La brutale formule de Bertrand Tavernier pour caractériser la phrase lancée par Mme Royal à l’ouverture de l’université du PS à la Rochelle, a le mérite de la clarté.
Le péché fondateur
Il se trouvera, bien sûr, les habituels adorateurs de la madone du Poitou, pour faire remarquer que Bertrand Tavernier n’a aucune qualité particulière pour distribuer les bons points, ni pour jouer les politologues. Voire!
En tout cas pas moins que n’importe quel autre observateur désintéressé de la vie politique, ce qui exclut déjà du panel tous les sociologues sondagiers, tous les habitués des plateaux de télévision, tous les soi-disant philosophes… de Cour, tous les politiciens de droite, tous les clients des divers barons locaux de gauche, tous les « jeunes » loups du PS, tous les pseudo-journalistes qui n’entendent jamais que leur propre voix et ne répètent que des variantes plus ou moins élaborées de l’idéologie dominante. Bref cette formule nous plaît !
Il paraît que l’invitation à s’aimer les uns, les autres ou à disparaître, ne devait pas être prise au premier degré ; cela ne change rien à l’aberration politique à laquelle elle renvoie.
Juliette Greco comme truchement dans un discours politique, on a vu pire, mais la connotation christique du propos n’échappant à personne, rappelons cependant que l’évangile (Jean, XIII, 34) précise ; « comme je vous ai aimés », détail dont l’ancienne élève de St-Joseph de Cluny, ne s‘est pas embarrassée ; glosons : cela signifie-t-il que l’ex-candidate (battue, souvenons nous) se dispense de cette obligation, que décidément elle n’aime pas ses camarades, ou que, de toutes les façons, elle s’en moque ? Parler ainsi, dans la posture du messie, suppose qu’on veuille conduire ses ouailles vers un meilleur destin.
On pourrait y voir une exorbitante prétention ou le signe d’une quelconque et banale altération mentale ; il est difficile en effet de ne pas être inquiet lorsque quelqu’un, qui n’est pas né sur les marches d’un trône, affirme péremptoirement faire don de sa personne à son pays pour guider son peuple ; on peut pardonner cela dans une circonstance tragique, disons le 18 juin 40, quand on est Charles De Gaulle, mais pas Philippe Pétain !
Dans tous les autres cas, les candidats à ce type de fonction bénéficient du soutien d’un parti, ont grandi en lui, en connaissent les détours, ont trempé dans ses intrigues, bref ne sortent du rang que par le culot ou la tricherie, rarement par le génie ; pour une raison simple, c’est qu’aucun parti, nulle part dans le monde, mais ce n’est pas rassurant, n’est animé d’une vie réellement démocratique et les circonstances de la candidature de Mme Royal en 2006 le démontrent superlativement ; n’en déplaise à M.Peillon et à sa révolution inachevée ! En effet, il faudrait beaucoup d’imagination pour voir Mme Royal dans la perspective qu’il semble esquisser…
On peut cependant se rassurer sur l’état intellectuel et psychologique de l’ex-future candidate ; elle entre parfaitement dans le moule du démagogue ordinaire qui méprise ses interlocuteurs, les citoyens et les militants dévoués à sa cause.
Les conditions de la rédemption
La majorité des « grands élus » ont depuis longtemps perdu de vue qu’un parti de colleurs d’affiches, de distributeurs de tracts, de féaux voire de domestiques, au sens premier du terme, ne constituait pas une assiette suffisante pour valider une légitimité ; comme aussi le fait qu’être élu, dans les conditions actuelles d’élaboration et de sélection des candidatures, n’assurait qu’une légitimité de convenance, voire de courtoisie. Pourtant, à la clé, on trouve l’exercice d’un pouvoir, au nom des citoyens, mais sur eux !
La possibilité de débattre existe au PS, mais elle n’a pas de conséquence directe sur l’essentiel.
Les journées de La Rochelle ont rappelé à ceux qui l’auraient oublié que les tractations, qui, en elles-mêmes, n’ont rien d’incongru, sont le fait d’un tout petit nombre de hiérarques et « grands élus », donc échappent entièrement aux militants de base et même aux cadres intermédiaires du parti ; en ce sens la démocratie interne du PS fonctionne encore sous le signe du faux-semblant, y compris lorsque tel ou tel premier rôle affirme s’en remettre au vote des adhérents, auxquels bien entendu les arcanes des choix ne seront pas révélés. Et l’on habillera en choix démocratique une vente forcée, chat en poche…
Que dire alors lorsque, pour le choix d’un candidat, on nie de fait l’utilité du parti comme lieu d’élaboration d’un projet politique, en prenant l’avis des sympathisants ou des électeurs supposés ? Cela se fait aux Etats-Unis d’Amérique ? Et alors ? Depuis quand l’histoire du socialisme français a-t-elle besoin de références de cet acabit ?
La République va mal, parce qu’elle n’a plus de partis dignes de ce nom!
Toutes les organisations de masse, certes, sont confrontées à une dramatique baisse de la fonction militante et le PS, comme les autres, sans doute pas davantage que les confédérations syndicales qui survivent dans le désert du mouvement ouvrier.
Mais là est le nœud du problème : un parti dont la vocation est l’alternance au pouvoir et qui ne se préoccupe pas de la nature de classe des politiques mises en œuvre, qui donc ne s’interroge pas sur la nature et la forme des rapports sociaux, n’est pas en mesure de proposer une alternative au pouvoir en place ; son indigence ou son conformisme, et même sa conformité avec l’idéologie dominante, le vide de son discours, son refus d’instruire le citoyen, le cantonnent dans le rôle du jeune premier de rechange, assurément pas dans les grands rôles tragiques.
Ce n’est pas lui qui vient au pouvoir, c’est le pouvoir qui vient à lui, en fonction de la conjoncture ; ce parti, dès lors, n’a d’utilité réelle que pour ceux qui « jouent » le jeu « politique » parce que depuis assez longtemps , l’illusion démocratique s’est substituée à l’état républicain ; la Révolution est bien inachevée, mais on en restera à une seule des hypostases de la trinité républicaine (liberté, égalité, fraternité), en fonction des moments, des lieux, des hommes, parce que leur union ne s’accommoderait pas d’une autre, entrée par effraction et jamais chassée, la propriété, pour être plus explicite, la propriété privée des moyens de production. Montrez un capitaliste qui se soit fait « tout seul » ! Montrez un homme politique qui ait voulu faire de la société politique le moteur de la société tout court.
Le Golgotha du citoyen
On peut se demander si l’utilisation du mot université pour désigner des rencontres comme celle de La Rochelle n’est pas légèrement exagérée ; non pas que le mot université mérite un respect particulier car tous ceux qui ont un peu fréquenté les lieux savent qu’on y trouve aussi intrigues mesquines, rancunes sordides, impostures flagrantes et prétentions bluffantes. C’est peut-être pour cela, au fond…
Il est comique d’entendre tel chef de meute se plaindre, tardivement, qu’on n’écoute pas assez les intellectuels au parti, alors que le passe-temps favori est soit de les acheter, les façons en sont diverses, soit de les trier sur des présupposés « convenables ». Pourquoi s’étonner que les intellectuels, ou ce qu’il en reste, se détournent du PS , alors que ce qui est vraiment attendu d’eux, c’est soit un habillage de choix préalables, soit un écho répétitif et si possible convaincant de la doxa du moment ; la droite fait la même chose avec ses propres chiens de garde, dont quelques uns, toute honte bue, émargent au budget de la République comme universitaires…
Après La Rochelle rien n’est prêt, rien n’est réglé, il est vrai que nul n’attendait de miracle. Le PS n’a toujours pas de leader, pas de cohérence, pas de programme et malgré la déclaration du printemps, pas de doctrine !
Les animateurs de telle ou telle contribution se rencontrent, édictent des veto contre tel ou tel autre, mais se gardent bien d’avancer sur tel ou tel point qui précisément fait problème et empêche le parti de jouer son rôle d’opposant sérieux et d’alternative crédible. Pire encore, des questions décisives pour l’avenir de notre société sont travesties ou occultées.
Outre l’analyse de l’état des forces productives et des nécessaires transformations du mode de production, il en est deux au moins, grosses de possibles distincts et qui mettent en évidence le manque de cohésion du parti : les institutions, l’Europe…
Les modifications constitutionnelles permettant la ratification du traité de Lisbonne ont été la première occasion de palinodie du parti depuis l’élection présidentielle et ont offert à Nicolas Sarkozy un succès trop facile ; l’antienne sur l’Europe sociale chantée par les élus socialistes, députés européens ou pas, est dépourvue de toute crédibilité, puisque rien n’est entrepris en termes d’action politique, ni en France, ni en Europe, pour avancer des propositions et mobiliser sur leur instauration ; or, pour aussi molle que soit la CES, compte tenu de ses statuts, elle peut-être à la fois un allié et une caisse de résonance.
Certains grands barons de province, qu’on ne savait pas si pointilleux sur la déontologie politique, récusent, pour l’heure, tout rapprochement avec Laurent Fabius au nom de la discipline de parti bafouée en 2005 ; outre que la question européenne n’est pas véritablement le sujet des préoccupations quotidiennes desdits caciques, que la vision globale de l’Union européenne, en tant qu’Europe sociale, qu’ils pourraient proposer aux citoyens et salariés de notre pays, manque de précision et de perspectives, on ne peut que s’étonner des rapprochements qu’ils tolèrent. Si la direction du FMI est le critère d’une alliance privilégiée, l’économie de marché indépassable, la décentralisation l’alpha et l’oméga du socialisme réel et quasi « municipal », il ne faut pas continuer d’invoquer Jaurès et d’autres grands ancêtres alors qu’on les trahit absolument ; non seulement on les trahit, mais on trahit aussi leurs idéaux émancipateurs et le peuple auquel on s’adresse. Ce n’est pas à l’échelon local qu’on peut vraiment « changer la vie ».
Le déport à droite que représente en fait l’orientation de ceux qui ostracisent un des rares présidentiables réels du parti, est d’autant plus inopérant pour la reconstruction d’un parti « efficace » que, sur la plupart des sujets, la place de principal opposant, en matière de société ou d’institution, est occupée par François Bayrou, qui certes, ne bouleversera pas l’ordre des choses gérées par le Medef ! Le seul socialiste, non installé dans le marginalisme, qui a joué aussi ce rôle continûment est Laurent Fabius, mais le président et le gouvernement sont trop heureux de relever qu’il ne parle pas pour le PS tout entier!
Le sujet de la présidentialisation du régime est un autre point d’achoppement pour la solidité de l’engagement socialiste.
Les moins jeunes, ou ceux qui connaissent un peu l’histoire politique de ce pays-ci se souviennent de l’accueil fait par la gauche et le PS à la proposition d’ élection du président de la république au suffrage universel. Les conclusions qu’en a immédiatement tirées un certain François Mitterrand qui n’était pas socialiste alors, pour sa propre carrière et d’abord, pour celle de chef de l’opposition, ont désaxé le PS , par rapport non seulement à sa pratique parlementaire, mais aussi par rapport à son rôle même de parti.
Certains politologues pressent notre parti de franchir le pas et de se présidentialiser ; mais est-ce la vocation d’un parti dont la raison d’être n’est pas une simple alternance au pouvoir, dans un système politique et social que personne ne souhaite fondamentalement transformer pour plus de démocratie, d’égalité, de liberté et de fraternité ? On ne peut empêcher des ambitieux de vouloir exercer des responsabilités de plus en plus lourdes, le principe de Peter n’étant pas un garde-fou pris en compte par les intéressés. La faiblesse de la démocratie interne du parti ne permet pas à tous les filtres, utiles pour sélectionner les meilleurs, de fonctionner véritablement pour cela. On écarte plus qu’on ne promeut, mais hélas, comment écarter les mauvais bergers, qui, précisément, choisissent ?
Pour rendre à la politique l’attrait que tout citoyen devrait trouver en elle, il faut sans doute changer des pratiques et des individus mais ce ne sont pas toujours celles et ceux qu’on croit ou qu’on feint de croire. « Il faut sortir une dizaine d’individus qui sont éternellement malfaisants » ; qui dit cela ? Le plus acrobate dialecticien qui soutient Mme Royal et qui parle de « révolution inachevée ». Un tel propos réduit à néant le contenu de son livre et illustre l’aberrante syzygie de l’ambition et de la mauvaise foi. On est loin du changement nécessaire.
« Les mauvaises machines ne savent pas qu’elles sont de mauvaises machines » dit un personnage de Midnight express dans sa prison. C’est sans doute le cas de beaucoup trop d’aspirants à un meilleur emploi au PS, emploi, comme au théâtre. ….Mais la vie n’est pas un théâtre.
JPB
Sur le coup de l'indignation ( mais le titre de l'article ci-dessus fait encore l'affaire)!- 5 septembre
On apprend qu'un tribunal (à Rennes) a renvoyé à janvier 2009, un procès d'assises pour cause de ramadan de l'un des 7 prévenus! Les bras en tombent; le ramadan ne dispense pas de travailler, il ne dispense pas d'être jugé! Et on combat en Afghanistan l'obscurantisme? Les droits de la partie civile, la disponibilité des jurés, le rôle du tribunal? Balayés! D'où sortent ces magistrats qui prétendent parler et juger au nom du peuple français?
commenter cet article …