La crise, le G20 et les élections européennes
On peut comprendre que le développement de la crise économique et sociale ne mette pas l’Europe au centre des préoccupations des électeurs convoqués le 7 juin prochain.
La vacuité du G 20, les licenciements, le changement de pied du gouvernement qui s’efforce de rabattre l’opinion sur la question de la sécurité, l’acharnement à faire à l’Université comme à l’Hôpital de mauvaises réformes, tout cela n’incite guère à regarder de près les enjeux d’une élection pourtant majeure : l’Europe sociale dont parle le manifeste commun des partis socialistes et social-démocrates européens devrait pourtant nous remettre en tête par exemple qu’il n’existe pas obligatoirement de comité d’entreprise européen pour les sociétés qui ont des établissements dispersés dans l’UE ! Ni de politiques sociales européennes basées sur des fiscalités redistributives…
Et pourtant pour sortir de la crise, ne parle-t-on pas d’une réévaluation du rôle des Etats ?
Aurions-nous déjà oublié le traité de Lisbonne et les conditions honteuses de sa ratification?
Son intitulé exact est : « traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la communauté européenne». L’analyse est très compliquée, pour des raisons qui sont connues.
Le traité de Lisbonne se présente comme une série d’amendements aux traités précédents:
traité de Rome, instituant la communauté européenne, qui est rebaptisé le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE); traité de Maastricht, instituant l’UE (TUE); mais aussi traités d’Amsterdam et de Nice.
Il ne se lit donc pas d’une seule traite, à la différence du TCE. Les articles du traité de Lisbonne énumèrent en fait les modifications des articles des autres traités
(l’Art.1er liste les modifications du TUE, l’Art.2 liste celles du TFUE).
Il est, en outre, très long : cf. le traité lui-même
(http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/cg00001re01fr.pdf), auquel s'ajoutent divers protocoles
(http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/cg00002re01fr.pdf)
et des déclarations annexes.
Ce que je propose, pour ce qui concerne le traité lui-même, ne part donc pas d’une prise en compte exhaustive, qui nécessiterait d’aller revoir systématiquement les traités précédents ou le projet de TCE. Je me suis concentré, et là aussi de façon non exhaustive, sur des points principaux du «mini traité» d’abord. Et j’ai essayé de mettre en perspective des aspects particuliers, qui ne me semblaient pas souvent mis en avant dans les argumentaires opposés à ce traité, qui ont circulé.
Des réactions syndicales.
Il s'agit des réactions syndicales en France, il est inutile d’insister ici sur les positions des partis et notamment sur la division, à nouveau, au sein du PS, sur la question européenne, avec des positions plus «complexes» qu’au moment du référendum sur le TCE.
Mais il faut insister, dans le champ syndical, sur les positions officielles des deux confédérations les plus déterminantes, qui ont été clairement exprimées, en des termes pour l’essentiel opposés, dans la continuité du débat sur le TCE.
Continuité que l’on retrouve au niveau européen, dans la position de la CSE.
La déclaration du 7 novembre 2007 de la CGT (www.cgt.fr) équivaut à une condamnation de la ratification par voie parlementaire du traité de Lisbonne lui-même.
Sur la forme, la CGT y affirme sa volonté d’agir pour une consultation par référendum, «voie démocratique de ratification». Sur le fond, elle «réitère sur le nouveau texte l’appréciation négative qu’elle avait portée sur le précédent projet de traité constitutionnel» : insuffisant pour permettre une «relance d’une Europe solidaire et démocratique», la dimension sociale de l’Europe n’étant pas «réellement renforcée».
La CGT regrette que la Charte des droits fondamentaux ne soit pas intégrée à part entière dans le traité. Elle rappelle que son application contraignante, était «sa principale revendication» alors qu’elle reste «à géométrie variable».
La CGT reconnaît que l’objectif de concurrence libre et non faussée a été supprimée du traité lui-même, mais dénonce le fait que le concept soit «repris à maintes reprises dans le traité sur le fonctionnement de l’UE», fasse l’objet d’un protocole additionnel et menace, sous la forme de la «non atteinte à la libre concurrence», les services publics.
La CGT insiste d’ailleurs à leur propos: «La séparation entre services d’intérêt général (SIG) et services d’intérêt économique général (SIEG) continue à poser un problème majeur. Elle renvoie tous les secteurs des transports, de la communication, de la santé et de l’énergie à la logique concurrentielle.»
Au contraire, la CFDT dans un article en date du 23 octobre, sur son site internet («L’UE sur la voie d’un nouveau cadre institutionnel», www.cfdt.fr), affiche un soutien au traité de Lisbonne, sans ambiguïté mais sans enthousiasme outrancier car teinté de regret pour le défunt TCE.
Regrettant «deux ans d’immobilisme suite au refus français et néerlandais de la Constitution européenne», elle semble à demi-mot se satisfaire de l’évitement des référendums. En effet, elle salue le traité «spécialement rédigé pour pouvoir être ratifié par les parlements nationaux sans passer par la case référendaire (sauf pour l’Irlande)», qui contiendrait « l’essentiel des avancées
politiques de la Constitution qui vont permettre à l’Union européenne de fonctionner à 27: extension du vote à la majorité qualifiée, création d’un poste de porte-parole de la diplomatie européenne, Charte des droits fondamentaux…».
Pour elle donc, progrès (sous entendu par rapport au traité de Nice), sur des points essentiellement institutionnels.
La CFDT a d’ailleurs l’intelligence de porter des critiques sur ce texte, et de regretter le refus du TCE, sur un plan social.
L’article du 23 octobre insiste sur un « recul par rapport à la Constitution » car le traité de Lisbonne serait « moins protecteur
pour les travailleurs» !
La position de la CFDT est du même ordre que celle de la CES – ce qui n’a rien d’étonnant – et la centrale française s’y réfère directement dans l’article internet cité.
La centrale européenne, dans une déclaration adoptée par son Comité exécutif, les 17 et 18 octobre 2007 (www.etuc.org), ne prend pas partie sur les modes de ratification.
Elle regrette le manque d’ambition sociale du traité de Lisbonne.
Traité qui est jugé – dans une formule dont on appréciera la lourdeur – comme « une série d’ajustements modestes du cadre de règles dont l’impact sur le processus d’approfondissement de la capacité de l’Europe à être décisive dans le monde ne peut être que limité».
En même temps elle souligne, par rapport au Traité de Nice, « des améliorations importantes […] apportées au texte d’un point de vue syndical, comme l’introduction de l’objectif de plein emploi et le concept de l’économie sociale de Marché ».
Passons sur ce concept d’économie sociale de marché, produit à l’origine au sein de la démocratie chrétienne allemande. On retrouve un mode d’argumentation similaire à celui développé pendant la campagne sur le TCE: ce texte devrait être approuvé car il est un moyen de mieux faire face à la mondialisation, de
faire progresser l’Europe politique mais aussi l’Europe sociale.
Ainsi, la CES souligne le caractère devenu contraignant de la Charte des droits fondamentaux et regrette – comme la CFDT, et comme la CGT sur ce point – qu’il ne s’applique pas à la Grande-Bretagne et à la Pologne… tout en réclament la clarification de la signification réelle des termes « légalement contraignant » sur
lesquels elle évoque « une certaine confusion ».
Sur les services d’intérêt général, « la CES salue le nouveau protocole proposé, mais souligne la nécessité d’un cadre réglementaire au niveau de l’UE ».
Cadre institutionnel:
la critique est toujours nécessaire, d’un point de vue politique et d’un point de vue syndical également.
Laïcité: toujours attaquée
La rigueur sur la laïcité reste (et doit rester) un aspect fondamental .
. Or, comme dans le TCE, elle est à nouveau sévèrement attaquée. La référence à une Union « s’inspirant des héritages
culturels, religieux et humanistes de l’Europe » est renouvelée (Art.1er – 1a modifiant le TUE).
A propos des églises et des organisations non confessionnelles, il est prévu de rajouter un article 15 ter au TFUE contenant à
nouveau cette formule: « Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations» (Art.2-30 modifiant le TFUE).
Représentation de l’UE:
on y verra illustration du manque de clarté des institutions.
Certaines innovations, institutionnelles peuvent reformuler plus ou moins des dispositions du TCE:
- création d’un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité commune, désigné par le Conseil européen à la majorité qualifiée, exprimant la position de l’UE au niveau international, présidant le conseil des affaires étrangères et vice-président de la commission (Art. 1er-19, insérant un art. 9E au TUE; Art.1er-30)
- la présidence tournante du Conseil européen (réunion des chefs d’Etat ou de gouvernement) est remplacée par l’élection d’un président à la majorité qualifiée pour une durée de 2 ans _, renouvelable une fois (Art. 1er-16
insérant l’art. 9B au TUE, point 5).
On pourrait voir là une façon d’accroître la visibilité de l’UE, à l’extérieur (comme avec le haut représentant) et pour les Européens eux-mêmes.
Cependant, il n’est pas inutile de noter un manque de netteté et de cohérence dans certains pouvoirs ou attributions.
Le haut représentant « conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union », « contribue par ses
propositions à l’élaboration de cette politique et l’exécute en tant que mandataire du Conseil », « veille à la cohérence de l’action extérieure de l’Union » (Art.1er-19).
Pendant que le président du Conseil européen doit assurer
« la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice du haut représentant » (Art.1er-15-6).
Or, les Européens devraient pouvoir (enfin) juger l’action de leurs institutions (sensées les représenter) et comprendre leur rôle, avec clarté.
Ceci relève d’une certaine conception de la démocratie…
Améliorations du fonctionnement
Plus directement liés au fonctionnement pratique de l’UE, certains progrès sont à noter, si l’on s’accorde, sur le principe, avec l’approfondissement de l’Europe et non avec la défense absolue du cadre intergouvernemental :
- rationalisation du fonctionnement de la commission, qui à partir du 1er novembre 2014, ne sera plus composée que d’un nombre de commissaires égal aux 2/3 du nombre d’Etats-membres (en comptant son président et le haut représentant), au lieu d’un par Etat actuellement (Art.1er-18, insérant un art.9D au TUE).
- Cela dit, le vrai problème ne reste-t-il pas celui du rôle de la Commission?
- changement du système de vote à majorité qualifiée au sein du Conseil (réunion des ministres de chaque Etat, dans un domaine particulier), à partir du 1er novembre 2014:
- 55% des membres du Conseil, comprenant au moins 15 d’entre eux et représentant au moins 65% de la population de l’UE, qui survalorise moins le poids des petits états (par rapport au traité de Nice).
La question de la compatibilité des institutions avec l’expression et la traduction des revendications sociales.
Au sein des mouvements ouvriers de l’Europe occidentale, à l’origine, des préventions voire des réactions de rejet se sont manifestées à propos de la démocratie politique représentative et des institutions parlementaires.
Mais la majorité des partis ou syndicats héritiers du mouvement ouvrier se sont finalement ralliés à l’idée que la démocratie parlementaire était un moyen incontournable pour faire avancer réellement les revendications et les aspirations des salariés, pour traduire sur un plan politique, les conflits et les alliances de classe au service de ces aspirations.
Or au niveau des institutions européennes, le traité de Lisbonne confirme la tendance à renforcer le pouvoir personnel et/ou exécutif davantage que le pouvoir parlementaire.
Ainsi les pouvoirs de la commission et de son président surtout, et ceux de l’intergouvernemental, qui relèvent finalement de rapports personnels, peu transparents, sont les seuls qui restent déterminants.
Ainsi, le rôle donné au président de la commission porte la marque d’une personnalisation du pouvoir.
Le président de la commission définit les orientations et l’organisation de la commission et peut exiger de tout membre, y
compris du haut représentant de l’Union nouvellement instauré, de lui présenter sa démission (Art.1er-18-6).
Ce haut représentant est nommé par le Conseil
européen, mais « avec l’accord du président de la commission » (Art.1er-19-1).
Si un Président pérenne du Conseil européen est créé, pour tout ce qui n’est pas la politique étrangère et la sécurité commune, c’est la commission qui assure la représentation de l’UE (Art.1er-18, insérant un art.9D au TUE): le poids du Président du conseil pourrait contrebalancer le poids du président de la
commission, mais il semble d’emblée limité.
Surtout, au nom de l’idée qu’il faut incarner l’Europe aux yeux des Européens, la rendre visible, passer avant tout par des personnalités est significatif d’une logique qui met au second plan le principe parlementaire!
On pourrait imaginer
que l’incarnation de l’Europe passe avant tout par le Parlement et ses députés, que les Européens élisent directement.
Cela ne serait-il pas dans l’intérêt d’une répercussion, plus transparente et plus forte, à l’échelle européenne, des revendications sociales et salariales?
Un autre moyen d’action serait de lancer des campagnes d’opinion sur les revendications sociales, débouchant sur l’utilisation du droit d’initiative populaire à travers une europétition, annoncée dans le TCE et confirmée.
Mais cette procédure, vantée par les partisans du TCE comme du nouveau traité, se réduit à peu de chose.
Voilà ce qui est écrit à ce sujet, dans l’Art.1er-12 (insérant un art.8B dans le TUE):
«Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission, dans le cadre des ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités ».
Certes ce serait le Conseil et le Parlement qui arrêteraient « les dispositions relatives aux procédures et conditions requises pour la présentation par les citoyens d’une initiative citoyenne au sens de l’article 8B du TUE, y compris le nombre minimum d’Etats membres dont les citoyens qui la présentent doivent provenir » (Art.2-37, modifiant l’art.21 du TFUE).
Mais il semble difficile de proposer quelque chose de plus réduit: les conditions de recevabilité restent floues et la traduction, relèverait du seul bon vouloir de la commission.
Contenu économique et social:
contenu similaire mais fin de la constitutionnalisation !
La Charte des droits fondamentaux
Un point positif, si la Charte des droits fondamentaux n’est pas intégrée au traité, à la différence du TCE (ce qui était un point mis en avant par ses partisans), il y est fait une référence la rendant juridiquement contraignante:
«L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le […2007, à …], laquelle a la même valeur juridique que les traités.» (Art.1er-8, remplaçant l’art.6 du TUE).
Mais le RU et la Pologne ont donc obtenu qu’elle ne puisse pas s’appliquer à elles.
Ce qui est un vrai problème, la Charte, pour les pays où la protection sociale est haute, ayant pour intérêt de favoriser l’harmonisation sociale au lieu de la concurrence.
Concurrence…, principes libéraux:
réitérés mais plus constitutionnalisés
Le principe de «concurrence libre et non faussée» qui figurait dans le TCE dans les « objectifs de l’Union » (Titre I, Art.3-2) est donc enlevée du point correspondant du nouveau traité, dans les « dispositions générales » (Art.1er-4-3).
Certes on retrouve réécrit l’objectif I, 3-3 du TCE dans l’Art.1er-4-3 du Traité de Lisbonne, avec des objectifs positifs («développement durable », « plein-emploi », « progrès social », « niveau élevé de protection »), d’autres douteux (« économie sociale de marché ») , un relevant carrément de la doctrine
monétariste (« stabilité des prix »).
On pourrait retrouver d’autres déclarations d’intention, notamment sur la politique internationale de l’Union, avec lesquels on ne peut être que d’accord (la paix ou dans l’Art.1er- 24, le multilatéralisme) ou au contraire qui peuvent paraître suspects (pour la promotion d’un « commerce libre et équitable» dans le monde, Art.1er-4-5, pour la « suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres » (Art.2-157 créant un art.188B dans le TFUE).
On pourrait aussi montrer que les principes libéraux et notamment de fait, celui de la concurrence libre et non faussée, se retrouvent dans de nombreux passages.
Ainsi, on retrouve dans le protocole n°6 le rappel que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ».
On peut mentionner aussi, à propos cette fois des coopérations renforcées (qui doivent comprendre au moins un tiers des pays membres), l’insertion d’un art.280B dans le TFUE (Art.2-278) expliquant qu’elles « ne peuvent constituer ni une entrave, ni une discrimination aux échanges entre les Etats membres ni provoquer des distorsions de concurrence entre ceux-ci ».
Mais cela n’a rien d’étonnant de la part d’un traité qui ne fait que modifier les traités précédents, déjà libéraux eux-mêmes, pour l’essentiel.
Les anciens partisans du TCE expliquent certes que le nouveau traité ne fait que reprendre le TCE, il ne faut pas se contenter d’utiliser cet argument pour le retourner contre eux.
Il est le moyen pour eux de se présenter finalement en vainqueurs et de minimiser ce qui est un recul pour eux et, pour les anciens partisans du « non » au TCE, une victoire, correspondant à un axe fondamental de leur argumentation et de leurs exigences :
l’abandon réel de la constitutionnalisation des TUE ou TFUE, qu’impliquait la partie III du TCE, et du principe de «concurrence libre et non faussée ».
Il n’en demeure pas moins vrai que les contenus des politiques économiques et sociales restent néolibéraux et que là-dessus, les choses n’ont pas bougé :
dogmes de la stabilité des prix, de la restriction budgétaires, rôle de la BCE (notamment Art.2-227-2/3), etc.
On peut citer ce passage dans l’Art.2-100, insérant un art.114 au TFUE :
« Le Conseil adopte […] des mesures concernant les Etats dont la monnaie est l’euro pour:
a/ renforcer la coordination et la surveillance de la discipline budgétaire;
b/ élaborer, pour ce qui les concerne, les orientations de politique économique […] et en assurer la surveillance »
Services, éducation:
pas de changements essentiels, des intentions à prendre en
compte…
Les règles de la concurrence restant inchangées, il n’y a pas d’avancée pour les entreprises et les services publics.
Notons toutefois, dans le protocole N°9, à propos des SIEG, des déclarations d’intention sur les « valeurs communes de l’union » à leur propos, non négligeables, même avec toutes les limites que ces règles de concurrence imposent :
« rôle essentiel », « un niveau élevé de qualité, de sécurité et
d’accessibilité, l’égalité de traitement des utilisateurs et la promotion de l’accès universel et des droits des utilisateurs ».
On rappelle la « grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales » pour leur organisation et que les traités européens ne peuvent porter atteinte à la compétence des Etats membres pour les mettre en service.
Parmi les domaines de compétences de l’Union, visant seulement, « à mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres » figurent « l’éducation, la formation professionnelle, la jeunesse, et le sport »
(Art.1er-19, remplaçant l’art.6 du TUE).
A propos de l’éducation, quelques déclarations d’intentions sont à relever :
parmi les exigences que l’Union doit prendre en compte, on trouve en effet : « un niveau élevé d’éducation, de formation » (Art.2-22, remplaçant l’art.9 du TFUE).
En positif, il faut évoquer une forme de protection de certains services dans le cadre de la politique commerciale commune :
« Le Conseil statue également à l’unanimité pour la négociation et la conclusion d’accords :
a/dans le domaine des
services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union ;
b/dans le domaine des services sociaux, d’éducation et de santé, lorsque ces accords risquent de perturber gravement l’organisation de ces services au niveau national et de
porter atteinte à la responsabilité des Etats membres pour la fourniture de ces services » (Art.2-158, insérant un art.188C au TFUE, ici 188C-4).
Quelles conclusions pour nous ?
. L’incantation démocratique n’étant pas suffisante, d’une part, toute organisation, y compris syndicale, qui considère que la transformation sociale n’est pas indépendante du cadre institutionnel, doit proposer une réflexion substantielle sur ce point, d’autre part, ne pas apparaître comme antieuropéen implique de ne pas se désintéresser de ses institutions et d’en faire une critique constructive.
1.
Il importe de ne pas oublier que le NON des Français, n’a été ni contre-productif, ni inutile, et de tirer le plus
possible avantage de ce résultat: le traité ne constitutionnalise plus des principes libéraux comme la « concurrence libre et non faussée ».
2.
La forme de l’élargissement de l’UE est la véritable source des blocages institutionnels : un élargissement fait sans les peuples, sans approfondissement politique préalable, sans projets économiques et sociaux communs, sans autre principe économique que le marché.
L’élargissement sans approfondissement économique et social conséquent de l’UE, ne peut garantir ni le progrès social pour tous les Européens ni le sentiment de solidarité de leurs intérêts.
3.
Ainsi l’essentiel de la critique du traité de Lisbonne lui-même, doit bien porter à la fois sur la question démocratique et sur les aspects économiques et sociaux, insistant sur les seconds évidemment.
Il reproduit et poursuit une logique, à l’oeuvre depuis le traité de Rome (1957) jusqu’au traité de Maastricht (1992), que le TCE aurait pu sanctionner constitutionnellement:
la logique d’une Europe de la subsidiarité, à côté des peuples, et libérale.
Le contenu de l’UE semble hésiter entre 2 aspects différents, mais aussi incompatibles l’un que l’autre avec le progrès
social:
- la constitution d’un Etat libéral, les attributs minimaux d’un Etat
étant en partie en place (monnaie, justice, budget et institutions en commun: il manque «seulement» la police et l’armée), mais sans aucune volonté commune de régulation et de réglementation de l’économie;
- la gestion d’un marché commun mais sans véritable Etat ni gouvernement, donc sans les cadres de politiques socialement protectrices et économiquement interventionnistes, c’est-à-dire par la gouvernance.
La question des services publics, de leur pérennité au niveau national et de leur extension à l’échelle européenne, liée à celle de la définition d’un intérêt général européen, est au coeur de ce débat.
SB
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