Ce n’est pas parce que Jean-Marie (Marine ?) Le Pen a parlé d’Attila, en songeant probablement aux hordes barbares, qu’il faut se dispenser de garder la métathèse, d’ailleurs l’intéressé raconte qu’il la connaît depuis l’âge de 6 ans. Ce qui a filtré des travaux de cette commission de copains ou de complices, pas une dissonance à chercher, avec la bienveillance intéressée d’Attali, laisse pantois.
Mercredi 23 janvier, jour prévu pour la remise du rapport à son commanditaire, et le mot pèse, sera donc un nouveau jour de deuil pour la France des lumières, des droits de l’homme, de la solidarité et de la République ! Exagéré et donc insignifiant ?
Allons-y :
« La réforme doit concerner tout le monde, toutes les catégories sociales et professionnelles. Sans tabou, sans exclusive; salariés publics comme privés ; secteurs abrités comme exposés, hauts fonctionnaires et petites entreprises. Tous doivent bouger, pour que tous puissent gagner »
Les auteurs
La composition même de cette commission donne d’emblée le ton : un sur deux des membres nommés dans le décret du 27 août 2007, sont des patrons ou anciens patrons ; on y trouvait aussi un ancien commissaire européen, libéral fanatique, Mario Monti, issu d’un pays exemplaire sans doute par la liquidation de sa fonction publique, l'Italie, remplacé par Franco Bassanini, son auteur(!), un universitaire anglais , Théodore Zeldin, qui représente parfaitement une autre logique historique que celle à l’oeuvre en France depuis quelques siècles, une poignée de hauts fonctionnaires coulés dans le moule, deux journalistes connus pour leur dévotion à l’idéologie dominante, Boris Cyrulnik qui n’a sans doute pas été autorisé à soigner tout ce beau monde, un démographe, un écrivain lui-même conseiller d’Etat, un avocat, deux anciens élus ou parlementaires étrangers et bien sûr un ancien secrétaire général de la CFDT, sans doute comme caution syndicale. Manquaient plus que Minc, Baverez, Godet et Marseille pour que le tableau soit complet, sans oublier un raton- laveur.
Peut-être a-t-on pensé que trop, c’était trop ? J’en doute, ces gens-là ont toute honte bu et certains prennent sans doute Attali pour un homme de gauche !
Les débats internes ont certainement porté sur des queues de cerise…
Bien entendu aucun des membres de cette commission n’est susceptible de pâtir des recommandations émises, le principe éprouvé « Armons nous et partez » est bien à la base de la réflexion produite..
Les victimes
La lecture des quelques lignes tirées de l’argumentaire citées plus haut est éclairante : toutes les catégories sociales ? Mais pas les patrons du cac 40, leurs stock options et leurs parachutes dorés plaisamment négociés en petit comité ! Encore moins les héritiers…On touche à tout sauf au patrimoine et on évaluera « du point de vue des victimes du conservatisme actuel » ! Les bras en tombent…
L’article 1 du décret vaut la peine d’être relu in extenso : « elle (la commission) est chargée de rechercher les moyens d’améliorer la compétitivité et la productivité de l’économie française pour assurer une meilleure insertion de la France dans l’économie mondiale et européenne, d’analyser les obstacles auxquels se heurtent les projets d’investissement et de développement des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises, d’examiner les simplifications de procédures qui apparaissent nécessaires et les leviers permettant d’améliorer l’impact des politiques économiques et réglementaires sur les comportements des ménages et des entrepreneurs et sur la croissance.
Elle fera des propositions en vue d’augmenter le pouvoir d’achat et d’améliorer le fonctionnement du marché des biens et des services, de renforcer le dynamisme et la mobilité de l’emploi, ainsi que le taux d’activité. Elle identifiera à cet effet les actions et réformes à mener, incluant des mécanismes innovants permettant d’emporter l’adhésion des acteurs concernés».
Pas une ligne de ce décret ne correspond à l’objet défini, si on songe que le gouvernement veut faire ratifier le traité de Lisbonne qui rogne les capacités de choix, si l’on a présentes à l’esprit les premières décisions pratiques votées par cette majorité (les cadeaux fiscaux et les remises en cause des principes mêmes du droit), si l’on se rappelle que l’économie française n’est plus « administrée » depuis belle lurette et que les patrons ont réellement les mains libres en matière, comme ils disent, de « projets d’investissement », sans parler de l’alignement par le bas des régimes de retraites .
Quant à la qualité des acteurs concernés, il faut être un grand casuiste pour comprendre de qui on parle.
Les liquidateurs
Le mot en réalité est trop modéré pour parler de la machine de guerre idéologique que la commission veut lancer :
Dès la première proposition (Ambition n°1) le choix d’une société et d’un système institutionnel qui ferait de « notre cher et vieux pays » une subdivision d’un ensemble dominant est affirmé :
- se donner les moyens pour que tout élève maîtrise, avant la fin de la 6ème, le français, la lecture, l’écriture, le calcul, l’anglais, le travail de groupe et l’informatique , telle est la première décision fondamentale. Certains vont dire, mais c’est bien cela qu’il faut faire… En réalité, il s’agit là de démagogie pure : outre le fait qu’on ne se préoccupe pas d’ouvrir à d’autres cultures, à leur histoire, aux arts l’esprit des élèves de 6 ème, qui ont donc normalement accompli un cursus de 5 ans d’études, et qu’on fixe comme norme un utilitarisme étouffant, on n’envisage la prise en charge des différences sociales que sous la forme d’un chèque donné aux parents « correspondant aux frais de scolarité de leur enfant, utilisable dans l’enseignement privé comme dans le public. Voilà une vraie façon de favoriser une saine concurrence entre les deux systèmes. ». (J.Attali, Le Figaro –19/01/2008). Et voilà comment on liquide une institution de la République, comment on ouvre en grand l’école à la « concurrence » et comment on cesse de vouloir former des citoyens français. Il paraît que la méthode est expérimentée en Suède : soit, mais la Suède n’est pas la France et les 64 millions d’habitants de notre pays n’ont ni la même histoire, ni la même culture, ni les mêmes pratiques politiques, ni la même « classe » politique, ni les mêmes idéologues que nos amis suédois ; de qui se moque M.Attali ?
L’économie du savoir et de la prise de risque que prône la commission renvoie fâcheusement à la formule de la patronne du medef, « tout est précaire… » mais à qui M.Attali et les patrons qui ont siégé dans sa commission veulent-ils faire croire qu’ils ont, une fois dans leur vie, pris un risque réel, de ceux qui démolissent un individu, et quand cela serait, en quoi serait-ce un exemple à suivre? Et quelles sont les politiques d’investissement dans la recherche dont on puisse se targuer en France, M.Attali jadis conseiller du prince, compris ? On parle de « civilisation »…
Plus de citoyen, cherchez le mot, du risque mais assurément pas pour les détenteurs de patrimoine, et une gouvernance au service de la croissance ! Mais que met on dans ce dernier point (Ambition n°7) ?
La démonstration reste à faire que les propositions de la commission vont dans ce sens :il faut peut-être se poser la question de la « sédimentation » des institutions françaises, mais l’urgence serait plutôt de chercher à en assurer un fonctionnement plus démocratique ; avant de supprimer les départements et au passage d’ailleurs de conserver cependant un Sénat, peut-être faudrait-il redéfinir les conditions de fonctionnement des exécutifs et envisager des élections par les citoyens par exemple des intercommunalités ; rien n’est dit sur ce qui ressemble au sens étymologique du terme à la monarchie dans la gestion des collectivités territoriales, des universités (ah Pécresse !), à la surcharge administrative des hôpitaux (les agences régionales !!), aux conséquences de la décentralisation.
Quelle preuve d’efficacité par rapport à une fonction publique dans la création d’agences, sinon dans une accentuation de la précarité et de la malléabilité des personnels par la liquidation de la fonction publique ? Qu’est-ce qu’un organe indépendant qui évaluerait un service public (école, université, hôpital, administration) ? Un organe idéologiquement neutre et qui ne répondrait à aucune commande passée sous forme de marché ?
L’idéologie de l’évaluation ne va pas sans démagogie ; les élèves participeraient à l’évaluation des professeurs ? Mais qui a évalué un jour M. Attali sur autre chose que son conformisme idéologique et sa capacité évidente à faire prendre avec brio les vessies pour des lanternes.. On nous dira ; pas d’attaque ad hominem ? mais il faut bien relever les insultes tacites que cette commission déverse sur la fonction publique, les services publics et « les classes moyennes qui ne vivent que du revenu du travail » !
M.Attali propose qu’il n’y ait plus de limite d’âge pour continuer une activité (« une fois acquise la durée minimale de cotisation », pour une retraite à quel taux
de remplacement ?) ; on ne précise pas quelles sont les catégories sociales qui se saisiraient de cette possibilité, mais entre participer à une commission, exercer un pouvoir ou trouver un petit boulot pour joindre les deux bouts, chacun comprendra qu’il y a plus qu’une nuance. L’année où la seule proposition qui vient du gouvernement ou d’une autre commission ad hoc en matière de retraite, c’est l’allongement de la durée de cotisation, sans se préoccuper des conditions objectives de travail des salariés, on peut dire que la commission Attali n’a fait la preuve ni d’une grande imagination, ni d’une grande indépendance d’esprit.
L’idéologie dominante domine…
Avec 1% de la population, la France produit 3% de la richesse mondiale. Pourquoi ne pas avoir commencé par cela et ne pas s’être penché sur l’utilisation de la plus-value passée de la rémunération du travail à celle du capital ? Ne serait-il pas intéressant de savoir si la libération de la croissance française en a profité ?
La commission prétend supprimer les rentes, réduire les privilèges et favoriser les mobilités !(Ambition n°5) C’est évidemment une antiphrase.
Soyons certains, chers lecteurs, que cette commission verra ses conclusions louées à droite et à gauche. Rome n’est plus dans Rome…Certains appellent cela la modernité. Pourquoi pas trahison ?
JPB
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