Le mauvais lieu, au mauvais moment ?
Le FMI est un organisme international, mais il siège à Washington ; or, deux éléments compliquent la situation, la crise financière qui oppose des intérêts divergents, y compris dans la place que le FMI pourrait prendre dans les corrections à apporter au système, l’élection du 4 novembre qui conduira à un changement de personnel dans la haute administration fédérale américaine.
DSK a sans doute sous-estimé, par ailleurs, la rancune que son élection a suscitée, la pesanteur de l’hypocrisie dominante, le rôle politique de la presse … et la vengeance tardive d’un mari trompé !
Une journaliste du New York Times dit cependant qu’ « Aux Etats-Unis, l’adultère est moins grave que le mensonge » ; cela ne paraît pas très sérieux car Bush a bien été élu par une tricherie en 2000 et réélu après des mensonges sanglants et coûteux en 2004! Ce qui est évident, c‘est que, pendant la crise, les conflits d’intérêt et la politique continuent.
Les péripéties de l’adoption du plan Paulson aux Etats-Unis, les tentatives de manipulation politicienne en France, lors du vote d’un plan gouvernemental à vocation identique (Sauver les meubles), éclairent à la fois sur l’honnêteté intellectuelle des acteurs en présence, sur leurs arrière-pensées et sur leur obstination à n’apporter au système financier que des retouches cosmétiques : à supposer que la sortie de crise soit rapide, la seule chose assurée, c’est que la recherche du profit maximum, y compris « virtuel » pendant un certain temps, amènera les mêmes acteurs à avoir recours aux mêmes pratiques. Si une expression est totalement dépourvue de sens, c’est bien celle de « moralisation » du capitalisme ; la moralisation de ses agents, elle, ne peut passer que par des sanctions pénales ! Encore sont-elles rarement de nature à dissuader les prédateurs !
Petit rappel « historique »
Il est singulier qu’à l’occasion de l’affaire des subprimes et de ses conséquences, la presse (la liberté d’information aidant), n’ait pas jugé utile de rappeler au public l’affaire Milken.
Cet inventeur des « junk bonds » qui firent la fortune des « yuppies », et la sienne propre évidemment, avait observé que, pour avoir recours au crédit, des firmes de taille moyenne, soucieuses de se développer, étaient prêtes à payer des intérêts plus élevés ; la titrisation des créances à risque ne date donc pas des 10 dernières années !
Ces obligations firent l’objet d’échanges multipliés et servirent d’outils de paiement à des raiders, prêts à verser des taux d’intérêt élevés, puisque pour financer l’achat d’une entreprise mal cotée ou stagnante, ils se hâtaient de la démanteler et de n‘en conserver que les actifs « profitables » ; ce fut l’époque des golden boys et des leverage buy out (LBO), époque bénie entre toutes par les libéraux de tous horizons, puisqu’elle permit à quelques-uns de s’enrichir très vite, sans disposer de capitaux et donc, grâce au crédit assis sur ces fameux junk bonds.
Bien sûr cela se fit dans un contexte de délits d’initiés ou de copinages divers, en France au moins un nom doit venir à l’esprit, et Milken n’échappa pas à la justice, quoique sa peine de 10 ans fût réduite à 2 ans de prison. Sa banque Drexel, Burnham, Lambert déposa son bilan mais presque 20 ans après, la fortune personnelle de l’intéressé, d’après Forbes, est supérieure à 2 milliards de dollars ; ayant ainsi gardé les fruits de son « travail », on comprend qu’un tel personnage ait pu avoir des émules et des imitateurs. Le hasard faisant bien les choses, Michael Milken est né un 4 juillet !
Que sont les subprimes sinon des junk bonds new look ?
Qui peut croire que les patrons des banques d’affaires ou généralistes aux Etat-Unis, en France, dans les pays de l’OCDE, que les dirigeants des fonds souverains méconnaissent l’affaire Milken ? Passe encore pour de jeunes traders incultes, mais même dans ce cas leur formation a dû évoquer cet épisode glorieux du capitalisme financier contemporain !
De quel réel… ?
Alain Badiou, dans Le Monde du samedi 18 octobre, écrit : « De quel réel cette crise est-elle le spectacle ? ». Il rappelle dans cet article quelques évidences bonnes à redire : « Il n’y a donc rien de plus réel dans la soute de la production capitaliste que dans son étage marchand ou son compartiment spéculatif » et plus loin : « Il (le capitalisme) a toujours fait payer quelques courtes décennies de prospérité sauvagement inégalitaires par des crises où disparaissaient des quantités astronomiques de valeurs, des expéditions punitives sanglantes dans toutes les zones jugées par lui stratégiques ou menaçantes, et des guerres mondiales où il se refaisait une santé ». On croirait le bilan des 8 ans de mandat de George W. Bush !
Est-ce pour cela que Xavier Darcos veut amputer l’enseignement de l’histoire au lycée, au moment où les jeunes citoyens et citoyennes sont en formation ?
Ce gouvernement, de droite, n’en déplaise à M.Valls, mène une politique cohérente par rapport à ses objectifs généraux de remodelage d’ensemble de la société ; ce que l’on appelle « réforme » !
Les dernières décisions des gouvernements n’empêchent nullement les marchés de continuer à spéculer comme de coutume, les traders d’attendre des bonus de fin d’année et les actionnaires des retours sur investissement les plus élevés possibles et dans le plus court terme.
A ce propos, le développement durable attendra puisque le Grenelle de l’environnement n’a donné lieu qu’à des lois aux conséquences mineures, malgré l’urgence et au regard de ces urgences !
Préparer le congrès du PS ?
L’un des dangers de la situation politique actuelle en France est le poids que représente dans le parti autour duquel une majorité de Français pense que peut se construire une alternative crédible, une tendance que l’on peut qualifier de social-libérale ; les sociaux- libéraux, en effet, n’envisagent l’intervention de la puissance publique que pour faciliter ou « réguler » le fonctionnement des marchés et pour réduire l’impact des crises possibles, voire inéluctables.
Ils évacuent donc de leur raisonnement le rôle spécifique de la sphère publique et acceptent l’idée de la mort de l’Etat-Providence ; il n’est pas notre propos aujourd’hui de développer ce point, mais dans une démocratie « représentative », la racine de la légitimité de l’Etat, la racine de la légitimité des élus du peuple c’est la prise en charge de l’intérêt général, autrement dit l ‘existence d’un Etat-Providence.
Autre chose est de savoir si les politiciens « administrent toujours dans l’intérêt de la multitude », comme en doutait déjà G.K. Chesterton, qui ne fut jamais ni libéral, ni socialiste !
Laissons DSK à des problèmes qu’il aurait pu prévoir et que certains de ses amis et camarades en France voient peut-être sans déplaisir excessif, l’affaire met en évidence surtout que, pour les représentants des états au FMI, rien d’important n’est véritablement en jeu pour l’avenir du système ; on ne peut en effet penser qu’ils sont tous inconscients ou stupides.
Revenons à quelques bases :
Qu’est-ce que le taux de profit ?
"Le taux de la plus-value rapportée au capital global."
Qu’est-ce que la loi de la baisse tendancielle du taux général de profit au cours du développement de la production capitaliste ?
"Comme la masse de travail vivant employé diminue continuellement par rapport à la masse de travail matérialisé qu’elle met en mouvement, c’est-à-dire par rapport aux moyens de production consommés de façon productive, il s’en suit que la fraction non payée de ce travail vivant, matérialisé dans la plus- value, doit décroître sans cesse par rapport à la valeur du capital total investi. Or ce rapport entre la plus-value et la valeur du capital total investi constitue le taux de profit qui, donc, doit baisser continuellement."
Qu’est-ce qui contrarie l’effet de cette loi générale et fait qu’on parle d’une baisse tendancielle ?
"Les causes contraires les plus générales sont… :
- élévation du degré d’exploitation du travail (par prolongation de la journée de travail, intensification du travail,vitesse accélérée de la machinerie) ;
- abaissement du salaire sous sa valeur (…);
- diminution de prix des éléments du capital constant (…), dépréciation du capital existant… ;
- surpopulation relative ;
- commerce extérieur, dans la mesure où il rend en partie meilleur marché les éléments du capital constant et les moyens de subsistance nécessaires en lesquels le capital variable se transforme, le commerce extérieur tend à faire monter le taux de profit en augmentant le taux de plus-value et en diminuant la valeur du capital constant…etc"
Si ceux qui cassent le Code du travail, imposent le travail le dimanche, combattent les 35 heures, pèsent sur les salaires, sabotent et diminuent le salaire différé des retraites et de la protection sociale, jouent des délocalisations et ferment des usines en enlevant les machines ne sont pas des lecteurs de Marx, on doit pouvoir croire que leurs conseillers en connaissent la pensée.
Mais de la même façon, ceux qui pensent qu’une moralisation a du sens, qu’une régulation simple suffit, trompent la majorité des Français qui, l’aurait-on oublié, sont des salariés quand ils ont un emploi.
L’Etat en imposant à ses agents flexibilité et précarité, à l’instar des salariés du privé, s’est mis au niveau d’une firme et a, ainsi, délibérément renoncé à un rôle de régulateur efficace car exemplaire.
Ne pas remettre en cause les dérives imposées dans ce domaine par un travail de sape idéologique et par le néo-libéralisme triomphant des institutions européennes est évidemment une erreur ou une trahison. La remise en cause du tout marché passe par la démolition de l’idéologie pernicieuse de la concurrence libre et non faussée ! Et d’abord en France par la défense des réseaux et des services publics, de l’Education nationale et de la protection sociale, par la lutte contre la rgpp, par la lutte contre les privatisations annoncées.
Il est temps de faire en sorte que les Français puissent à nouveau croire qu’il est possible de changer la vie.
Pour cela il faut leur parler vrai et les mobiliser.
- JPB
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