrière un projet parfaitement lisible, dans tous ses aspects, même si les déclarations intempestives de tel ou tel ambitieux pressé du PS, en rend la compréhension et a fortiori la dénonciation malaisée.
 

 Bref mettre le parti socialiste en ordre de bataille pour 2010, c’est d’abord le mettre en ordre de bataille pour la rentrée 2009 et par conséquent faire en sorte que son référentiel doctrinal,  sa grille d’analyse et les solutions qu’il propose ne soient pas des copier/ coller tirés d’une vulgate politicienne indifférenciée et consensuelle.

 Il n’y a pas de consensus possible entre d’un côté ceux qui octroient des milliards à la spéculation, ceux qui font semblant de les critiquer et de l’autre côté, ceux qui dans leur vie quotidienne, physique et mentale éprouvent les conséquences de tels choix.
JPB

(*): notons en passant que dans le projet de réforme des collectivités territoriales et du mode d'élection ad hoc, la question d'une élection à un seul tour est très présente dans les préoccupations d'experts électoraux du gouvernement... Bonne mise en bouche avec le projet de redécoupage pour les législatives...